Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-27.442, (P)

Rejet

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Protocole d'accord préélectoral – Négociation – Echec – Cas – Office du juge – Détermination – Applications diverses

Le tribunal d'instance, juge de l'élection, a le pouvoir de prendre toutes les mesures nécessaires au bon déroulement des opérations électorales.

Il en résulte qu'un tribunal d'instance, après avoir constaté que les élections professionnelles en vue desquelles le protocole préélectoral avait été conclu n'avaient pas pu se dérouler en raison d'une anomalie affectant le matériel de vote et que, lors de la négociation engagée par l'employeur d'un avenant au protocole préélectoral aux fins de fixer un nouveau calendrier électoral, les parties n'étaient pas parvenues à un accord sur ce point, s'est borné, en ordonnant d'organiser les élections sur la base du protocole préélectoral, à déterminer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales en application des dispositions des articles L. 2314-23 et L. 2324-21 du code du travail, alors applicables.

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Pontoise, 30 octobre 2017), qu'un protocole d'accord préélectoral a été signé par toutes les parties le 24 janvier 2017, prévoyant notamment que le premier tour des élections des représentants du personnel de la société XL transports (la société), ayant son siège social à Cergy (95), aurait lieu le 24 février 2017 et le second tour éventuel le 23 mars 2017 ; que les élections ont été reportées à la suite d'une difficulté concernant le vote par correspondance ; que, le 12 juin 2017, le syndicat général des transports du Nord Est francilien CFDT (le syndicat) a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ce protocole et du vote alors à venir des représentants du personnel de la société et demandé la convocation des organisations syndicales représentatives à une négociation pour l'établissement d'un nouveau protocole d'accord préélectoral et qu'il soit procédé à l'organisation de nouvelles élections ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée en défense :

Attendu que le pourvoi en cassation contre une décision rendue en dernier ressort est une voie de recours qui constitue pour les justiciables une garantie fondamentale ;

Qu'il s'ensuit que la décision du tribunal d'instance statuant en matière de contestation préélectorale, rendue en dernier ressort, est susceptible de pourvoi en cassation ;

Sur le moyen unique :

Attendu que le syndicat fait grief au jugement de constater que le protocole d'accord préélectoral du 24 janvier 2017 est valide, d'ordonner à la société de mettre en place le processus électoral dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement et réorganiser le vote, premier tour et deuxième tour éventuel inclus, qui doit être effectif au 31 janvier 2018 au plus tard, et de débouter le syndicat de ses demandes tendant à voir déclarer le protocole du 24 janvier 2017 caduc, voir ordonner à l'employeur de communiquer les effectifs de l'entreprise et la liste électorale et convoquer les organisations syndicales habilitées à négocier le protocole alors, selon le moyen :

1°/ que les stipulations du protocole relatives à la durée de sa validité s'imposent aux parties ; que le protocole signé le 24 janvier 2017 stipule expressément, en son article 12 relatif à la validité, qu'il ne vaudra que pour l'élection dont le premier tour est fixé au 24 février 2017 et le second tour éventuel au 23 mars 2017 ; qu'en disant que le protocole du 24 janvier 2017 était valide pour des élections ultérieures, le tribunal a violé les articles 1103 du code civil, L. 2314-3 et L. 2324-4 du code du travail ;

2°/ que le protocole préélectoral n'est valable que pour les élections en vue desquelles il a été conclu ; qu'en disant que le protocole du 24 janvier 2017 conclu pour les élections fixées les 24 février et 23 mars 2017 était valide pour des élections ultérieures, le tribunal a violé les articles 1103 du code civil, L. 2314-3 et L. 2324-4 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le tribunal d'instance, juge de l'élection, a le pouvoir de prendre toutes les mesures nécessaires au bon déroulement des opérations électorales ;

Attendu, ensuite, que le tribunal, après avoir constaté que les élections en vue desquelles le protocole préélectoral du 24 janvier 2017 avait été conclu n'avaient pas pu se dérouler en raison d'une anomalie affectant le matériel de vote le 24 février 2017 et que, lors de la négociation engagée par l'employeur d'un avenant au protocole préélectoral aux fins de fixer un nouveau calendrier électoral, les parties n'étaient pas parvenues à un accord sur ce point, s'est borné à déterminer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales en application des dispositions des articles L. 2314-23 et L. 2324-21 du code du travail, alors applicables ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 2314-23 et L. 2324-21 du code du travail dans leur rédaction applicable.

Rapprochement(s) :

Sur le rôle du tribunal d'instance en matière d'élection professionnelle, à rapprocher : Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-26.659, Bull. 2012, V, n° 243 (cassation).

Soc., 19 décembre 2018, n° 18-60.067, (P)

Cassation

Comité d'entreprise et délégué du personnel – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Protocole d'accord préélectoral – Validité – Contestation – Demande formée par requête ou déclaration – Mentions obligatoires – Matière d'ordre public – Portée

Selon l'article 58 du code de procédure civile, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Or, l'employeur et les organisations syndicales ne peuvent conclure un accord pour se faire juge de la validité des élections professionnelles, matière intéressant l'ordre public.

Doit dès lors être cassé le jugement qui déclare irrecevable une requête en annulation d'un protocole préélectoral et d'élections professionnelles au motif que le requérant ne mentionne pas les diligences accomplies en vue de parvenir à une résolution amiable du litige et ne justifie pas davantage d'un motif légitime le dispensant de l'accomplissement de ces diligences.

Sur le moyen unique qui est recevable :

Vu l'article 58 du code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que par requête du 16 octobre 2017, l'Union des syndicats anti-précarité (l'USAP) a saisi le tribunal d'instance, notamment en annulation du protocole d'accord préélectoral conclu le 28 août 2017 et des élections des membres du comité d'établissement, délégués du personnel et membres du conseil de discipline de la société Transports du Val d'Oise ;

Attendu que pour déclarer cette requête irrecevable, le tribunal retient que l'USAP ne mentionne pas les diligences accomplies en vue de parvenir à une résolution amiable du litige et ne justifie pas davantage d'un motif légitime la dispensant de l'accomplissement de ces diligences ;

Attendu cependant que l'employeur et les organisations syndicales ne peuvent conclure un accord pour se faire juge de la validité des élections professionnelles, matière intéressant l'ordre public ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Sannois ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Montmorency.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 58 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.