Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-22.583, n° 17-23.558, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Attributions – Activités sociales et culturelles – Ressources – Contribution de l'employeur – Calcul – Assiette – Eléments pris en compte – Masse salariale brute – Gains et rémunérations pris en compte – Indemnités de rupture du contrat de travail – Conditions – Détermination – Portée

Sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement comme de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise s'entend de la masse salariale brute constituée par l'ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Il résulte des dispositions du premier alinéa de ce texte que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

Une cour d'appel, qui retient que certaines indemnités versées à l'occasion de la rupture étaient pour partie assujetties au paiement de cotisations sociales, notamment les indemnités de licenciement ou de départ volontaire qui sont soumises à ces prélèvements pour leur part dépassant deux fois le plafond annuel de cotisations sociales et pour leur totalité lorsqu'elles dépassent dix fois ce plafond, en déduit dès lors exactement que ces indemnités de rupture sont comprises dans l'assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise au titre des années considérées pour leur part assujettie aux cotisations de sécurité sociale.

Comité d'entreprise – Fonctionnement – Subvention de fonctionnement – Calcul – Base de calcul – Masse salariale brute – Gains et rémunérations pris en compte – Indemnités de rupture du contrat de travail – Conditions – Détermination – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-22.583 et 17-23.558 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 avril 2017), que la société Clear Channel (la société), spécialisée dans la communication extérieure et la publicité, comporte trente établissements et emploie environ mille salariés ; qu'au cours de l'année 2011, son comité d'entreprise a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d'un désaccord avec la direction sur le montant et l'assiette des budgets qui lui étaient alloués ; que par jugement du 20 juin 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 octobre 2014, la société a été condamnée à régulariser les subventions versées de 2006 à 2010 sur la base des chiffres issus du compte 641 du plan comptable général ; que par acte du 27 décembre 2013, le comité d'entreprise a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre de nouvelles irrégularités dans le calcul des budgets qui lui avaient été alloués au titre des années 2010, 2011, 2012, relevées par l'expert-comptable qu'il avait désigné pour l'examen des comptes annuels 2012 ; que la cour d'appel a déclaré irrecevables les demandes de solde de subvention au fonctionnement et de contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise au titre de l'année 2010, et, avant dire droit sur le surplus, dit que les indemnités de rupture étaient comprises dans l'assiette de calcul des subventions au fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise au titre des années 2011 et 2012 pour leur part assujettie aux cotisations sociales et ordonné la réouverture des débats sur les montants dus à ce dernier titre par la société Clear Channel France au comité d'entreprise, calculés sur la base ainsi fixée par la cour ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 17-23.558 : Publication sans intérêt

Sur le moyen unique du pourvoi n° 17-22.583 et le second moyen du pourvoi n° 17-23.558, réunis :

Attendu que tant la société que son comité d'entreprise font grief à l'arrêt de dire que les indemnités de rupture sont comprises dans l'assiette de calcul de la subvention au fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise au titre des années 2011 et 2012, pour leur part assujettie aux cotisations sociales, alors, selon les moyens :

1°/ qu'en jugeant que les indemnités liées à la rupture doivent être intégrées à l‘assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles dans la mesure où elles sont assujetties à cotisations sociales, sans distinguer suivant la nature de ces indemnités, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail ;

2°/ qu'en tout état de cause, bien qu'elles soient pour partie soumises à cotisations sociales - en fonction des choix annuels de politique sociale que traduisent les lois de financement de sécurité sociale -, les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, en réparation des conséquences de la perte de l'emploi, que cette dernière soit ou non fautive, ou en réparation d'une irrégularité commise lors de la rupture, revêtent dans leur intégralité une nature indemnitaire et non une nature salariale ; qu'en considérant que ces indemnités ont une nature partiellement salariale pour le seul motif qu'elles sont pour partie assujetties au paiement de cotisations sociales et en jugeant qu'elles doivent pour cette partie être intégrées dans l'assiette de calcul de la subvention et de la contribution dues au comité d'entreprise, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail ;

3°/ au surplus, que l'évolution du droit du travail et de la représentation du personnel résultant de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et les dispositions interprétatives issues de cette ordonnance définissant la notion de masse salariale brute qui sert d'assiette au calcul de la subvention et de la contribution litigieuses, conduisent à apprécier différemment cette notion pour y inclure les seuls gains et rémunérations soumis à cotisations en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et versés en contrepartie ou à l'occasion du travail à l'exclusion des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ; qu'en jugeant que de telles indemnités de rupture ont une nature salariale en ce qu'elles sont pour partie assujetties au paiement de cotisations sociales, et qu'elles doivent pour cette partie être intégrées dans l'assiette de calcul de la subvention et de le contribution dues au comité d'entreprise, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la notion de masse salariale et a violé les dispositions des articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail ;

4°/ que la cassation du chef ayant débouté le comité d'entreprise de sa demande de rappels de subvention de fonctionnement et de contribution à ses activités sociales pour les sommes comptabilisées sur le compte 671 du plan comptable général au titre de l'année 2010, entraînera par identité de motifs la cassation du chef ayant débouté le comité de sa demande tendant à ce que les indemnités de rupture comptabilisées sur le compte 671 du plan comptable général soient comprises dans l'assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales du comité d'établissement au titre des années 2011 et 2012 ;

