Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 5 décembre 2018, n° 17-15.973, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Revendication – Action en revendication – Procédure – Procédure préliminaire devant l'administrateur ou, à défaut, le débiteur, ou le liquidateur – Préalable obligatoire – Respect – Conséquences – Demande de revendication du prix du bien – Recevabilité

Dès lors que la procédure préliminaire de la revendication d'un bien devant l'administrateur ou, à défaut, devant le débiteur, ou le liquidateur, prévue par les articles R. 624-13 et R. 641-31 du code de commerce, qui constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge-commissaire, a été suivie, le revendiquant est recevable à saisir ce juge d'une demande de revendication du prix de ce bien.

Ainsi, une cour d'appel retient exactement que la demande de revendication de biens vendus avec réserve de propriété ou de leur prix de revente formée par un créancier devant le juge-commissaire est recevable dès lors que le créancier, en respectant les délais prévus par la loi, a, au préalable, adressé au liquidateur une demande de revendication des biens, lequel n'y a pas acquiescé.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 janvier 2017), que la société Aka France (la société Aka) a vendu des marchandises à la société Dumesnil entre avril et juin 2014 ; que les factures correspondantes sont restées impayées à concurrence d'un montant de 107 486,18 euros TTC ; que par un jugement du 16 octobre 2014, la société Dumesnil a été mise en liquidation judiciaire, la société Bernard et Nicolas X... étant désignée liquidateur ; que se prévalant d'une clause de réserve de propriété, la société Aka a, le 4 novembre 2014, revendiqué les marchandises auprès du liquidateur ; qu'aucune réponse n'ayant été apportée à sa demande, elle a saisi le juge commissaire d'une requête en revendication le 16 décembre 2014 portant à la fois sur les biens existant en nature au jour du jugement d'ouverture et sur leur prix de revente ; que le 22 décembre 2014, le liquidateur a acquiescé à la revendication de six cartons de marchandises qui n'avaient pas été revendus, représentant une valeur de 1 251,18 euros ; que le tribunal, statuant sur un recours formé contre l'ordonnance du juge-commissaire, a autorisé la société Aka à reprendre les six cartons et les marchandises trouvées dans les locaux ainsi qu'à exercer sa revendication sur le prix des marchandises vendues par le commissaire priseur, et a déclaré irrecevable la revendication sur le prix des marchandises revendues avant l'ouverture de la liquidation judiciaire pour la somme de 106 235 euros ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Bernard et Nicolas X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a autorisé la société Aka à reprendre les marchandises en nature pour un montant de 1 251,18 euros, et de déclarer recevable la revendication du prix de revente du reste des marchandises alors, selon le moyen, que la revendication du prix de revente, par le vendeur, auprès du débiteur, doit être soumise à l'acquiescement préalable du liquidateur, faute de quoi elle est irrecevable, peu important que le vendeur ait revendiqué les marchandises en nature dans le délai légal ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9, L. 624-16, L. 624-18, R. 624-13 et R. 641-31 du code de commerce ;

