Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

ENTREPRISE EN DIFFICULTE

Com., 5 décembre 2018, n° 17-20.065, (P)

Rejet et cassation partielle

Organes – Tribunal – Compétence matérielle – Exclusion – Commissaire à l'exécution du plan – Responsabilité civile – Conséquences – Détermination

Il résulte de l'article R. 662-3 du code de commerce que le tribunal de la procédure collective n'est pas compétent pour connaître des actions en responsabilité civile exercées contre l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ou le liquidateur, lesquelles relèvent de la compétence du tribunal de grande instance.

En conséquence, la demande fondée sur la responsabilité civile personnelle formée par un débiteur contre le commissaire à l'exécution du plan n'est pas recevable devant la cour d'appel statuant, avec les seuls pouvoirs du tribunal de la procédure collective, en matière de résolution du plan et de prononcé de la liquidation judiciaire de ce débiteur.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Les HautesTerres, Mme X..., épouse Y..., et M. Z... dit [...] que sur le pourvoi incident relevé par la société E..., agissant en qualité de liquidateur de la SCI Les Hautes Terres ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 5 novembre 2013, pourvois n° 11-21.716 et 12-20.134), que la société civile immobilière Les Hautes Terres (la SCI), qui avait pour gérante Mme X..., épouse Y..., (Mme X... Y...) et pour directeur associé M. Z... dit [..] (M. Z...), a été mise en redressement judiciaire le 8 décembre 1998, avant de bénéficier d'un plan de continuation d'une durée de trois ans, le 17 août 1999, M. C... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que la durée de celui-ci a été prorogée le 13 septembre 2003 ; qu'un jugement du 10 avril 2007 a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la SCI ; que l'arrêt du 24 avril 2008 confirmant ce jugement a été cassé par un arrêt du 16 juin 2009, mais seulement en ce qu'il prononçait la liquidation judiciaire de la SCI ; que, reprochant à la société C... d'avoir commis des fautes, la SCI, Mme X... Y... et M. Z... ont, devant la cour de renvoi, demandé, à titre reconventionnel, sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la SCI, Mme X... Y... et M. Z... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, leur demande indemnitaire alors, selon le moyen, qu'une demande reconventionnelle en appel est recevable dès lors qu'elle est rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en déclarant irrecevable, comme étant nouvelle en cause d'appel, la demande indemnitaire formée par la SCI Les hautes Terres à concurrence de la somme de 200 000 euros à l'encontre de la C..., dès lors que la SCI Les hautes Terres n'avait pas entendu répondre sur la recevabilité de cette prétention au regard des termes des articles 564 et 565 du code de procédure civile, malgré l'injonction délivrée par le Conseiller de la mise en état le 9 février 2016, sans vérifier si la demande de la SCI Les hautes Terres était rattachée aux prétentions originaires des demandeurs initiaux par un lien suffisant, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation des articles 564 et 565 du code de procédure civile par fausse application et des articles 64 et 70 du code de procédure civile par refus d'application ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 662-3 du code de commerce que le tribunal de la procédure collective n'est pas compétent pour connaître des actions en responsabilité civile exercées contre l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ou le liquidateur, lesquelles relèvent de la compétence du tribunal de grande instance ; qu'il s'ensuit que la demande indemnitaire formée contre la société E... au titre de sa responsabilité civile personnelle n'était pas recevable devant la cour d'appel statuant avec les seuls pouvoirs du tribunal de la procédure collective en matière de résolution du plan et de prononcé de la liquidation judiciaire ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la société E..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il prononçait la liquidation judiciaire de la SCI et de dire que cette dernière n'est pas, au jour de son prononcé, en état de cessation des paiements alors, selon le moyen :

1°/ que la E... affirmait dans ses conclusions d'appel déposées le 30 mars 2017, que l'actif disponible de la SCI Les Hautes Terres à la date à laquelle la cour d'appel statuait s'élevait à la seule somme de 143 891,45 euros, dès lors que la somme de 382 919,65 euros provenant de la vente d'un bien à la société Sassy, séquestrée entre les mains de Me Vincent F..., notaire, au profit des créanciers hypothécaires, ne pouvait être considérée comme de l'actif disponible ; qu'en affirmant néanmoins que le liquidateur aurait reconnu que l'actif disponible de la SCI Les Hautes Terres se serait élevé à 535 011,84 euros, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la E..., en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que ne constituent pas des actifs disponibles, des fonds séquestrés au profit de créanciers hypothécaires ; qu'en retenant que le montant de l'actif disponible de la SCI Les Hautes Terres devait être fixé, à tout le moins, à hauteur du montant invoqué par celle-ci, soit 527 809,11 euros, tandis que la SCI Les Hautes Terres intégrait dans son actif disponible une somme de 382 919,65 euros provenant de la vente d'un bien à la société Sassy, séquestrée entre les mains de Me Vincent F..., notaire, au profit de créanciers hypothécaires, la cour d'appel a violé les articles L. 626-27 et L. 631-1 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient, au titre de l'actif disponible, une somme totale de 527 809,11 euros correspondant à celle invoquée par la SCI, et non à celle prétendument reconnue à ce titre par le liquidateur ; que dès lors, le moyen, pris en sa première branche, critique des motifs surabondants ;

Et attendu, d'autre part, qu'en l'état de conclusions du liquidateur se bornant à faire valoir que les fonds provenant de la vente d'un immeuble de la SCI étaient « séquestrés » chez un notaire, dans l'attente de la mainlevée d'inscriptions hypothécaires, sans expliciter ni la nature du séquestre allégué, ni en quoi cet état de fait rendait les fonds indisponibles à court terme au profit des créanciers hypothécaires, voire chirographaires si le montant du prix de vente le permettait, la cour d'appel a pu intégrer la somme de 382 919,65 euros, correspondant au montant de ces fonds, dans l'actif disponible ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique de ce pourvoi, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce ;

Attendu que pour dire que l'état de cessation des paiements de la SCI n'est pas caractérisé, l'arrêt intègre dans le passif exigible, d'un côté, le passif rendu exigible par la résolution du plan, qu'il appelle le « passif antérieur », représentant la somme totale de 211 973,78 euros, de l'autre, diverses sommes incluant une dette à l'égard de la société BNP Paribas d'un montant de 77 921,86 euros, des dettes reconnues par la SCI à concurrence de 120 411,39 euros, une dette au titre de charges de copropriété à hauteur de 50 988,57 euros, une dette au titre d'autres frais et honoraires à hauteur de 31 396,63 euros, une dette d'honoraires dus à M. C... d'un montant de 72 191,92 euros, une dette à l'égard de l'UNEDIC à hauteur de 33 818 euros, ainsi qu'une dette à l'égard du Trésor public au titre de la taxe foncière à hauteur de 7 494 euros ; que l'arrêt retient encore qu'un montant de 165 474,46 euros doit aussi s'ajouter au passif exigible, lequel s'élève donc au total à 428 436,81 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le montant total du passif exigible ne s'élevait pas à la somme de 428 436,81 euros qu'elle a retenue au terme d'un calcul au demeurant inintelligible, mais, quelle que soit l'interprétation possible de sa décision, à une somme supérieure au montant de l'actif disponible de 527 809,11 euros reconnu par le débiteur et qu'elle-même a admis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi principal ;

Et sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement entrepris ayant prononcé la liquidation judiciaire de la SCI Les Hautes Terres, dit que la SCI Les Hautes Terres n'est pas en état de cessation des paiements et rejette la demande tendant au prononcé de la liquidation judiciaire de cette SCI, l'arrêt rendu le 1er juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet,en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article R. 662-3 du code de commerce.

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