Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

ETRANGER

1re Civ., 5 décembre 2018, n° 17-30.978, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Obligation de quitter le territoire français – Décision fixant le pays de destination – Opportunité du renvoi de l'étranger vers ce pays – Office du juge judiciaire – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Mesures d'éloignement – Légalité – Appréciation – Compétence – Détermination – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 512-1 et L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. Y..., devenu M. A..., de nationalité irakienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été condamné pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée à une peine d'emprisonnement assortie d'une interdiction définitive du territoire français ; que le préfet a pris, le 2 octobre 2017, un arrêté fixant l'Irak comme pays de destination et, le 14 octobre, une décision de placement en rétention, dont il a sollicité la prolongation ;

Attendu que, pour prononcer la mainlevée de cette mesure, l'ordonnance relève que l'Irak est depuis de nombreuses années le théâtre de conflits armés donnant lieu à des exactions commises par des groupes armés et des attentats répétés contre des populations civiles et retient que l'Etat irakien ne parvient pas à assurer la sécurité des populations se trouvant sur son territoire, notamment celle du groupe auquel M. Y... dit appartenir, de sorte qu'en l'absence de démonstration, par les autorités françaises, de leur capacité à le renvoyer vers ce pays sans porter atteinte à l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son éloignement apparaît impossible dans le temps de la rétention, même prolongée ;

Qu'en se prononçant ainsi sur l'opportunité d'un renvoi vers l'Irak, et, par suite, sur la légalité de la décision administrative fixant le pays de renvoi, le premier président a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 16 octobre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; articles L. 512-1 et L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de la compétence du juge judiciaire pour se prononcer sur la légalité de la mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un ressortissant étranger, à rapprocher : 1re Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-50.062, Bull. 2017, I, n° 200 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ; 1re Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 17-10.207, Bull. 2017, I, n° 201 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités. Sur l'excès de pouvoir que constitue l'appréciation, par le juge judiciaire, de la possibilité ou de l'opportunité du renvoi d'un étranger vers le pays fixé par une décision administrative, à rapprocher : 2e Civ., 12 octobre 2000, pourvoi n° 99-50.042, Bull. 2000, II, n° 139 (rejet).

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