Mais attendu que dès lors que la procédure préliminaire de la revendication du bien devant l'administrateur ou à défaut devant le débiteur, ou le liquidateur, prévue par les articles R. 624-13 et R. 641-31 du code de commerce, qui constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge-commissaire, a été suivie, le revendiquant est recevable à saisir ce juge d'une demande de revendication du prix du bien ; qu'ayant constaté que la société Aka avait adressé au liquidateur sa demande de revendication des biens le 4 novembre 2014, puis, à défaut d'acquiescement de celui-ci, avait saisi le juge-commissaire, le 16 décembre 2014, d'une demande de revendication des biens en nature ou de leur prix de revente, l'arrêt retient exactement que la fin de non-recevoir opposée par le liquidateur à la revendication du prix de revente des marchandises doit être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Bernard et Nicolas X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire bien fondée la revendication du prix de revente du reste des marchandises et de dire que le liquidateur doit verser à la société Aka la somme de 106 235 euros au titre de la revendication du prix de vente des marchandises revendues par la société Dumesnil, par priorité à toute autre créance, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'il revendique auprès du débiteur, non les marchandises elles-mêmes vendues avec réserve de propriété mais leur prix, le vendeur doit prouver que ce prix a été payé en tout ou partie par les sous-acquéreurs après le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en jugeant pourtant que le liquidateur ayant seul accès à la comptabilité du débiteur et étant resté taisant, il lui appartenait de prouver la date du paiement par le sous-acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas, à lui seul, reconnaissance de ce fait ; qu'en se fondant dès lors sur le seul silence conservé par le liquidateur quant à l'existence d'un paiement du sous-acquéreur postérieur au jugement d'ouverture pour condamner ce liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'interrogé sur l'état de revente des marchandises par la société Aka, qui n'avait aucun accès à la comptabilité de la société Dumesnil, le liquidateur ne dément pas n'avoir pas répondu, et que, se bornant à soutenir devant la cour d'appel que la charge de la preuve de la date du paiement reposait sur le revendiquant et que la liquidation judiciaire de la société Dumesnil ayant été immédiate avec cessation d'activité, elle ne pouvait parfaire la vente postérieurement à la liquidation, il ne conteste pas l'existence d'un paiement des marchandises postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Dumesnil ni la période de sa survenance ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié, sans inverser la charge de la preuve ni se fonder sur le seul silence du liquidateur, que la preuve d'un paiement du prix de revente postérieurement au jugement d'ouverture était rapportée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles R. 624-13 et R. 641-31 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation pour le revendiquant de mettre en oeuvre la procédure préliminaire de revendication du bien avant de saisir le juge-commissaire, à rapprocher : Com., 2 octobre 2001, pourvoi n° 98-22.304, Bull. 2001, IV, n° 155 (rejet).

Com., 19 décembre 2018, n° 17-19.309, (P)

Cassation

Liquidation – Nullité des actes pendant la période suspecte – Action en nullité – Obstacle – Effets – Admission d'une créance à titre privilégiée – Chose jugée – Report de la date de cessation des paiements – Absence d'influence

L'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission d'une créance à titre privilégié, à raison de l'inscription d'une hypothèque judiciaire, fait obstacle à l'action en nullité de cette inscription sur le fondement de l'article L. 632-1, I, 6°, du code de commerce, même en cas de report de la date de la cessation des paiements.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 632-1, I, 6°, du code de commerce, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été mise en liquidation judiciaire le 22 avril 2014, la date de cessation des paiements ayant été fixée provisoirement au 26 mars précédent ; que la créance déclarée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (la caisse) et garantie par une hypothèque judiciaire provisoire publiée le 28 février 2013, devenue définitive suivant inscription publiée le 9 septembre 2014, a été admise à titre privilégié ; que la date de la cessation des paiements ayant été reportée au 22 octobre 2012 par un jugement, devenu irrévocable, du 22 juin 2015, le liquidateur a assigné la caisse en nullité de l'hypothèque judiciaire pour avoir été prise au cours de la période suspecte ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'admission au passif d'une liquidation judiciaire d'une créance à titre hypothécaire n'interdit pas au liquidateur judiciaire de se prévaloir des dispositions de l'article L. 632-1, I, du code de commerce dès lors que la constitution d'hypothèque résultant d'un jugement de condamnation en application de l'article 2412 du code civil est postérieure à la date de cessation des paiements et que la décision d'admission du juge-commissaire n'a pas autorité de chose jugée sur l'hypothèque inscrite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission d'une créance prononcée à titre privilégié, à raison de l'inscription d'une hypothèque judiciaire, fait obstacle à l'action en nullité de cette inscription sur le fondement de l'article L. 632-1, I, 6°, du code de commerce, même en cas de report de la date de la cessation des paiements, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat(s) : SCP Capron ; Me Rémy-Corlay -

Textes visés :

Article L. 632-1, I, 6°, du code de commerce ; article 1351 du code civil, devenu 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 12 novembre 1991, pourvoi n° 89-19.454, Bull. 1991, IV, n° 342 (cassation), et l'arrêt cité.