5°/ que, la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles et au calcul de la subvention de fonctionnement versée par l'employeur au comité d'entreprise s'entend de la masse salariale brute correspondant au compte 641 du plan comptable général, à l'exception des sommes qui correspondent à la rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais, ainsi que celles qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dues au titre de la rupture du contrat de travail ; que la masse salariale brute s'entend également de toutes les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement que l'employeur aurait comptabilisé en charge exceptionnelle dans le compte 671 du plan comptable général ; qu'en n'intégrant dans l'assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales du comité d'établissement, que les indemnités liées à la rupture dans la mesure où elles sont assujetties à cotisation sociales au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-43 et L. 2323-86 du code du travail ;

Mais attendu que, sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement comme de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise s'entend de la masse salariale brute constituée par l'ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que certaines indemnités versées à l'occasion de la rupture étaient pour partie assujetties au paiement de cotisations sociales, notamment les indemnités de licenciement ou de départ volontaire qui sont soumises à ces prélèvements pour leur part dépassant deux fois le plafond annuel de cotisations sociales et pour leur totalité lorsqu'elles dépassent dix fois ce plafond, en a exactement déduit que ces indemnités de rupture étaient comprises dans l'assiette de calcul de la subvention au fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise au titre des années 2011 et 2012 pour leur part assujettie aux cotisations de sécurité sociale ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2323-86 et L. 2325-43 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ; article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des sommes incluses dans la masse salariale brute servant de base de calcul de la subvention de fonctionnement et au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, à rapprocher : Soc., 6 juin 2018, pourvoi n° 17-11.497, Bull. 2018, V, n° 106 (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité Sur l'inclusion des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à rapprocher : 2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n° 17-10.325, Bull. 2018, II, n° 51 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 19 décembre 2018, n° 18-14.520, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisations, gestion et marche générale de l'entreprise – Mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs – Projet d'offre publique d'acquisition – Droit à l'information – Structures concernées – Détermination – Portée

Il résulte des dispositions des articles L. 2323-1 et L. 2323-33 du code du travail, alors applicables, interprétés à la lumière de l'article 4 de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne et de l'article L. 2341-9 du même code, qu'en l'absence de comité d'entreprise européen instauré par un accord précisant les modalités de l'articulation des consultations en application de l'article L. 2342-9, 4°, du code du travail, l'institution représentative du personnel d'une société contrôlée par une société-mère ayant son siège dans un autre Etat membre de l'Union européenne doit être consultée sur tout projet concernant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs résultant des modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, y compris lorsque une offre publique d'acquisition porte sur les titres de la société-mère.

I. Faits et procédure

1.Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Nanterre, 22 mars 2018), rendue en la forme des référés, le 11 décembre 2017, la société Thales a déposé une offre publique d'acquisition auprès de la société Gemalto NV, société holding de droit néerlandais comme ayant son siège social aux Pays-Bas. A l'occasion d'une consultation liée à la mise en oeuvre d'un projet de réorganisation accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la société de droit français Gemalto SA, filiale à 99,99 % de la société Gemalto NV, le comité central d'entreprise de la société Gemalto SA a demandé des informations sur l'offre publique d'acquisition présentée par la société Thales. Estimant que la société Gemalto SA n'avait pas régulièrement donné suite à cette demande, le comité central d'entreprise a saisi, le 18 février 2018, le président du tribunal de grande instance de Nanterre afin qu'il soit ordonné à la société Gemalto SA de lui fournir une information complète sur cette offre publique d'acquisition.

2.Par ordonnance du 22 mars 2018, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a mis hors de cause la société Thales SA et a ordonné la communication au comité central d'entreprise de la société Gemalto SA, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de trente jours à compter de la signification de l'ordonnance, d'un certain nombre de documents concernant l'offre publique d'acquisition.

II. Moyen unique du pourvoi

3.La société Gemalto SA fait grief à la décision de lui ordonner sous astreinte de communiquer au comité central d'entreprise les informations et documents précisément listés comportant le calendrier, les conditions de l'offre publique d'acquisition et les caractéristiques de l'auteur de l'offre, ainsi que l'impact de l'offre publique d'acquisition sur le projet de réorganisation de la société Gemalto SA alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 2323-35 du code du travail, selon lequel « lors du dépôt d'une offre publique d'acquisition, l'employeur de l'entreprise sur laquelle porte l'offre et l'employeur qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour l'en informer » et de l'article L. 2323-39 du même code qui dispose que « préalablement à l'avis motivé rendu par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance sur l'intérêt de l'offre et sur les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés, le comité de l'entreprise faisant l'objet de l'offre est réuni et consulté sur le projet d'offre.

Au cours de cette réunion, il examine le rapport établi par l'expert-comptable en application de l'article L. 2323-38 et peut demander la présence de l'auteur de l'offre », que seul le comité de l'entreprise sur laquelle porte l'offre d'acquisition peut invoquer ces dispositions, à l'exclusion des filiales qu'elle pourrait détenir ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles la société Gemalto NV, société de droit néerlandais, était la société cible de l'OPA formulée par la société Thales, de sorte que le CCE de la filiale française, la société Gemalto SA, ne tenait de l'article 2323-39 aucun droit d'être informé par la société Gemalto SA sur cette OPA, et d'obtenir des informations et documents dont la société Gemalto SA ne disposait pas, le tribunal a violé les textes précités ;

2°/ qu'en s'étant fondé sur la circonstance inopérante selon laquelle la société Gemalto SA était détenue à 99,99 % par la société Gemalto NV, société cible de l'OPA de la société Thales, qui ne permettait pas d'en déduire que le CCE de la société Gemalto SA était en droit, en application de l'article L. 2323-39 du code du travail, d'être informé sur cette OPA, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;

