Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 18 décembre 2019, n° 18-18.864, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Applications diverses – Maladie du salarié – Convention collective prévoyant une période de protection – Inobservation – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme F..., engagée par M. L... le 15 décembre 2008 en qualité de secrétaire standardiste, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 février 2014 ; qu'elle a été licenciée le 10 mars 2014 au motif que son absence prolongée perturbait le fonctionnement du cabinet médical et nécessitait son remplacement ;

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 29 de la convention collective du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981 ;

Attendu, selon le deuxième alinéa de ce texte, que les absences justifiées par la maladie ou l'accident dans un délai maximum d'un an n'entraînent pas une rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé et débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la salariée invoque la clause de garantie d'emploi prévue par l'article 29 de la convention collective susvisée, que si, contrairement à ce que soutient l'employeur, cet article prévoit clairement qu'un salarié en arrêt maladie ne peut être licencié qu'au terme d'une année d'absence, c'est avec pertinence qu'il met en avant que ce moyen est inopérant dès lors que le licenciement a été notifié à la salariée non pas à raison de son arrêt maladie mais seulement au motif de la perturbation qu'entraînait son absence prolongée nécessitant son remplacement définitif ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur ne pouvait se prévaloir des conséquences de l'absence pour maladie de la salariée qui, à la date où le licenciement a été prononcé, n'excédait pas un an, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme F... de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 26 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 29, alinéa 2, de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en cas de violation d'une clause de protection conventionnelle, à rapprocher : Soc., 26 septembre 1990, pourvoi n° 87-44.076, Bull. 1990, V, n° 393 (cassation) ; Soc., 7 novembre 1990, pourvoi n° 86-43.767, Bull. 1990, V, n° 523 (cassation) ; Soc., 18 novembre 1997, pourvoi n° 95-43.395, Bull. 1997, V, n° 379 (cassation) ; Soc., 20 septembre 2006, pourvoi n° 05-41.385, Bull. 2006, V, n° 274 (1) (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 10-11.052, Bull. 2011, V, n° 171 (rejet).

Soc., 11 décembre 2019, n° 18-17.707, (P)

Rejet

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Contrat de sécurisation professionnelle – Adhésion du salarié – Modalités – Proposition de contrat de sécurisation professionnelle – Remise au salarié d'un document d'information édité par les services de l'Unédic – Contenu – Mention du délai de prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail ou son motif – Effets – Délai de prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail ou son motif – Opposabilité au salarié – Portée

La remise par l'employeur au salarié, lors de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, d'un document d'information édité par les services de l'Unédic mentionnant le délai de prescription applicable en cas d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, constitue une modalité d'information suffisante du salarié quant au délai de recours d'un an qui lui est ouvert par l'article L. 1233-67 du code du travail pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif.

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Contrat de sécurisation professionnelle – Adhésion du salarié – Effets – Rupture du contrat de travail – Action en contestation – Prescription – Délai – Point de départ – Opposabilité au salarié – Conditions – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 mars 2018), qu'engagée le 6 février 2006 par la société Y... Z... en qualité de cadre commerciale, Mme P... a été convoquée par lettre du 12 février 2013 à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 4 mars suivant à l'issue duquel elle a reçu une lettre présentant les motifs économiques de la rupture et lui proposant un contrat de sécurisation professionnelle ; que le 19 mars 2013, la salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle ; que par lettre du 26 mars 2013, l'employeur lui a de nouveau notifié les motifs de la rupture, le document précisant qu'elle disposait d'un délai d'un an pour contester celle-ci ; que contestant le bien fondé de cette mesure et l'application des critères d'ordre de licenciement, la salariée a saisi le 28 mars 2014 la juridiction prud'homale ; que ses demandes ont été déclarées irrecevables et forcloses ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que ses demandes sont irrecevables car atteintes de forclusion, alors, selon le moyen :

1°/ que si, en cas d'adhésion d'un salarié au contrat de sécurisation professionnelle, les contestations portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrivent par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, ce délai n'est toutefois opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle faite par l'employeur ; que ce délai n'est donc pas opposable au salarié lorsqu'il en a été fait mention, non pas dans le courrier dans lequel l'employeur proposait au salarié d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, mais dans une notice remise à ce salarié avec le bulletin d'adhésion à ce contrat ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail ;

2°/ que le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour considérer que la salariée se référait de façon inopérante à la lettre remise par son employeur le 4 mars 2013, la cour d'appel a relevé que cette lettre n'avait pas eu pour finalité l'information préalable du salarié nécessaire à son consentement mais était destinée à énoncer en détail le motif économique du licenciement ; qu'en statuant ainsi alors que le courrier en cause, s'il rappelait en effet le motif économique du licenciement envisagé de la salariée, indiquait néanmoins également « nous vous rappelons que lors de l'entretien préalable, nous vous avons remis une documentation CSP, vous disposez à compter de ce jour de vingt et un jours pour vous positionner en terme d'acceptation ou de refus, soit jusqu'au lundi 25 mars 2013. Si vous décidiez d'accepter d'adhérer au dispositif, le contrat de travail vous liant à la société Plein Nord sera considéré comme rompu d'un commun accord entre vous et notre société pour la motivation économique susvisée. Si jamais vous décidiez de ne pas adhérer à ce dispositif, nous vous communiquerions ultérieurement votre décision concernant votre situation » et avait donc bien pour objet d'informer la salariée sur les modalités et les conséquences de son adhésion éventuelle au contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit courrier en violation de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble le principe susvisé ;