Com., 5 décembre 2018, n° 17-25.664, (P)

Rejet

Ouverture – Cas – Confusion des patrimoines – Action en extension – Obstacle – Plan de cession partielle des actifs du débiteur

Un jugement qui adopte le plan de cession partielle des actifs d'un débiteur fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective de ce débiteur.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juillet 2017), que la société Moncey textiles, qui avait pour associés MM. Simon, Rudy, Jérémy et David A... (les consorts A...), détenait des parts dans trois sociétés civiles immobilières, la SCI Foncière champs de l'Orme, qui avait pour autres associés les consorts A..., la C..., dont les autres associés étaient les consorts A... et la société SRDJ1, et la SCI Amo 250, qui avait également pour associé la C... ; que le 4 août 2015, la société Moncey textiles a été mise en redressement judiciaire ; que par un jugement du 8 octobre 2015, devenu irrévocable, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de cession partielle d'actifs de la société débitrice et converti la procédure en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur ; que le 29 février 2016, le liquidateur a assigné les SCI susvisées, ainsi que les contrôleurs, la société Phocéenne de transport et transit et la société Lyonnaise de banque, afin que la liquidation judiciaire de la société Moncey textiles soit étendue auxdites SCI, pour confusion de leurs patrimoines ; que le liquidateur a appelé en cause les associés de ces SCI, soit les consorts A... et la société SRDJ1 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur de la société Moncey textiles fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en extension de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard des trois SCI au visa de ses « conclusions (récapitulatives) déposées le 29 mai 2017 » alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles que fixées par les dernières conclusions de ces dernières ; que le juge ne peut se fonder sur des conclusions imaginaires de l'une des parties ; que Me X... ès qualités a déposé le 24 avril 2017 ses dernières écritures, intitulées « conclusions » ; qu'en statuant au visa de « conclusions déposées le 29 mai 2017 », dépourvues d'existence, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en dépit de la référence erronée à des conclusions de M. X..., ès qualités, du 29 mai 2017, quand ses uniques conclusions étaient du 24 avril 2017, la cour d'appel s'est prononcée sur tous les moyens invoqués dans ces conclusions ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur de la société Moncey textiles fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en extension de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard des trois SCI alors, selon le moyen, que l'adoption d'un plan de cession partielle de l'entreprise ne fait pas obstacle à l'extension de la procédure collective du débiteur à un tiers, pour confusion des patrimoines ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que l'action en extension a été engagée après l'intervention d'un jugement orientant la procédure collective, à l'issue de la période d'observation, vers une solution ouverte par le code de commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 621-2 et L. 631-7 du code de commerce ;

Mais attendu qu'un jugement qui adopte le plan de cession partielle des actifs d'un débiteur fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective de ce débiteur ; qu'ayant constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Moncey textiles, un jugement irrévocable du 8 octobre 2015 avait adopté un plan de cession partielle des actifs de la débitrice et mis celle-ci en liquidation judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la procédure collective de la société Moncey textiles ne pouvait plus être étendue aux SCI en raison de la confusion alléguée de leurs patrimoines ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article L. 621-2 et L. 631-7 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité d'étendre à un tiers la procédure collective du débiteur en cas d'adoption d'un plan de cession total de l'entreprise, cf. : Com., 27 septembre 2017, pourvoi n° 16-16.670, Bull. 2017, IV, n° 129 (cassation), et l'arrêt cité.

Com., 19 décembre 2018, n° 17-27.947, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Groupe de sociétés – Solution proposée pour chacune des sociétés du groupe – Tribunal – Critères d'appréciation – Détermination

Si le principe de l'autonomie de la personne morale impose d'apprécier séparément les conditions d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de chacune des sociétés d'un groupe, rien n'interdit au tribunal, lors de l'examen de la solution proposée pour chacune d'elles, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées pour les autres sociétés du groupe.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 19 septembre 2017), que la SCI Les Sources (la SCI) fait partie d'un groupe de sociétés dont la société mère est la société Stirca ; que le 29 juillet 2015, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire de chacune des sociétés du groupe ; que par un jugement du 1er février 2017, il a arrêté le plan de redressement de la société Stirca ; que par un autre jugement du même jour, il a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI et désigné la société C... Y..., devenue la société Athéna, en qualité de liquidateur ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de confirmer ce dernier jugement alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque plusieurs sociétés membres d'un même groupe font l'objet de procédures simultanées de redressement judiciaire, les chances de redressement de chacune de ces sociétés doivent être appréciées en tenant compte, non seulement de leurs propres capacités, mais aussi des chances de redressement du groupe dans son ensemble ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'un plan de continuation a été adopté à l'égard de la société Stirca, société mère, en considération du patrimoine immobilier de ses filiales et de la réalisation progressive de la vente de leurs biens immobiliers, et que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'une ou de plusieurs de ces filiales serait susceptible de nuire à la bonne exécution de ce plan ; qu'en décidant néanmoins d'apprécier les chances de redressement de la SCI au regard de ses seules capacités, sans tenir compte du groupe auquel elle appartient, et en prononçant sa liquidation judiciaire nonobstant l'incidence négative de cette décision sur le redressement des autres sociétés du groupe et, particulièrement, de la société Stirca, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;