3°/ et subsidiairement que les dispositions impératives de l'article L. 2323-39 du code du travail prévoient la possibilité pour le comité d'entreprise de solliciter auprès du président du tribunal de grande instance la remise de documents, uniquement lorsqu'une procédure d'information-consultation a été initiée et que le CE estime ne pas disposer d'éléments suffisants ; qu'en l'espèce, en ayant ordonné par la société Gemalto SA la remise de documents et d'informations, avant même qu'une procédure d'information-consultation ne soit initiée, le tribunal a en tout état de cause violé l'article L. 2323-39 du code du travail ;

4°/ que selon l'article 6 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, « dès que l'offre a été rendue publique, les organes d'administration ou de direction de la société visée et de l'offrant, informent respectivement les représentants de leur personnel ou, lorsqu'il n'existe pas de tels représentants, le personnel lui-même » ; que l'article 2-1-b de la directive précise que la « société visée » est « la société dont les titres font l'objet d'une offre » ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, selon lesquelles la société Gemalto NV, société de droit néerlandais, était la société cible de l'OPA de la société Thales, de sorte que le CCE de la filiale française, la société Gemalto SA, n'avait aucun droit de recevoir une information de la société Gemalto SA sur une éventuelle OPA pouvant concerner les titres de la société-mère, le tribunal a, de surcroît, violé les articles 2 et 6 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 ;

5°/ qu'en n'ayant pas répondu aux conclusions de la société Gemalto SA soutenant que l'article 4 « Autorité de contrôle et droit applicable » de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 rappelait que « l'autorité compétente pour le contrôle de l'offre est celle de l'Etat membre dans lequel la société visée a son siège social » et que l'OPA formulée par la société Thales échappait donc à la réglementation française puisqu'elle avait pour cible la société Gemalto NV, société de droit néerlandais enregistrée aux Pays-Bas, relevant de la compétence de la « Dutch Authority for the Financial Markets », le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en délaissant les conclusions de la société Gemalto SA qui soutenaient que l'opération de rapprochement avec la société Thales demeurait hypothétique, de sorte que les demandes du CCE étaient sans objet, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les conclusions de la cause ; qu'en retenant que la société Gemalto SA reconnaissait, dans ses conclusions, avoir convoqué le CCE pour une réunion extraordinaire le 8 janvier 2018 « en vue de consultation sur le projet de rapprochement de Thales et de la société Gemalto NV » puis à une réunion le 1er février 2018 pour lui communiquer les informations dont elle disposait « quant à la procédure d'OPA », pour en déduire qu'il convenait de faire droit à la demande du CCE de communication d'informations et de documents par la société Gemalto SA, cependant que la société Gemalto SA avait précisé dans ses écritures avoir effectué cette convocation « alors qu'elle n'y était pas tenue », la cour d'appel a dénaturé, par omission, les conclusions de la société Gemalto SA, et a ainsi méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

8°/ que l'aveu judiciaire ne peut être divisé contre son auteur ; qu'en retenant que si la société Gemalto SA conteste tout droit à une procédure d'information/consultation du CCE pour refuser de communiquer tout document, elle reconnaît, dans ses conclusions, avoir convoqué le CCE pour une réunion extraordinaire le 8 janvier 2018 « en vue de consultation sur le projet de rapprochement de la société Thales et de la société Gemalto NV » puis à une réunion le 1er février 2018 pour les communiquer les informations dont elle disposait « quant à la procédure d'OPA », pour en déduire qu'il convenait de faire droit à la demande du CCE de communication d'informations et de documents par la société Gemalto SA, cependant que la société Gemalto SA avait indiqué avoir effectué cette convocation « alors qu'elle n'y était pas tenue », la cour d'appel a méconnu la règle de l'indivisibilité de l'aveu et violé l'article 1356 devenu 1383-2 du code civil.

III. Appréciation de la Cour

4.La demande du comité central d'entreprise de la société Gemalto SA est fondée, à titre principal, sur les dispositions de l'article 9, § 5, de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition. Cet article 9, § 5, est ainsi rédigé : « L'organe d'administration ou de direction de la société visée établit et rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre, notamment son avis quant aux répercussions de la mise en œuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts de la société et spécialement l'emploi ainsi que quant aux plans stratégiques de l'offrant pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activité de la société selon la description figurant dans le document d'offre conformément à l'article 6, § 3, point i).

L'organe d'administration ou de direction de la société visée communique dans le même temps cet avis aux représentants du personnel de la société ou, lorsqu'il n'existe pas de tels représentants, au personnel lui-même. Si l'organe d'administration ou de direction de la [...] utile un avis distinct des représentants du personnel quant aux répercussions de l'offre sur l'emploi, celui-ci est joint au document. »

5.Il sera précisé que le document visé à l'article 6, § 3, point i) de la directive doit mentionner « les intentions de l'offrant quant à la poursuite de l'activité de la société visée et, pour autant qu'elle soit affectée par l'offre, de la société offrante ainsi que quant au maintien des emplois de leur personnel et de leurs dirigeants, y compris tout changement important des conditions d'emploi, et en particulier les plans stratégiques de l'offrant pour les deux sociétés et les répercussions probables sur l'emploi et les sites d'activité des sociétés ».

6.Toutefois, la Cour relève que l'article 2 de la directive 2004/25/CE, intitulé « Définitions », mentionne dans son paragraphe 2 qu'aux fins de la présente directive, on entend par « société visée » : « la société dont les titres font l'objet d'une offre ».

