Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

REGIMES MATRIMONIAUX

1re Civ., 5 décembre 2018, n° 18-11.794, (P)

Cassation partielle

Communauté entre époux – Actif – Composition – Fruits et revenus des biens propres – Définition – Exclusion – Plus-value réalisée lors de la vente d'un bien propre d'un époux

Il résulte des articles 1401, 1403 et 1406 du code civil que la plus-value réalisée lors de la vente d'un bien propre d'un époux, due à l'évolution du marché ou l'érosion monétaire, n'est pas assimilée aux fruits et revenus entrant dans la communauté. Le prix de vente est lui-même un bien propre par l'effet de la subrogation réelle.

Communauté entre époux – Propres – Propres par subrogation réelle – Définition – Applications diverses

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... ; que des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partagede leur communauté ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1401, 1403 et 1406 du code civil ;

Attendu que, par l'effet de la subrogation réelle, le prix de vente qui remplace le bien propre cédé est lui-même un propre, ce qui exclut que la plus-value due à l'évolution du marché ou l'érosion monétaire, résultant de cette opération, puisse être assimilée à des fruits et revenus entrant dans la communauté ;

Attendu que, pour dire que l'actif de la communauté sera augmenté de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente de l'immeuble situé [...], bien propre de M. X..., l'arrêt énonce, qu'en l'absence de preuve du financement de travaux par la communauté, aucune récompense ne lui est due à ce titre et retient que la demande de Mme Y..., à laquelle M. X... n'a pas répondu dans ses écritures, est fondée en son principe ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'actif de communauté sera augmenté de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente de l'immeuble situé [...], bien appartenant en propre à M. X..., l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Reynis - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles 1401, 1403 et 1406 du code civil.

1re Civ., 5 décembre 2018, n° 16-13.323, (P)

Rejet

Communauté entre époux – Passif – Composition – Dettes définitivement communes – Cas – Dettes nées pendant la communauté – Emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l'autre – Condition

Il résulte de l'article 1409 du code civil que, lorsqu'un époux contracte seul un emprunt, sans le consentement exprès de son conjoint, cette somme figure au passif de la communauté, à titre définitif ou sauf récompense, dès lors qu'il n'est pas établi que l'époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel.

Selon l'article 1524 du même code, l'époux survivant qui recueille l'intégralité de la communauté doit en acquitter toutes les dettes.

Estimant qu'une dette, contractée par le seul époux, ne l'avait pas été dans son intérêt exclusif, une cour d'appel en a déduit à bon droit que l'épouse survivante, qui recueillait l'intégralité de la communauté, était tenue de rembourser la dette entrée en communauté du chef de son conjoint.

Régimes conventionnels – Communautés conventionnelles – Communauté universelle – Clause d'attribution intégrale au conjoint survivant – Obligations du conjoint survivant – Acquittement de toutes les dettes communes – Cas – Dette entrée en communauté du chef de son conjoint

Donne acte à Mme Christiane Y... du désistement de son pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 décembre 2015), que D... Y... et Mme X..., de nationalité allemande, se sont mariés le 5 avril 1974 sous le régime légal allemand ; que, par acte notarié du 5 mai 2006, ils ont, au visa de l'article 15, II, n° 3, de la loi d'introduction au code civil allemand et de l'article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, adopté le régime de la communauté à titre universel conformément à l'article 1526 du code civil français, pour tous leurs biens immeubles en France, présents et à venir ; que, par un second acte du même jour, les époux Y... ont fait donation à leur fille, Christiane, d'une fraction indivise en nue-propriété d'un immeuble acquis par eux en 1994, situé à Saint-Loup-Géanges ; que, suivant acte sous signature privée de reconnaissance de dette établi à Stuttgart le 22 juillet 2011, M. Z... a prêté à D... Y... la somme de 80 000 euros ; qu'aucun remboursement n'étant intervenu, un jugement du tribunal de Stuttgart, le 22 février 2013, a condamné D... Y... au paiement de cette somme avec intérêts ; que D... Y... est décédé le [...] laissant pour lui succéder son épouse et sa fille (les consorts Y...) ; que ces dernières ont renoncé à la succession tant en France qu'en Allemagne ; que le jugement allemand ayant été rendu exécutoire en France, M. Z... a fait inscrire sur la propriété de Saint-Loup-Géanges une hypothèque provisoire ; qu'il a assigné les consorts Y... en inopposabilité pour fraude de leur renonciation à la succession, en liquidation partage de l'indivision successorale et de la communauté, en licitation de la propriété de Saint-Loup-Géanges et, à titre subsidiaire, en condamnation de Mme X... à lui payer les dettes communes ou reconnaître la faute des défenderesses et les condamner in solidum au paiement de sa créance ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. Z... une certaine somme, alors, selon le moyen, que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres par un cautionnement ou un emprunt, sauf consentement exprès de son conjoint, ce principe s'appliquant aux époux mariés sous un régime de communauté universelle ; qu'en l'espèce, le mari ayant emprunté sans l'accord exprès de sa conjointe une somme d'argent à un moment où il était marié sous le régime de la communauté universelle, le créancier ayant consenti un tel emprunt ne pouvait pas saisir les biens communs et, par conséquent, réclamer le paiement de sa créance auprès de la femme ; qu'en affirmant que seule une dette née avant le changement de régime matrimonial des époux aurait pu n'engager que les biens propres et les revenus du mari et non ses biens communs, condamnant ainsi la femme au paiement du montant de l'emprunt, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que, selon l'article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et de celles résultant d'un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l'autre qui doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu'il n'est pas établi que l'époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte de l'article 1524 du même code que l'attribution de la communauté entière en cas de survie oblige l'époux qui en retient la totalité d'en acquitter toutes les dettes ;