2°/ que lorsque la société mère ou une autre filiale a pris des engagements envers la société, les chances de redressement de celle-ci doivent s'apprécier au regard des capacités du groupe auquel elle appartient et non pas de ses seules capacités ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des capacités de redressement du groupe auquel la SCI appartient, sans rechercher si la société Stirca ou d'autres filiales du groupe n'avaient pas pris des engagements à son égard dans le cadre du plan de continuation proposé, notamment un engagement de cautionnement, et si cela ne justifiait pas de prendre en compte les capacités du groupe dans son entier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;

3°/ que le débiteur peut proposer un plan de continuation dont l'unique objet est de permettre l'apurement du passif dans le délai du plan ; que le plan proposé pour la SCI prévoyait que l'immeuble dont celle-ci est propriétaire, d'une valeur comprise entre 1,3 et 1,6 millions d'euros, serait vendu au cours de l'exécution du plan et au plus tard la huitième année, afin de permettre d'en obtenir le meilleur prix et ainsi d'apurer le passif de ladite SCI et de sa société mère, la société Stirca ; qu'en rejetant ce plan et en prononçant la liquidation judiciaire de la SCI, au motif inopérant que l'apurement du passif ne pouvait intervenir sans que l'immeuble ne soit vendu et que cette vente n'était prévue qu'au cours de la huitième année, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce délai n'était pas stipulé dans l'intérêt des créanciers eux-mêmes et si, en tout état de cause, le plan ne permettait pas, à l'issue d'un délai de huit ans, l'apurement intégral du passif, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;

4°/ que les chances de redressement du débiteur s'apprécient en tenant compte de la possibilité pour lui d'apurer le passif existant grâce aux revenus générés par son activité pendant toute la durée du plan ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le passif global de la SCI s'élevait, après vérification du passif et en tenant compte du passif généré pendant la période d'observation, à 979 855,21 euros, cependant que celle-ci était en mesure de percevoir des revenus locatifs de l'ordre de 142 000 euros par an, soit un total de 1 136 000 euros pendant toute la durée du plan ; qu'en affirmant que la SCI ne pourrait apurer son passif sans vendre son actif immobilier, sans rechercher si ces loyers n'étaient pas suffisants pour combler le passif au terme de la durée du plan, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 631-1 et L. 631-15, II, du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que si le principe de l'autonomie de la personne morale impose d'apprécier séparément les conditions d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de chacune des sociétés d'un groupe, rien n'interdit au tribunal, lors de l'examen de la solution proposée pour chacune d'elles, de tenir compte, par une approche globale, de la cohérence du projet au regard des solutions envisagées pour les autres sociétés du groupe ; que si c'est à tort que la cour d'appel a énoncé le contraire, la cassation n'est cependant pas encourue dès lors que, sous le couvert d'une approche globale de la situation des sociétés du groupe, les conclusions de la SCI ne tendaient qu'à favoriser le redressement de la seule société Stirca ;

Et attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a retenu l'impossibilité manifeste du redressement de la SCI ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; Me Galy -

Textes visés :

Principe de l'autonomie de la personne morale.

Com., 19 décembre 2018, n° 17-22.004, (P)

Irrecevabilité

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Pourvoi en cassation – Pourvoi réservé au ministère public – Exception – Domaine d'application – Excès de pouvoir

Il résulte de l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que le pourvoi n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts se prononçant sur le plan de cession de l'entreprise. Il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir. L'adoption d'un plan de cession postérieurement à l'expiration de l'autorisation provisoire de la poursuite de l'activité donnée par le tribunal en application de l'article L. 642-2, I, du code de commerce ne constitue pas un tel excès de pouvoir.