7.Par ailleurs, seule l'autorité de contrôle compétente au sens de l'article 4, § 2, a) de la directive, c'est-à-dire celle de l'Etat membre dans lequel la société visée a son siège social lorsque les titres de cette société sont admis à la négociation sur un marché réglementé de cet Etat membre, peut contrôler, en application de l'article 4, § 5, de la directive, le respect des obligations découlant de la directive et notamment l'obligation d'information et de consultation prévue à l'article 9, § 5. Interpréter les termes « société visée » comme s'appliquant également aux filiales de la société dont les titres font l'objet de l'offre publique d'acquisition conduirait dès lors à la reconnaissance de la compétence conjointe de plusieurs autorités de contrôle au sens de l'article 4, § 2, a) de la directive, ce qui serait manifestement contraire aux objectifs de la directive 2004/25/CE.

8.La Cour en conclut qu'il est donc impossible de fonder une obligation d'information et de consultation de l'institution représentative du personnel d'une société filiale sur l'article L. 2323-39 du code du travail, lequel est la transposition en droit français de l'article 9, § 5, de la directive 2004/25CE.

9.Toutefois, la Cour observe que l'article 14 de la directive 2004/25/CE dispose que la présente directive ne porte pas préjudice aux règles relatives à l'information et à la consultation des représentants du personnel de l'offrant et de la société visée ainsi que, si les États membres le prévoient, à la cogestion avec ce personnel, régies par les dispositions nationales pertinentes, et notamment celles arrêtées en application des directives 94/45/CE, 98/59/CE, 2001/86/CE et 2002/14/CE. Certes, cette disposition ne vise que les représentants du personnel de l'offrant et de la société visée. Néanmoins, la référence à la directive 94/45/CE, du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ainsi qu'à la directive 2002/14/CE, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne montre que la directive 2004/25/CE n'a pas entendu remettre en cause les obligations générales qui découlent de ces deux directives.

10.La directive 94/45/CE a été remplacée par la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs, dont l'article 12 intitulé « Relation avec d'autres dispositions communautaires et nationales » dispose ainsi :

" 1.L'information et la consultation du comité d'entreprise européen sont articulées avec celles des instances nationales de représentation des travailleurs dans le respect des compétences et des domaines d'intervention de chacune d'entre elles et des principes énoncés à l'article 1er, paragraphe 3.

2.Les modalités de l'articulation entre l'information et la consultation du comité d'entreprise européen et des instances nationales de représentation des travailleurs sont établies par l'accord visé à l'article 6. Cet accord est sans préjudice des législations et/ou de la pratique nationales sur l'information et la consultation des travailleurs.

3.À défaut de telles modalités définies par accord, les Etats membres prévoient que le processus d'information et de consultation soit mené tant au sein du comité d'entreprise européen que des instances nationales de représentation des travailleurs dans le cas où des décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les contrats de travail sont envisagées.

4.La présente directive ne porte pas atteinte aux procédures d'information et de consultation visées par la directive 2002/14/CE ni aux procédures spécifiques visées à l'article 2 de la directive 98/59/CE et à l'article 7 de la directive 2001/23/CE.

5.La mise en œuvre de la présente directive ne constitue pas un motif suffisant pour justifier une régression par rapport à la situation existant dans les États membres en ce qui concerne le niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par celle-ci. »

11.Ces dispositions de la directive 2009/38/CE ont été intégrées en droit français à l'article L. 2341-9 du code du travail, créé par l'ordonnance n° 2011-1328 du 20 octobre 2011, qui prévoit :

" L'information et la consultation du comité d'entreprise européen sont articulées avec celles des autres institutions représentatives du personnel mentionnées au présent livre et celles mises en place en application du droit de l'Etat membre sur le territoire duquel est implanté l'entreprise ou l'établissement, en fonction de leurs compétences et domaines d'intervention respectifs.

Lorsque le comité d'entreprise européen est constitué en l'absence d'accord ou lorsque l'accord ne prévoit pas les modalités d'articulation visées au 4° de l'article L. 2342-9 et dans le cas où des décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les contrats de travail sont envisagées, le processus d'information et de consultation est mené tant au sein du comité d'entreprise européen que des institutions nationales représentatives du personnel. »

12.Il n'est pas invoqué par les parties, et notamment par la société Gemalto SA, l'existence au sein de la société de droit néerlandais Gemalto NV d'un comité d'entreprise européen.

13.Or, en application de l'article 12 de la directive 2009/38/CE, demeurent applicables les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, dont l'article 4, § 2, dispose que l'information et la consultation recouvrent :

a) l'information sur l'évolution récente et l'évolution probable des activités de l'entreprise ou de l'établissement et de sa situation économique ;

b) l'information et la consultation sur la situation, la structure et l'évolution probable de l'emploi au sein de l'entreprise ou de l'établissement, ainsi que sur les éventuelles mesures d'anticipation envisagées, notamment en cas de menace sur l'emploi.

14.Les dispositions de la directive 2002/14/CE sur ce point sont intégrées en droit français aux articles L. 2323-1 et L. 2323-33 du code du travail alors applicables.

L'article L. 2323-1 du code du travail vise notamment « l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs » et l'article L. 2323-33 concerne « les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ».

15.Les dispositions générales de l'article L. 2323-1 du code du travail ont été visées par le comité central d'entreprise dans son assignation et la société Gemalto SA, dans ses conclusions devant le président du tribunal de grande instance, y consacre des observations (pages 14 et suivantes). Il en résulte que la question juridique était dans les débats et qu'il n'est pas besoin pour la Cour de cassation de recourir à l'application de l'article 1015 du code de procédure civile.

