Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-23.150, (P)

Rejet

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Recours à un expert – Cas – Projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité des salariés ou les conditions de travail – Définition – Projet procédant d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un accord d'entreprise – Absence d'influence

Il résulte des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail alors applicable, (CHSCT) peut faire appel à un expert agréé en cas de mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L. 4612-8-1 du code du travail alors applicable, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ce projet procède d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un accord d'entreprise.

En l'absence d'une instance temporaire de coordination des différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés dans les établissements concernés par la mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, chacun des CHSCT territorialement compétents pour ces établissements est fondé à recourir à l'expertise.

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Recours à un expert – Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements concernés – Possibilité – Projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité des salariés ou les conditions de travail – Instance temporaire de coordination – Défaut – Portée

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, 8 août 2017) rendue en la forme des référés, que le 7 février 2017, la société La Poste (La Poste) a, avec plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, conclu un accord d'entreprise relatif à l'amélioration des conditions de travail et à l'évolution des métiers destiné à la branche Services-courrier-colis ; qu'il est entré en vigueur le 22 février 2017 ; que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de Vitrolles Étang Côte bleue (le CHSCT) a, par délibération du 14 avril 2017, décidé le recours à un expert agréé en raison de l'existence d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail ;

Attendu que La Poste fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande d'annulation de la délibération ordonnant expertise votée par le CHSCT de l'établissement de Vitrolles Étang Côte bleue alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, « le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ; que ne constitue pas une telle « décision », laquelle est issue d'une manifestation de volonté unilatérale de l'employeur, un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives en charge de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote ; qu'un tel accord n'a pas à être soumis pour consultation au CHSCT ; qu'en décidant le contraire, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé ;

2°/ que l'existence d'un « projet important » s'apprécie au niveau de compétence auquel est institué le CHSCT qui décide de recourir à l'expertise ; qu'en l'espèce,

La Poste avait fait valoir dans ses écritures que l'accord-cadre du 7 février 2017 avait vocation à être mis en oeuvre progressivement au niveau de chaque établissement dans le respect des prérogatives des institutions représentatives du personnel et suivant la « méthode de conduite du changement » (articles 2-D, 2-6 et 2-7), imposant leur consultation ainsi que celle des personnels concernés, à laquelle il se référait expressément ; qu'ainsi la mise en oeuvre de l'accord-cadre du 7 février 2017 se ferait au niveau de l'établissement de Vitrolles Étang Côte bleue après élaboration d'un projet concernant chaque site de cet établissement, qui serait présenté au CHSCT, lequel en apprécierait alors l'importance et déciderait, le cas échéant, de recourir à un expert ; qu'en homologuant cependant la décision du CHSCT de recourir à une expertise aux termes de motifs abstraits et imprécis, pris de ce que, « sans entrer dans les détails des mesures prévues par ce document, il est indéniable que cet accord constitue une décision d'aménagement important modifiant de façon significative et déterminante les conditions de travail d'un nombre important de salariés (environ 350) ; que certaines modalités de déploiement dans chacun des établissements ne sont pas encore précisées et donneront lieu, dans le cadre d'un dialogue social local, à de nouvelles consultations ainsi que le prévoit, du reste, l'accord ; que [cependant] diverses dispositions sont d'application immédiate sans possibilité d'aménagement local », le président du tribunal de grande instance, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2-D et 2-3 de l'accord du 7 février 2017, ensemble de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

3°/ qu'en se déterminant aux termes de motifs dont ne ressort aucun « projet important » au niveau de l'établissement de Vitrolles Étang Côte bleue, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail alors applicable que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 code du travail alors applicable, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ce projet procède d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un accord d'entreprise ;

Attendu, ensuite, qu'en l'absence d'une instance temporaire de coordination des différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés dans les établissements concernés par la mise en oeuvre d'un projet important modifiant les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, chacun des CHSCT territorialement compétents pour ces établissements est fondé à recourir à l'expertise ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'accord du 7 février 2017, entré en application, prévoyait la création de nouvelles fonctions, telles que celles de facteur polyvalent et facteur de services expert, la création d'une filière de remplaçants, l'organisation de tournées en fonction de la charge de travail permettant une mise en adéquation des moyens de locomotion aux tournées, l'instauration d'une durée de travail hebdomadaire évolutive en fonction de l'activité, une offre de formation par une école métiers des facteurs et une nouvelle définition du rôle et des missions des managers de proximité par la création des fonctions de responsable opérationnel et de responsable d'équipe, que trois cent cinquante salariés étaient concernés au sein de l'établissement, le président du tribunal de grande instance a pu en déduire qu'il s'agissait d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Basset - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail dans leur rédaction applicable.