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Décisions susceptibles – Plan de cession de l'entreprise – Jugement arrêtant ou rejetant le plan – Pourvoi réservé au ministère public – Exception – Excès de pouvoir – Domaine d'application

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Vu l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le pourvoi n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts se prononçant sur le plan de cession de l'entreprise ; qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mai 2017), que la société Etablissements L. X... (la société X...) a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 25 mars 2013 ; que son plan de continuation, arrêté le 19 novembre 2014, a été résolu par un jugement du 5 décembre 2016 qui a prononcé la liquidation judiciaire, autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 31 décembre 2016 et fixé la date limite de dépôt des offres de reprise au 16 décembre 2016 ; qu'un jugement du 29 décembre 2016 a rejeté la première offre de reprise présentée par la société STLG, laquelle a présenté une nouvelle offre le 5 janvier 2017 ; que le tribunal, par un jugement du 18 janvier 2017, a arrêté le plan de cession de la société X... au profit de la société STLG dans les termes de son offre du 5 janvier 2017 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à statuer sur les demandes contenues dans le dispositif de ses conclusions tendant à voir constater que le jugement arrêtant le plan de cession de son fonds de commerce ne lui a pas été signifié dans les délais légaux et que l'offre déposée par la société MAB Finance n'a pas été communiquée au débiteur par le liquidateur et en conséquence d'arrêter la cession des éléments d'actifs incorporels et corporels composant le fonds de commerce de la société X... au profit de la société STLG alors, selon le moyen, que le juge ne peut, sous peine de commettre un excès de pouvoir négatif, refuser de se prononcer sur les prétentions qui sont présentées par le débiteur dans le dispositif de ses conclusions pour obtenir l'infirmation du jugement ayant arrêté le plan de cession de ses actifs ; qu'en énonçant qu'elle n'avait pas à statuer sur les demandes de la société X... contenues dans le dispositif de ses conclusions et tendant à constater que le jugement arrêtant le plan de cession de son fonds de commerce ne lui avait pas été signifié dans les délais légaux, et constater que l'offre déposée par la société MAB Finance n'avait pas été communiquée au débiteur par le liquidateur judiciaire, lorsque de telles demandes constituaient des prétentions aux fins d'obtenir l'infirmation, également demandée au dispositif des conclusions, de la décision du tribunal qui avait ordonné la cession de ses actifs à la société STLG, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir justifiant l'annulation de sa décision ;

Mais attendu qu'en refusant de statuer sur les demandes de constatations qui, fussent-elles présentées comme venant au soutien d'une demande d'infirmation du jugement, ne constituaient pas des prétentions au sens de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour d'appel n'a commis aucun excès de pouvoir ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Melun, et d'arrêter en conséquence la cession des éléments d'actifs incorporels et corporels composant le fonds de commerce de la société X... au profit de la société STLG conformément à son offre écrite du 5 janvier 2017 alors, selon le moyen, que commet un excès de pouvoir le tribunal qui ordonne la cession totale ou partielle de l'entreprise, sans avoir au préalable autorisé la poursuite de l'activité ; qu'en énonçant que le tribunal avait pu, par jugement du 18 janvier 2017, ordonner la cession du fonds de commerce de la société X... bien que par jugement précédent du 29 décembre 2016, il eût confirmé l'arrêt de l'activité de la société X... au 31 décembre 2016, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir commis par le tribunal, ce qui entraîne la nullité de sa décision ;

Mais attendu que l'adoption d'un plan de cession postérieurement à l'expiration de l'autorisation provisoire de la poursuite de l'activité donnée par le tribunal en application de l'article L. 642-2, I, du code de commerce ne constitue pas un excès de pouvoir ;

D'où il suit que, formé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré d'excès de pouvoir, le pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; Me Le Prado ; SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; article L. 642-2, I, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'exception à l'ouverture du pourvoi en cassation au seul ministère public, à rapprocher : Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-12.544, Bull. 2017, IV, n° 106 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-26.132, (P)

Rejet

Redressement et liquidation judiciaires – Licenciement économique – Plan de sauvegarde de l'emploi – Absence ou annulation de la décision de validation ou d'homologation du plan – Effets – Nullité des licenciements – Exclusion – Cas