16.Or, la Cour a déjà jugé (Soc., 26 octobre 2010, pourvoi n° 09-65.565, Bull. 2010, V, n° 248), s'agissant également d'une offre publique d'acquisition, que l'opération projetée avait pour effet de supprimer l'un des acteurs du marché et avait une incidence sur la situation des salariés des sociétés qui, indirectement, en étaient la cible, et qu'une cour d'appel a exactement décidé que ces sociétés étaient parties à l'opération et que le comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale qu'elles constituent était fondé à recourir à l'assistance d'un expert-comptable chargé d'analyser le projet.

17.Il y a donc lieu de juger qu'il résulte des dispositions des articles L. 2323-1 et L. 2323-33 du code du travail, alors applicables, interprétés à la lumière de l'article 4 de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne et de l'article L. 2341-9 du même code, qu'en l'absence de comité d'entreprise européen instauré par un accord précisant les modalités de l'articulation des consultations en application de l'article L. 2342-9, 4°, du code du travail, l'institution représentative du personnel d'une société contrôlée par une société-mère ayant son siège dans un autre Etat membre de l'Union européenne doit être consultée sur tout projet concernant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs résultant des modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, y compris lorsque une offre publique d'acquisition porte sur les titres de la société-mère ;

18.En ayant constaté que l'offre publique d'acquisition déposée par la société Thales en décembre 2017 sur la société Gemalto NV affectait indirectement la société Gemalto SA, filiale à 99,99 % de la première, au regard des incidences sur l'emploi des salariés de la société Gemalto SA, le président du tribunal de grande instance a exactement décidé, par ces seuls motifs, que le comité central d'entreprise de la société Gemalto SA était fondé à demander des informations sur l'offre publique d'acquisition et, en cas de refus, à en saisir la juridiction compétente en application de l'article L. 2323-4 du code du travail, alors applicable ;

19.Il s'ensuit que le moyen, inopérant en ses cinq premières branches, n'est pas fondé pour le surplus.

IV. Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour rejette le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2323-1 et L. 2323-33 du code du travail alors applicables ; article L. 2341-9 du code du travail ; directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

Rapprochement(s) :

Sur l'impact d'une opération de prise de contrôle affectant plusieurs entités d'un groupe en matière de consultation des institutions représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 26 octobre 2010, pourvoi n° 09-65.565, Bull. 2010, V, n° 248 (rejet).

Soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655, (P)

Rejet

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Contestation – Saisine de l'autorité administrative – Décision de l'autorité administrative – Recours – Tribunal d'instance – Pouvoirs – Etendue – Détermination – Portée

En application de l'article L. 2313-5 du code du travail, relèvent de la compétence du tribunal d'instance, en dernier ressort, à l'exclusion de tout autre recours, les contestations élevées contre la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts.

Il appartient en conséquence au tribunal d'instance d'examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision de la direction régionale des entreprises, de l'économie, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et, s'il les dit mal fondées, de confirmer la décision, s'il les accueille partiellement ou totalement, de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, sur les questions demeurant en litige.

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Critères – Autonomie de gestion du responsable de l'établissement – Définition – Détermination – Portée

Selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est fixé compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service.

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Denis, 11 octobre 2018), qu'à la suite de l'échec des négociations menées entre la direction et les organisations syndicales du groupe public ferroviaire (le groupe SNCF) pour la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts des trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) composant le groupe, la direction de la SNCF a fixé unilatéralement, par deux décisions des 19 février et 23 mars 2018, le périmètre des trente-trois établissements distincts retenus pour la mise en place des comités sociaux et économiques au sein des trois EPIC ; que deux organisations syndicales, la fédération nationale CGT des travailleurs, cadres et techniciens des chemins de fer français et la fédération des syndicats de travailleurs du rail, solidaires, unitaires et démocratiques (fédération Sud Rail), ont saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour contester ces décisions ; que la DIRECCTE a, par décision du 30 mai 2018, fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts selon les mêmes modalités que celles figurant dans la décision de l'employeur ; que les deux organisations syndicales ont formé un recours contre la décision de la DIRECCTE devant le tribunal d'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la fédération Sud Rail fait grief au jugement de fixer le nombre d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques au sein des trois EPIC composant le Groupe public ferroviaire comme suit : pour l'EPIC SNCF, un établissement, pour l'EPIC SNCF mobilités, vingt-six établissements et pour l'EPIC SNCF réseau, six établissements, et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 2313-5 du code du travail que la décision de l'autorité administrative prise sur recours formé contre la décision unilatérale de l'employeur relative au nombre et au périmètre des établissements distincts peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que le législateur doit être regardé comme ayant ainsi défini un bloc de compétence au profit du juge judiciaire ; qu'il appartient au juge judiciaire, dans le cadre de ce recours, de contrôler tant la régularité que le bien-fondé de la décision administrative en litige, et de sanctionner, notamment, une méconnaissance par son auteur des principes du contradictoire et d'impartialité ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance de Saint-Denis a jugé qu'il ne pouvait annuler la décision de la DIRECCTE du 30 mai 2018 ou même en apprécier la légalité, compte tenu de la séparation des autorités judiciaires et administratives, et a en conséquence estimé qu'il n'avait pas à se prononcer sur les moyens tirés de la méconnaissance des principes du contradictoire et d'impartialité par la DIRECCTE invoqués devant lui ; qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-5 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et le décret du 16 Fructidor An III, et partant entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 2313-5 du code du travail que la décision de l'autorité administrative prise sur recours formé contre la décision unilatérale de l'employeur relative au nombre et au périmètre des établissements distincts peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que le législateur doit être regardé comme ayant ainsi défini un bloc de compétence au profit du juge judiciaire ; qu'il appartient au juge judiciaire, dans le cadre de ce recours, de contrôler tant la régularité que le bien-fondé de la décision administrative en litige, et de sanctionner, notamment, une méconnaissance par son auteur des principes du contradictoire et d'impartialité ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance de Saint-Denis a jugé qu'il ne pouvait annuler la décision de la DIRECCTE du 30 mai 2018 ou même en apprécier la légalité, compte tenu de la séparation des autorités judiciaires et administratives, et a en conséquence estimé qu'il n'avait pas à se prononcer sur les moyens tirés de la méconnaissance des principes du contradictoire et d'impartialité par la DIRECCTE invoqués devant lui, ce dont il s'évince qu'il a privé de tout recours effectif les parties pour faire sanctionner la méconnaissance de ces principes essentiels ; qu'en statuant ainsi, le premier juge a violé l'article L. 2313-5 du code du travail, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'il résulte de l'article L. 2313-5 du code du travail que la décision de l'autorité administrative prise sur recours formé contre la décision unilatérale de l'employeur relative au nombre et au périmètre des établissements distincts peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que le législateur doit être regardé comme ayant ainsi défini un bloc de compétence au profit du juge judiciaire ; qu'il appartient au juge judiciaire, dans le cadre de ce recours, de contrôler tant la régularité que le bien-fondé de la décision administrative en litige, et de sanctionner, notamment, une méconnaissance par son auteur du principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, en omettant de répondre au moyen tiré par l'exposante de la violation du principe du contradictoire par la DIRECCTE, le tribunal d'instance de Saint-Denis a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en méconnaissance de l'article 455 du code procédure civile ;

