Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

SEPARATION DES POUVOIRS

1re Civ., 12 décembre 2018, n° 18-10.977, (P)

Cassation sans renvoi

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Contentieux général de la sécurité sociale – Définition – Exclusion – Cas – Litiges relatifs à des prestations ou avantages inhérents au statut des fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques – Applications diverses

Les litiges relatifs à l'application du régime de sécurité sociale aux fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques relèvent de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, à moins qu'ils ne portent sur des prestations ou avantages inhérents à leur statut.

Dès lors, il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige né du recouvrement de prestations indûment versées par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales au conjoint survivant divorcé d'un agent affilié, le droit à pension de réversion constituant un avantage inhérent au statut de cet agent.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que le critère de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale est, s'agissant des fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques, lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend ; que, dès lors, les litiges relatifs à l'application à ces agents du régime de sécurité sociale, qu'il s'agisse du régime général ou d'un régime spécial, échappent à la juridiction administrative ; que, cependant, il en va autrement lorsque le litige porte sur des prestations ou avantages inhérents à leur statut ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès de B... A..., employé en qualité d'agent de la ville de Bordeaux, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (la CNRACL) a versé, à compter du 1er juin 1992, une pension de réversion à Mme X..., son ex-épouse ; que, celle-ci l'ayant informée, le 6 août 2013, de sa situation de concubinage depuis 1999, la CNRACL a, par décision notifiée le 31 juillet 2015, annulé la pension et sollicité le remboursement des sommes perçues du 1er octobre 1999 au 31 août 2013 ; que Mme X... a contesté cette décision devant un tribunal des affaires de sécurité sociale ; que la CNRACL a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que, pour retenir la compétence de la juridiction judiciaire, l'arrêt énonce que le litige est relatif au droit personnel d'ayant droit de Mme X..., qui ne possède pas le statut d'agent public et ne discute pas les dispositions du code des pensions civiles et militaires des fonctionnaires, mais invoque la prescription et le manquement de la CNRACL à son obligation d'information ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à pension de réversion dont bénéficie le conjoint survivant divorcé d'un agent affilié à la CNRACL constitue un avantage inhérent au statut de cet agent, de sorte qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige né du recouvrement des prestations indûment versées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; article L. 142-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige relatif à des prestations ou avantages inhérents au statut des fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques, cf. : Tribunal des conflits, 19 avril 1982, n° 02216, publié au Recueil Lebon ; Tribunal des conflits, 25 mars 1996, n° 03011, inédit au Recueil Lebon ; Tribunal des conflits, 20 février 2008, n° C3649, inédit au Recueil Lebon ; Tribunal des conflits, 12 décembre 2011, n° C3827, publié au Recueil Lebon ; Tribunal des conflits, 7 juillet 2014, n° C3952, inédit au Recueil Lebon. Sur la détermination des litiges relevant de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, à rapprocher : 1re Civ., 22 septembre 2016, pourvoi n° 15-12.357, Bull. 2016, I, n° 171 (2) (rejet).

1re Civ., 5 décembre 2018, n° 17-30.978, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Contentieux des étrangers – Appréciation de la possibilité ou de l'opportunité du renvoi d'un étranger vers le pays fixé par une décision administrative

Constitue un excès de pouvoir l'appréciation de la possibilité ou de l'opportunité du renvoi d'un étranger vers le pays fixé par une décision administrative dont la légalité ne relève pas du juge judiciaire.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 512-1 et L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. Y..., devenu M. A..., de nationalité irakienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été condamné pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée à une peine d'emprisonnement assortie d'une interdiction définitive du territoire français ; que le préfet a pris, le 2 octobre 2017, un arrêté fixant l'Irak comme pays de destination et, le 14 octobre, une décision de placement en rétention, dont il a sollicité la prolongation ;

Attendu que, pour prononcer la mainlevée de cette mesure, l'ordonnance relève que l'Irak est depuis de nombreuses années le théâtre de conflits armés donnant lieu à des exactions commises par des groupes armés et des attentats répétés contre des populations civiles et retient que l'Etat irakien ne parvient pas à assurer la sécurité des populations se trouvant sur son territoire, notamment celle du groupe auquel M. Y... dit appartenir, de sorte qu'en l'absence de démonstration, par les autorités françaises, de leur capacité à le renvoyer vers ce pays sans porter atteinte à l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son éloignement apparaît impossible dans le temps de la rétention, même prolongée ;

Qu'en se prononçant ainsi sur l'opportunité d'un renvoi vers l'Irak, et, par suite, sur la légalité de la décision administrative fixant le pays de renvoi, le premier président a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 16 octobre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; articles L. 512-1 et L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de la compétence du juge judiciaire pour se prononcer sur la légalité de la mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un ressortissant étranger, à rapprocher : 1re Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-50.062, Bull. 2017, I, n° 200 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ; 1re Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 17-10.207, Bull. 2017, I, n° 201 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités. Sur l'excès de pouvoir que constitue l'appréciation, par le juge judiciaire, de la possibilité ou de l'opportunité du renvoi d'un étranger vers le pays fixé par une décision administrative, à rapprocher : 2e Civ., 12 octobre 2000, pourvoi n° 99-50.042, Bull. 2000, II, n° 139 (rejet).

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