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 juillet 2017) et les productions, que, par jugement du 17 janvier 2013, le tribunal de commerce a ouvert à l'encontre de la société Tecsom une procédure de sauvegarde, laquelle, par jugement du 20 février 2014, a été convertie en redressement judiciaire ; que par jugement du 27 mai 2014, le même tribunal a arrêté le plan de cession de la société, ordonné le transfert des contrats de travail de soixante-sept salariés et autorisé le licenciement pour motif économique de cinquante-trois autres ; que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué le 19 juin 2014 le document unilatéral élaboré par l'employeur et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le même jour, la société DD..., prise en la personne de M. DD..., étant nommée mandataire liquidateur ; que les licenciements ont été notifiés à compter de la fin du mois de juin 2014 ; que M. X... et d'autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale ; que, par jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif a rejeté la demande, formée par certains salariés, d'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral portant projet de licenciement collectif ; que, par arrêt du 2 avril 2015, la cour administrative d'appel a annulé ce jugement ainsi que la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 19 juin 2014, considérant que le document élaboré unilatéralement par l'employeur avait méconnu les dispositions de la convention collective de l'industrie textile relatives à la détermination des critères d'ordre de licenciement ; que cet arrêt est devenu définitif par suite de l'arrêt du Conseil d'État du 30 septembre 2015 ayant rejeté le pourvoi formé à son encontre ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen, ci-après annexée, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique, pris en ses autres branches :

Attendu que l'AGS et l'Unedic font grief à l'arrêt de juger que les dispositions de l'article L. 1233-58 II du code du travail étaient applicables en l'espèce, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Tecsom les créances au titre de l'indemnité de l'article L. 1233-58 II du code du travail pour chaque salarié et de dire que la garantie de l'AGS sera due dans les limites fixées par les dispositions légales et réglementaires, alors, selon le moyen :

1°/ que pour les entreprises faisant l'objet d'une procédure collective, l'article L. 1233-58 II du code du travail prévoyait que les licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, ouvraient droit, au bénéfice du salarié, à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne pouvait être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L. 1233-58 II prévoyait également que l'article L. 1235-16 du code du travail, propre à l'indemnisation que le salarié peut obtenir lorsque la décision de validation ou d'homologation intervient pour un motif autre que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ne s'appliquait pas ; qu'il s'évince de ces dispositions que dans les entreprises qui font l'objet d'une procédure collective, aucune indemnité ne peut revenir au salarié lorsque la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi est annulée pour un motif autre que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance dudit plan ; qu'en décidant le contraire, sans tenir compte de la motivation sur le fondement de laquelle la juridiction administrative avait annulé le plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-58 II et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version applicable au litige, ensemble le principe de proportionnalité ;

2°/ que pour les entreprises faisant l'objet d'une procédure collective, l'article L. 1233-58 II du code du travail prévoyait que les licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, ouvraient droit, au bénéfice du salarié, à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne pouvait être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L. 1233-58 II prévoyait également que l'article L. 1235-16 du code du travail, propre à l'indemnisation que le salarié peut obtenir lorsque la décision de validation ou d'homologation intervient pour un motif autre que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ne s'appliquait pas ; que l'article L. 1235-16 du code du travail prévoit à la fois le motif de l'annulation et la sanction en découlant ; que l'inapplicabilité de l'article L. 1235-16 du code du travail dans les entreprises qui font l'objet d'une procédure collective exclut toute indemnisation lorsque la nullité résulte d'un autre motif que celui résultant d'une insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en considérant que par le septième alinéa de l'article L. 1233-58 Il du code du travail selon lequel les dispositions de l'article L. 1235-16 de ce même code ne s'appliquaient pas, le législateur avait seulement entendu rappeler que, s'agissant des entreprises faisant l'objet d'une mesure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, il n'y avait pas lieu de distinguer suivant les motifs d'annulation du plan et qu'il ne saurait en être déduit qu'il avait entendu exclure de l'indemnisation minimum égale à six mois de salaire les salariés des entreprises en procédure collective, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 1233-58 II et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version applicable au litige, ensemble le principe de proportionnalité ;

3°/ que subsidiairement, pour les entreprises faisant l'objet d'une procédure collective, l'article L. 1233-58 II du code du travail prévoyait que les licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, ouvraient droit, au bénéfice du salarié, à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne pouvait être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L. 1233-58 II prévoyait également que l'article L. 1235-16 du code du travail, propre à l'indemnisation que le salarié peut obtenir lorsque la décision de validation ou d'homologation intervient pour un motif autre que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ne s'applique pas ; que l'article L. 1235-16 du code du travail précise que l'indemnité qu'il prévoit ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et qu'elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ; que l'inapplicabilité de l'article L. 1235-16 emporte exclusion du cumul de l'indemnité de licenciement et de l'octroi de dommages intérêts ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-58 II et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version applicable au litige ;