4°/ qu'il résulte de l'article L. 2313-5 du code du travail que la décision de l'autorité administrative prise sur recours formé contre la décision unilatérale de l'employeur relative au nombre et au périmètre des établissements distincts peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ; que le législateur doit être regardé comme ayant ainsi défini un bloc de compétence au profit du juge judiciaire ; qu'il appartient au juge judiciaire, dans le cadre de ce recours, de contrôler tant la régularité que le bien-fondé de la décision administrative en litige, et de sanctionner, notamment, une méconnaissance par son auteur du principes d'impartialité ; qu'en l'espèce, en omettant de répondre au moyen tiré par l'exposante de la violation du principe d'impartialité par la DIRECCTE, le tribunal d'instance de Saint-Denis a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en méconnaissance de l'article 455 du code procédure civile.

Mais attendu qu'en application de l'article L. 2313-5 du code du travail, relèvent de la compétence du tribunal d'instance, en dernier ressort, à l'exclusion de tout autre recours, les contestations élevées contre la décision de l'autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'il appartient en conséquence au tribunal d'instance d'examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision de la DIRECCTE, et, s'il les dit mal fondées, de confirmer la décision, s'il les accueille partiellement ou totalement, de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l'autorité administrative, sur les questions demeurant en litige ;

Et attendu que si le tribunal d'instance a, par un motif justement critiqué par le moyen, décliné sa compétence pour statuer sur les griefs relatifs à la régularité formelle de la décision administrative, il a statué sur le fond, en fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein des trois EPIC ; qu'il s'ensuit que le moyen, qui reproche au jugement de ne pas s'être prononcé sur des griefs visant à l'annulation de la décision administrative, est inopérant ;

Sur le second moyen :

Attendu que la fédération Sud Rail fait le même grief au jugement, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique d'établissement s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » ; que cette autonomie de gestion doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à-dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations du tribunal que la Fédération Sud-Rail a produit un référentiel « Ressources Humaines « Garanties disciplinaires et sanctions », dont il résulte que le directeur d'établissement a le pouvoir de prononcer des sanctions ; qu'en estimant cependant que l'autonomie de gestion du personnel n'était pas caractérisée, au motif inopérant que dans certains cas le directeur d'établissement pouvait seulement proposer la sanction, dans le cadre d'une procédure organisée par le chargé des relations sociales, le directeur de Gares & Connexions devant donner son avis, tandis que cela n'excluait pas un degré suffisant d'autonomie du directeur d'établissement dans la gestion du personnel, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;

2°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique d'établissement s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » ; que cette autonomie doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à-dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise ; que le tribunal d'instance a constaté que la Fédération Sud-Rail produisait le référentiel Ressources Humaines « représentation du personnel et la définition des Etablissements » lequel contient des fiches de poste, dont il résulte que le poste de « directeur établissement ETSV » a un rôle concernant la valorisation des collaborateurs (identification des formations utiles, participation à la gestion de leur carrière) ainsi que la notation et le management de l'équipe et qu'il pilote l'établissement et met en oeuvre les projets propres à cet établissement ; qu'en écartant néanmoins l'existence d'une autonomie suffisante aux motifs inopérants que le directeur d'établissement n'aurait pas d'autonomie de gestion en matière d'exécution du service parce qu'il ne fait que « décliner la politique nationale et régionale au sein de l'établissement », et qu'il pilote les investissements pour l'établissement et gère les budgets mais sans toutefois disposer d'un pouvoir décisionnel concernant l'élaboration de ce budget ou ces investissements, en subordonnant ainsi à tort l'autonomie de gestion justifiant l'existence d'un établissement distinct à une définition indépendante de la politique d'entreprise au niveau de l'établissement, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

3°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » ; que cette autonomie doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à-dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que la Fédération Sud-Rail produisait le « référentiel d'établissement de « ELT LAJ » concernant l'organisation des achats de l'établissement, dont il résultait qu'il existe des délégations et subdélégations de pouvoir en matière d'achats au sein de l'établissement ; qu'en affirmant péremptoirement et sans s'en expliquer que ces délégations ne peuvent caractériser à elles seules une autonomie élargie en matière de gestion financière et comptable, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;