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-27.016, (P)

Cassation

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Recours à un expert – Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements concernés – Possibilité – Projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité des salariés ou les conditions de travail – Instance temporaire de coordination – Défaut – Portée

Il résulte des dispositions des articles L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail alors applicables que lorsque les dispositions d'un accord d'entreprise modifient les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail, les différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés au sein des établissements concernés par le projet sont fondés, dans le cas mentionné au 2° de l'article L. 4614-12 et en l'absence d'une instance temporaire de coordination, à faire appel à un expert agréé.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail alors applicables ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que lorsque les dispositions d'un accord d'entreprise modifient les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail, les différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail implantés au sein des établissements concernés par le projet sont fondés, dans le cas mentionné au 2° de l'article L. 4614-12 et en l'absence d'une instance temporaire de coordination, à faire appel à un expert agréé ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue en la forme des référés, que le 7 février 2017, la société La Poste (La Poste) a, avec plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, conclu un accord d'entreprise relatif à l'amélioration des conditions de travail et à l'évolution des métiers destiné à la branche Services-courrier-colis ; que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de Saint-Denis PDC (le CHSCT) a, par délibération du 21 août 2017, décidé le recours à un expert agréé en raison de l'existence d'un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail ;

Attendu que, pour annuler cette délibération, l'ordonnance retient que l'article 2 de l'accord du 7 février 2017 qui traite des modalités de construction des organisations à la distribution ne se rapporte pas aux modalités d'organisation mais se contente de donner l'architecture que celles-ci doivent suivre, que l'article 3 traite des principes de gestion des organisations à la distribution, que l'article 4 se rapporte quant à lui aux métiers des facteurs et des factrices et de leurs encadrants en définissant de nouveaux parcours et de nouvelles fonctions, que l'article 5 vise à l'amélioration des équipements et notamment des moyens de locomotion, qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que l'accord du 7 février 2017 ne crée pas de modification directe dans les conditions de travail, de sécurité ou de santé des agents mais suppose la mise en oeuvre de plans et stratégies au niveau local au sein de chaque établissement concerné, que force est de constater que la demande d'expertise sollicitée par le CHSCT s'appuie davantage sur des craintes soulevées par l'accord national que par son application au sein de l'établissement de Saint-Denis PDC, pour lequel les changements concrets paraissent en l'état des débats limités dès lors qu'ils ne visent pour l'essentiel que la modification des fonctions de remplacement de trois agents, que s'il n'est pas contesté que de nombreuses mesures portées par l'accord national litigieux constituent des modifications importantes des conditions de travail, il n'est pas établi que leur mise en oeuvre au sein de l'établissement Saint-Denis PDC produisent les mêmes effets, que dès lors, il ne saurait être soutenu que l'application de l'accord facteurs en date du 7 février 2017 constitue un projet important ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'accord était applicable immédiatement à l'ensemble du personnel et des établissements, qu'au sein de l'établissement de Saint-Denis PDC son application entraînait une série de changements quant à l'organisation des tournées, à la sécabilité, au calcul des heures supplémentaires sur une période pluri-hebdomadaire, à l'adaptation des moyens de locomotion pour les tournées, qu'elle entraînait également des recrutements d'abord en avril 2017 puis pour les facteurs polyvalents en mai 2017, que trois agents devaient être promus à la fonction de facteur polyvalent, que cette nouvelle fonction permettait l'acquisition de nouvelles compétences telle que l'adaptabilité ; que de nombreuses mesures de l'accord constituaient des modifications importantes des conditions de travail, ce dont il aurait dû déduire qu'il s'agissait d'un projet important ayant des répercussions sur les conditions de travail des salariés au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail alors applicable, de sorte que les CHSCT implantés au sein des établissements concernés étaient compétents pour décider le recours à un expert agréé, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue en la forme des référés le 19 octobre 2017, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Pierre, statuant en la forme des référés.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Basset - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail dans leur rédaction applicable.

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