Mais attendu que, selon l'article L. 1233-58 II du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, en cas de licenciements intervenus dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l'absence de toute décision relative à la validation de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 du même code ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L. 1235-16 dudit code ne s'applique pas ;

Et attendu que la cour d'appel a exactement décidé, par motifs propres et adoptés, d'une part, qu'il se déduisait de ce texte que cette indemnité au moins égale aux salaires des six derniers mois était due, quel que soit le motif d'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation et, d'autre part, en l'absence de disposition expresse contraire, qu'elle se cumulait avec l'indemnité de licenciement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 1233-58, II, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du code du travail.

Com., 19 décembre 2018, n° 17-15.883, n° 17-26.501, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Décisions du juge-commissaire – Incompétence – Prononcé de sursis à statuer – Absence – Conséquences – Détermination

Il résulte de l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, que le défaut de prononcé du sursis à statuer sur l'admission des créances par un juge-commissaire s'étant déclaré incompétent pour statuer sur une contestation n'a pas pour effet de conférer au tribunal jugeant au fond le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance.

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Admission du rejet des créances déclarées – Compétence exclusive – Juge-commissaire – Portée

Il résulte du même texte que, sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-15.883 et 17-26.501 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que par un jugement du 18 mai 2010, un tribunal a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Sifas, M. Y... étant désigné mandataire judiciaire ; que la société HSBC France (la société HSBC) a déclaré plusieurs créances qui ont été contestées ; que par deux ordonnances des 25 juillet 2013 et 4 mars 2014, le juge-commissaire a constaté que les contestations ne relevaient pas de sa compétence et, par l'une d'elles, renvoyé les parties à se mieux pourvoir ; que les 6 août 2013 et 17 mars 2014, la société HSBC a assigné la société Sifas et M. Y..., ès qualités, devant le tribunal aux fins de statuer sur les contestations élevées par le mandataire judiciaire et dire que les créances s'élevaient à certains montants ; que par un jugement du 18 décembre 2014, le tribunal a dit que la déclaration de créance effectuée par la société HSBC était invalide et qu'il n'y avait pas lieu d'admettre la créance ainsi déclarée au passif de la procédure de sauvegarde de la société Sifas ; que la société HSBC a fait appel du jugement ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 17-15.883 :

Attendu que la société Sifas et M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt du 5 janvier 2017 de dire que le tribunal, saisi du fond du litige, n'était pas compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée, qui s'attache à la décision du juge-commissaire, n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que par deux ordonnances en date des 25 juillet 2013 et 4 décembre 2014, le juge-commissaire à la procédure collective de la société Sifas s'était déclaré incompétent pour trancher les contestations portant sur la déclaration de créances de la société HSBC en date du 19 juillet 2010, sans se prononcer, dans le dispositif de ses décisions, sur la régularité de cette déclaration au regard d'une contestation née du défaut de pouvoir de son signataire ; qu'en retenant, pour considérer que le juge du fond n'était pas compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance, que la décision d'incompétence induisait obligatoirement que le juge-commissaire avait considéré que la déclaration de créance était régulière et non entachée de nullité pour défaut de pouvoir de son déclarant, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge-commissaire qui se déclare incompétent pour trancher une contestation relative à une déclaration de créances sans surseoir à statuer, investit le juge compétent du pouvoir de statuer, non seulement sur la contestation mais aussi sur la demande en admission de la créance et donc sur la régularité de la déclaration de créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par deux ordonnances en date des 25 juillet 2013 et 4 décembre 2014, le juge-commissaire à la procédure collective de la société Sifas, s'était déclaré incompétent pour trancher les contestations portant sur la déclaration de créances de la société HSBC en date du 19 juillet 2010, sans pour autant prononcer un sursis à statuer ni se prononcer dans le dispositif de ses décisions sur la régularité de la déclaration de créance ; qu'en jugeant que le défaut de prononcé d'un sursis à statuer sur l'admission des créances avait eu pour seul effet d'investir le tribunal jugeant au fond de l'ensemble des contestations à l'exception de la régularité de la déclaration des créances de la société HSBC, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce ;