4°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique d'établissement s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » ; que cette autonomie doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à-dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise ; qu'en l'espèce, en se bornant à examiner le référentiel Ressources humaines « Garanties disciplinaires et sanctions », le « référentiel d'établissement de ELT LAJ » et le référentiel Ressources humaines « Représentation du personnel et la définition des établissements », pour en déduire l'absence de démonstration par l'exposante d'une autonomie de gestion suffisante des établissements de production, sans prendre en compte, comme il y était invité (conclusions de l'exposante, pp. 24-25) la directive GRH 00254 qui établit notamment le pouvoir de recrutement, de sanction et de licenciement des agents contractuels dévolu au directeur d'établissement, ce dont s'évince leur autonomie en matière de gestion du personnel, le premier juge a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;

5°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique d'établissement s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » ; que cette autonomie doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à-dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise ; que cette autonomie doit s'apprécier, non pas en appréhendant de manière isolée chaque prérogative et attribution du directeur d'établissement, mais en prenant en compte dans leur ensemble ces prérogatives et attributions, et en portant ainsi une appréciation globale pour déterminer si, prises ensemble, elles caractérisent un degré suffisant d'autonomie ; qu'en l'espèce, en refusant de retenir l'existence d'une autonomie suffisante du directeur d'établissement, au terme d'une appréciation isolée et non pas d'ensemble des prérogatives du directeur d'établissement en matière de gestion du personnel et de politique budgétaire, d'achats et d'investissements, quand il ressortait de ses propres constatations que les directeurs d'établissements avaient le pouvoir de prononcer des sanctions, bénéficiaient de délégations et de subdélégations en matière de politique d'achats, avaient un rôle concernant la valorisation des collaborateurs (identification des formations utiles, participation à la gestion de leur carrière), disposaient d'un pouvoir de notation et de management des équipes, pilotaient les établissements et mettaient en oeuvre les « projets propres » à ces établissements, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

6°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail, l'existence d'un établissement distinct au sein duquel doit être créé un comité social et économique d'établissement s'apprécie au regard de « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel » ; que cette autonomie doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique), compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est-à-dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise ; que la détermination de l'autonomie suffisante pour la reconnaissance de l'établissement distinct au sens de l'installation d'un comité d'établissement doit prendre en compte la fusion au sein des comités sociaux et économiques des attributions et prérogatives de représentation anciennement dévolues aux comités d'entreprise, aux délégués du personnel et aux comités d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT), et de l'impératif que les conditions de fonctionnement du comité social et économique permettent une prise en compte effective des intérêts des salariés, notamment ceux exerçant leur activité hors de l'entreprise ou dans des unités dispersées ; qu'en l'espèce, en ne prenant pas en considération, comme l'y invitait la fédération exposante, cet impératif de prise en compte effective des intérêts des salariés, en particulier quant à la nécessité d'une représentation - de proximité - anciennement dévolue au délégués du personnel,et quant aux prérogatives en matière de santé et de sécurité anciennement dévolues au CHSCT, dans son appréciation du critère d'autonomie suffisante de l'établissement distinct, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 du code du travail, ensemble les articles 6 et 8 du préambule de la Constitution de 1946 ;

Mais attendu que, selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ;

Et attendu que le tribunal d'instance a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve fournis par les parties, constaté qu' il existe, pour l'EPIC SNCF, une concentration des pouvoirs au sein de la direction générale de l'EPIC, tant en matière de conduite de l'activité que pour les actes de gestion, justifiant un comité social et économique unique, pour l'EPIC SNCF mobilités, une organisation autour de six activités (TER, transilien, voyages, matériels industriels, gares et connexions et fret), elles mêmes réparties, s'agissant des activités TER, transilien et voyages, sur des directions régionales ayant à leur tête des responsables disposant d'une autonomie de gestion suffisante, justifiant la mise en place de vingt-six comités économiques et sociaux, et pour l'EPIC SNCF réseau, une nouvelle organisation par activités avec une direction régionale Ile de France, trois directions zone de production, une direction technique, et une direction fonctions transverses, chacun des responsables de ces directions disposant d'une délégation de pouvoirs lui assurant une autonomie de gestion suffisante, que les documents fournis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation, soit ne correspondaient plus à l'organisation actuelle des directions au sein des EPIC compte de la réorganisation des services autour des pôles d'activité, soit ne démontraient pas l'existence de pouvoirs effectifs des responsables en matière de gestion du personnel ou d'exécution du service ; qu'il a pu en déduire, sans violer les textes visés au moyen, l'existence de trente-trois établissements distincts au sein du groupe SNCF ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 2313-5 du code du travail ; article L. 2313-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la définition de la notion d'« autonomie de gestion », nécessaire à la caractérisation d'un établissement distinct, cf. : CE, 29 juin 1973, n° 77982, publié au Recueil Lebon ; CE, 27 mars 1996, n° 155791, publié au Recueil Lebon.