Et attendu qu'après avoir estimé, par motif adopté, qu'il n'était pas démontré que la dette avait été contractée dans l'intérêt exclusif de l'époux prédécédé, la cour d'appel qui a relevé que la clause d'attribution intégrale de la communauté au survivant avait été mise en oeuvre du fait du décès du conjoint, en a exactement déduit que Mme X..., à laquelle était attribuée la totalité de la communauté en pleine propriété, était tenue de la dette entrée en communauté du chef de son conjoint ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Reynis - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Articles 1409 et 1524 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-26.713, Bull. 2018, I, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

1re Civ., 19 décembre 2018, n° 17-27.145, (P)

Rejet

Fonctionnement – Demande – Compétence du juge aux affaires familiales – Compétence exclusive – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Communauté entre époux – Actif – Composition – Demande – Compétence du juge aux affaires familiales – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Communauté entre époux – Liquidation – Demande – Compétence du juge aux affaires familiales – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 septembre 2017), que, le 17 avril 2012, Mme Y..., alors en instance de divorce, a assigné son époux commun en biens, M. X..., et la société Corus développement devant le tribunal de grande instance afin que lui soit déclarée inopposable la vente par lui à cette dernière, et sans son accord, d'actions de sociétés dépendant, selon elle, de leur communauté ; que M. X... a demandé au juge de la mise en état de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge aux affaires familiales sur la qualification de biens propres ou communs de ces actions ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer alors, selon le moyen :

1°/ que la demande en nullité de la cession d'actions formée devant le tribunal de grande instance et la demande relative à la nature des actions formée devant le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une procédure en liquidation-partage du régime matrimonial sont connexes, cette dernière demande relevant de la compétence exclusive du juge aux affaires familiales ; qu'en vertu de l'article 49 du code de procédure civile, la cour d'appel, saisie d'une demande de sursis à statuer soulevant la question préjudicielle spéciale relative au caractère propre ou commun des actions litigieuses, était tenue d'y faire droit dans l'attente de la décision du juge aux affaires familiales sur ce point ; qu'en rejetant cette demande de sursis à statuer au motif erroné que le juge aux affaires familiales n'a pas de compétence exclusive pour statuer sur la consistance de la communauté de biens entre les époux, la cour d'appel a violé ensemble les articles 49 et 51 du code de procédure civile et l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ que le tribunal de grande instance n'a pas le pouvoir de statuer sur la consistance de la communauté des biens des époux dès lors que le juge aux affaires familiales, déjà saisi d'une action en liquidation-partage, du régime matrimonial est exclusivement compétent ; qu'en attribuant à tort cette compétence au tribunal de grande instance, la cour d'appel a empiété sur les pouvoirs dévolus par la loi exclusivement au juge aux affaires familiales et, partant, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu que la compétence attribuée au juge aux affaires familiales par l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux ainsi que des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux n'exclut pas la compétence d'une autre juridiction pour se prononcer, à titre incident, sur la composition de la communauté ;

Et attendu qu'ayant retenu à bon droit que le tribunal de grande instance était compétent pour se prononcer sur le caractère propre ou commun des biens cédés par M. X..., dont dépendait la solution du litige, la cour d'appel en a exactement déduit que le juge de la mise en état n'était pas tenu de surseoir à statuer ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire ; articles 49 et 51 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des limites à l'étendue de la compétence attribuée au juge aux affaires familiales par l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, à rapprocher : 1re Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 15-28.344, Bull. 2017, I, n° 125 (cassation) ; 1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-20.482, Bull. 2017, I, n° 178 (cassation).

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