3°/ que les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office que M. Y... et la société Sifas avaient abandonné, lors des audiences devant le juge-commissaire, la contestation élevée sur la régularité de la déclaration de créances, et s'étaient ensuite contredits devant le juge du fond au détriment de la banque, quand la société HSBC, qui ne discutait pas de leur droit à contester la régularité de la créance devant les juges du fond ni ne dénonçait leur comportement procédural, n'invoquait nullement un tel moyen, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur le moyen qu'elle entendait relever d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en retenant que la société Sifas et M. Y... avaient abandonné, lors des audiences devant le juge-commissaire, la contestation élevée sur la régularité de la déclaration de créances au vu des éléments justificatifs produits par la banque, quand le juge-commissaire qui se borne à se déclarer incompétent pour trancher une contestation relative à une déclaration de créances sans surseoir à statuer, investit le juge compétent du pouvoir de statuer, non seulement sur la contestation mais aussi sur la demande en admission de la créance et donc sur la régularité de la déclaration de créance, en sorte que cette circonstance était totalement inopérante et que M. Y..., ès qualités, et la société Sifas étaient recevables en leur contestation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 624-2 du code de commerce ;

5°/ qu'en retenant que la société Sifas avait abandonné, lors des audiences devant le juge-commissaire, la contestation élevée sur la régularité de la déclaration de créances au vu des éléments justificatifs produits par la banque, quand il ne résulte pas de l'ordonnance du 25 juillet 2013 relative à la créance portant sur le prêt de 750 000 euros qu'elle y avait renoncé, la cour a dénaturé cette ordonnance et violé l'article 1134 ancien du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le juge-commissaire s'était déclaré incompétent sur les seules contestations élevées sur les pratiques qualifiées d'illicites de la banque, l'arrêt, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première, troisième, quatrième et cinquième branches, retient exactement que le défaut de prononcé du sursis à statuer sur l'admission des créances n'avait pas eu pour effet de conférer au tribunal jugeant au fond le pouvoir de statuer sur la régularité de la déclaration de créance ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi n° 17-15.883, et sur le moyen unique du pourvoi n° 17-26.501 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, dans les conditions de l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ;

Attendu que pour infirmer le jugement et prononcer successivement l'admission des créances de la société HSBC au titre de deux prêts, et la fixation au passif de la créance de celle-ci au titre du solde débiteur d'un compte courant, l'arrêt du 5 janvier 2017 retient que le défaut de prononcé du sursis à statuer sur l'admission des créances a eu pour effet d'investir le tribunal jugeant au fond du pouvoir de statuer sur les contestations et sur la demande d'admission des créances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par la société HSBC ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce l'admission des créances de la société HSBC France au passif de la société Sifas au titre du prêt de 750 000 euros et du prêt de 300 000 euros et ordonne l'inscription de ces créances sur l'état des créances, l'arrêt rendu le 5 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de la société HSBC France au passif de cette société au titre du solde débiteur du compte courant, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les mêmes parties, par la même cour d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que les créances de la société HSBC France à l'égard de la société Sifas s'élèvent à :

- Au titre du prêt de 750 000 euros : la somme de 509 671,04 euros, correspondant à huit échéances semestrielles de 63 708,88 euros chacune du 1er octobre 2010 au 1er avril 2014, comprenant 458 755,40 euros en capital et 50 915,64 euros en intérêts, et les intérêts de 4,8 % augmentés de trois points, dont la loi conserve le rang, avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière conformément à la clause d'anatocisme ;

- Au titre du prêt de 300 000 euros utilisé à hauteur de 250 000 euros : la somme de 188 847 euros correspondant à soixante échéances de 3 147,45 euros chacune, du 1er juin 2010 au 1er mai 2015, dont 181 656,70 euros en capital et le surplus en intérêts, et les intérêts au taux Euribor trois mois + 0,80 points, augmenté de trois points, dont la loi conserve le rang, avec capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

- Au titre du solde débiteur du compte courant : la somme de 254 075,61 euros ;

Invite les parties à saisir le juge-commissaire pour qu'il statue sur l'admission ou le rejet des créances.

- Président : M. Guérin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

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