Soc., 5 décembre 2018, n° 16-19.912, (P)

Cassation partielle

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par la juridiction administrative – Réintégration – Demande du salarié – Obligations de l'employeur – Manquement – Portée

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 2411-1 du code du travail et 1134 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu que le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'il en résulte que s'il n'a pas satisfait à cette obligation, l'employeur, qui ne justifie pas d'une impossibilité de réintégration, ne peut licencier le salarié en raison d'un refus de modification de son contrat de travail et que le licenciement prononcé en raison de ce seul refus est nul ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2008 par la société Ert technologies en qualité de monteur câbleur niveau 1 position 1 ; qu'il a été désigné comme représentant syndical au comité d'entreprise le 10 février 2010 ; qu'après autorisation de l'inspection du travail, il a été licencié le 16 juin 2011 ; que cette autorisation a été annulée par le tribunal administratif le 1er octobre 2013 puis par la cour administrative d'appel de Marseille le 2 décembre 2014 ; qu'en formation de référé, la juridiction prud'homale a ordonné la réintégration du salarié le 15 novembre 2013 ; que convoqué le 25 septembre 2014 à un entretien préalable, il a été licencié le 10 octobre 2014 ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement, la cour d'appel a retenu que pour la période postérieure à l'expiration du régime de protection attaché au mandat qui avait pris fin, le licenciement n'était pas nul dès lors que le salarié n'avait plus la qualité de salarié protégé à la date à laquelle le licenciement a été prononcé ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de réintégration ni justifié de l'impossibilité de réintégrer le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. Y... en nullité du licenciement prononcé le 10 octobre 2014, l'arrêt rendu le 3 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 2411-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le droit à réintégration du salarié protégé en cas d'annulation de l'autorisation administrative, à rapprocher : Soc., 30 juin 2004, pourvoi n° 02-41.686, Bull. 2004, V, n° 185 (1) (cassation partielle partiellement sans renvoi), et les arrêts cités.

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-15.503, (P)

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Recours hiérarchique – Décision du ministre du travail – Effet de substitution (non) – Portée

Une décision du ministre qui confirme une décision de refus d'autorisation de licenciement rendue par l'inspecteur du travail ne se substitue pas à cette dernière.

Comité d'entreprise – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Jugement prononçant la liquidation judiciaire d'une assocuiation – Effets – Existence du comité – Maintien – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Rennes, 8 février 2017), que M. Y..., engagé le 9 mai 2006 par l'association fédération ADMR du Finistère (l'association) en qualité d'encadrant de proximité, membre de la délégation unique du personnel, a vu son mandat renouvelé au mois de décembre 2009 ; que, par jugement du 4 avril 2012, le tribunal de grande instance a prononcé la liquidation judiciaire de l'association, la société EMJ étant désignée en qualité de liquidateur ; que, par jugement du 3 mai 2012, il a été mis fin à la poursuite de l'activité ; que le comité d'entreprise s'est réuni les 9 mai, 16 mai et 8 juin 2012, cette dernière réunion ayant notamment pour objet la liquidation des comptes du comité ; que l'inspecteur du travail a, le 26 juillet 2012, refusé d'autoriser le licenciement de M. Y..., décision confirmée par le ministre du travail le 8 février 2013 ; que le 19 novembre 2012, le liquidateur a convoqué une seconde fois le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; que le 20 décembre 2012, il lui a adressé une lettre valant, en cas de non acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, notification de la rupture du contrat de travail pour motif économique ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt de dire que le licenciement est nul pour discrimination et d'accorder au salarié diverses indemnités, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée résultant de la décision de l'inspecteur du travail du 26 juillet 2012 refusant d'autoriser le licenciement de M. Y..., sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque le ministre chargé du travail statue sur le recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail se prononçant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, sa décision se substitue à celle de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, pour refuser d'autoriser le licenciement de M. Y..., le ministre du travail ne s'est pas fondé sur le lien entre le mandat du salarié et la demande d'autorisation de le licencier, mais sur l'insuffisante motivation de la demande d'autorisation et sur l'absence d'entretien préalable individuel ; qu'en opposant l'autorité de la chose décidée par l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé l'article R. 2422-1 du code du travail, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, ensemble le principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ;

Mais attendu d'abord qu'il résulte des conclusions du salarié devant la cour d'appel que celui-ci invoquait les motifs de la décision de l'inspecteur du travail ; que le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée était nécessairement dans le débat ;

Attendu ensuite qu'une décision du ministre qui confirme une décision de refus d'autorisation de licenciement rendue par l'inspecteur du travail ne se substitue pas à cette dernière ; que la cour d'appel devant qui le liquidateur se bornait à soutenir que les faits de discrimination énoncés dans la décision de refus de l'inspecteur du travail, ne lui étaient pas imputables, n'a pas méconnu les textes et principes invoqués ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et de dire que le salarié pouvait prétendre à une somme de 54 927,94 euros, correspondant aux rémunérations qu'il aurait perçues depuis la date de son licenciement et à une indemnité de 25 000 euros, alors, selon le moyen qu'en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise et de cessation complète et définitive de l'activité, le comité d'entreprise disparaît ; qu'en décidant que la protection légale, dont M. Y..., en sa qualité de membre et de secrétaire du comité d'entreprise, était en droit de bénéficier jusqu'à la disparition définitive de la Fédération expirait six mois après la fin de son mandat intervenue en décembre 2013, soit en juin 2014, quand elle relevait par ailleurs que la liquidation judiciaire de la Fédération avait été décidée le 4 avril 2012, qu'il avait été mis fin à la poursuite d'activité de la Fédération le 3 mai 2012 et que le comité d'entreprise s'était réuni une dernière fois le 8 juin 2012, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2411-8 et L. 2324-24 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que ni un jugement de liquidation judiciaire ni un jugement ordonnant l'arrêt de la poursuite d'activité n'entraînent à eux seuls la dissolution de l'association ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Basset - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article R. 2422-1 du code du travail ; loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor An III ; principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ; articles L. 2324-24 et L. 2411-8 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel une association ne prend pas fin par l'effet d'un jugement de liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 8 juillet 2003, pourvoi n° 01-20.050, Bull. 2003, IV, n° 126 (rejet).

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