Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-18.725, (P)

Rejet

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Validité – Conditions – Accord collectif prévoyant la convention de forfait en jours et assurant la protection de la sécurité et de la santé du salarié – Application par l'employeur – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2017), que M. Y... a été engagé le 1er novembre 2001 en qualité de directeur de clientèle par la société MTV Networks dans laquelle il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur commercial senior ; qu'il a été licencié le 21 décembre 2012 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement et la validité de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment à titre d'heures supplémentaires ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et à titre de contrepartie en repos alors, selon le moyen, que c'est au salarié qui soutient, pour voir juger que sa convention de forfait en jours est privée d'effet, que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'accord collectif de nature à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, qu'il incombe de l'établir ; qu'en retenant qu'il n'est pas établi par l'employeur que, dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours, le salarié ait été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, ce que contestait formellement la société qui faisait valoir que l'amplitude et la charge de travail des salariés en forfait jours sont appréciées tous les mois suite à la remise du bordereau de décompte des journées travaillées par le salarié, et à la fin de chaque quadrimestre dans le cadre d'un entretien en cas d'absence de prise de jours de repos par le salarié, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

Mais attendu qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours ; qu'ayant relevé qu'il n'était pas établi par l'employeur que, dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours, le salarié avait été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, la cour d'appel, qui en a déduit que la convention de forfait en jours était sans effet, en sorte que le salarié était en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur) - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 1315, devenu 1353, du code civil.

Soc., 12 décembre 2018, n° 17-17.680, (P)

Cassation partielle

Durée hebdomadaire – Durée maximale – Détermination – Article L. 3121-35 du code du travail – Conformité aux dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 – Portée

L'article L. 3121-35 du code du travail, qui fixe la durée hebdomadaire maximale de travail à quarante-huit heures au cours d'une période de référence d'une semaine, est, compte tenu des dispositions de l'article L. 3121-36 du même code, conforme aux dispositions des articles 6 et 16, sous b) de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 13 juillet 1987 par la société Securitas France en qualité d'agent de sécurité mobile ; qu'à la suite de son licenciement le 1er août 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de la violation de son droit à la santé et au repos ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 6 et 16, sous b, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ensemble les articles L. 3121-35 et L. 3121-36 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu, selon l'article 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne doit pas excéder quarante-huit heures ; que les États membres peuvent prévoir, pour l'application de ce texte, une période de référence ne dépassant pas quatre mois ; qu'aux termes de l'article L. 3121-35 du code du travail, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures ;

Attendu que pour dire que l'employeur a méconnu son obligation de préserver la santé du salarié et le condamner au paiement de dommages et intérêts à ce titre, l'arrêt retient, d'abord que la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail dispose, en son article 6 relatif à la durée hebdomadaire de travail, que les Etats doivent prendre toute mesure pour que « la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires », qu'aucune disposition de cette directive ne permet de restreindre la définition de la période de sept jours à une semaine calendaire, commençant, comme c'est le cas en France, le lundi matin, que le caractère de norme minimale et la finalité de la directive, à savoir la protection de la santé des salariés, ne permettent pas de faire prévaloir l'article L. 3121-35 du code du travail sur les prescriptions de l'article 6 du texte européen, ensuite que les seules dérogations autorisées par la directive sont prévues à l'article 16 et portent sur la période de référence, laquelle peut atteindre quatre mois, mais que l'employeur n'invoque pas de telles dispositions et que la convention collective n'en prévoit aucune ayant pour effet d'autoriser une durée de travail de 72 heures sur sept jours, que le droit national n'étant pas conforme aux prescriptions précises de la directive, les dispositions de celle-ci doivent primer, qu'enfin le salarié a travaillé le 10 et 11 juillet 2013, deux fois 12 heures, les 13 et 14 juillet, deux fois 12 heures, les 15 et 16 juillet, deux fois 12 heures, que la durée maximale de travail de 48 heures sur sept jours, soit du 10 au 16 juillet 2013, a donc été dépassée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 3121-35 du code du travail, qui fixe la durée hebdomadaire maximale de travail à quarante-huit heures au cours d'une période de référence d'une semaine, est, compte tenu des dispositions de l'article L. 3121-36 du même code selon lesquelles la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, conforme aux dispositions des articles 6 et 16, sous b, de la directive 2003/88/CE, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la critique du moyen ne vise pas les chefs de dispositif relatifs à la rupture du contrat de travail, que la cassation prononcée ne permet pas d'atteindre ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Securitas France a méconnu son obligation de préserver la santé de M. X... et en ce qu'il la condamne à payer à ce titre la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. David - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 3121-35 et L. 3121-36 du code du travail dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; articles 6 et 16, sous b, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

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