3°/ que si, en cas d'adhésion d'un salarié au contrat de sécurisation professionnelle, les contestations portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrivent par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, ce délai n'est toutefois opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle ; que la mention de ce délai dans un courrier adressé par l'employeur au salarié postérieurement à son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle n'a donc pas pour effet de rendre ce délai opposable au salarié ; pour considérer que le délai de douze mois susvisé était opposable à la salariée et que ses demandes étaient irrecevables car atteintes de forclusion, la cour d'appel a relevé que, dans sa lettre du 26 mars 2013 constatant la rupture du contrat de travail pour motif économique à la suite de l'adhésion de la salariée au contrat de sécurisation professionnelle du 19 mars 2013, l'employeur avait clairement et de façon visible rappelé à la salariée l'existence du délai de douze mois à compter de l'adhésion pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif ; qu'en statuant ainsi quand la mention de ce délai dans un courrier postérieur à l'adhésion de la salariée au contrat de sécurisation professionnelle ne pouvait avoir pour effet de lui rendre ce délai opposable, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail ;

4°/ que l'action du salarié en réparation du préjudice né de l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements ne porte ni sur la rupture du contrat de travail ni sur son motif ; que cette action n'est donc pas soumise au délai de douze mois prévu par l'article L. 1233-67 du code du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de cet article ;

5°/ que le délai de prescription d'une action ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en conséquence, à supposer que le délai de douze mois prévu par l'article L. 1233-67 du code du travail soit applicable à l'action du salarié en réparation du préjudice né de l'inobservation par l'employeur des règles relatives à l'ordre des licenciements, ce délai ne commence à courir qu'à compter du jour où le salarié a connaissance des critères d'ordre des licenciements retenus par l'employeur ; qu'en considérant que la contestation de la rupture au motif du non-respect des critères d'ordre des licenciement est détachée de la connaissance par le salarié de ces critères et qu'en conséquence, le point de départ du délai de la contestation formée par la salariée ne pouvait être repoussé au 9 avril 2013, date à laquelle la salariée a reçu, sur sa demande, communication par l'employeur des critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-67, L. 1233-17 et R. 1233-1 du code du travail ;

Mais attendu que selon l'article L. 1233-67 du code du travail, en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ; que ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle faite par l'employeur ; que la remise par l'employeur au salarié, lors de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, d'un document d'information édité par les services de l'Unédic mentionnant le délai de prescription applicable en cas d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, constitue une modalité d'information suffisante du salarié quant au délai de recours qui lui est ouvert pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif ;

Et attendu qu'ayant constaté que la salariée avait signé le 19 mars 2013 le bulletin d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle comportant la mention selon laquelle elle avait pris connaissance des informations contenues dans le document d'information remis le 4 mars 2013, soit le formulaire DAJ 541 édité par l'Unédic intitulé « information pour le salarié », et que ce document mentionnait le délai de prescription applicable à toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif en cas d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel en a justement déduit que les demandes de la salariée, relatives à la rupture du contrat de travail et introduites le 28 mars 2014, étaient irrecevables ;

D'où il suit que le moyen, qui critique en ses deuxième et troisième branches des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 1233-67, alinéa 1, du code du travail.

Soc., 11 décembre 2019, n° 18-18.653, (P)

Cassation partielle

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Convention de reclassement personnalisé – Effets – Priorité de réembauchage – Droit – Point de départ – Détermination – Portée

Selon l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2014-699 du 26 juin 2014, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Ce délai court à compter de la date à laquelle prend fin le préavis, qu'il soit exécuté ou non. Par ailleurs, selon l'article L.1233-72 du même code, lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement.

Viole dès lors les articles précités une cour d'appel qui, pour prononcer une condamnation au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, se fonde sur des éléments antérieurs au terme du congé de reclassement.

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Effets – Dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage – Condamnation – Prise en compte d'éléments antérieurs au terme du congé de reclassement (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. L..., employé par la société Arc France, a été licencié le 24 avril 2015 pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que le salarié a bénéficié d'un congé de reclassement d'une durée de douze mois qui a pris fin le 1er mars 2016, l'intéressé ayant retrouvé un emploi ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier à troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2014-699 du 26 juin 2014, et l'article L. 1233-72 du même code ;

Attendu que, pour condamner la société au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, l'arrêt retient que, du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, privant de cause le congé de reclassement, le délai d'exercice d'un an de la priorité de réembauche a commencé à courir à partir de la fin du préavis ; qu'il ajoute que par lettre du 4 mai 2015, le salarié a fait connaître à son employeur sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche ; qu'il résulte du courrier adressé par la société le 1er octobre 2015 qu'étaient disponibles à cette date un poste de contrôleur qualité moulerie et un poste de logisticien outillage dont il n'est pas justifié qu'ils étaient incompatibles avec les compétences du salarié ; que la circonstance que celui-ci avait accès à la liste des postes disponibles par le biais de l'antenne mobilité emploi ne dispensait pas l'employeur de l'informer de leur existence ;

Attendu cependant que selon l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2014-699 du 26 juin 2014, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai ; que le délai d'un an pendant lequel le salarié bénéficie de la priorité de réembauche court à compter de la date à laquelle prend fin le préavis, qu'il soit exécuté ou non ; que selon l'article L. 1233-72 du même code, le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter ; que lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la date de rupture du contrat de travail devait être fixée au 1er mars 2016, date du terme effectif du congé de reclassement, peu important que le licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments antérieurs à la date de rupture dudit contrat, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, l'arrêt rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Gouz-Fitoussi -

Textes visés :

Articles L. 1233-45 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2014-699 du 26 juin 2014 et L.1233-72 du même code.

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