Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-26.376, (P)

Irrecevabilité

Article 6, § 1 – Tribunal – Impartialité – Défaut – Caractérisation – Cas – Conseil de prud'hommes – Conseiller prud'homme responsable des ressources humaines d'une société partie au litige, signataire de la lettre de licenciement – Portée

L'exigence d'impartialité s'impose aux juridictions à l'encontre desquelles le grief peut être invoqué indépendamment des cas visés par l'article 47 du code de procédure civile.

C'est dès lors sans excéder ses pouvoirs qu'une cour d'appel, après avoir écarté les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile au motif que le responsable des ressources humaines de la société, signataire de la lettre de licenciement et membre du conseil de prud'hommes territorialement compétent, n'était pas partie à la procédure au sens de ce texte, a décidé, sur le fondement de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il convenait cependant de renvoyer l'affaire devant une juridiction limitrophe.

Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 47, 606, 607, 607-1 et 608 du code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ;

Attendu que ne peuvent être frappés d'un pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond, hors les cas spécifiés par la loi, les décisions en dernier ressort qui se bornent à statuer sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident sans mettre fin à l'instance ;

Attendu qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 12 septembre 2017), que M. X... a été licencié par la société Pierburg pump technology France ; que contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes de Metz ; que l'employeur a conclu à l'incompétence territoriale de ce conseil au profit du conseil de prud'hommes de Thionville, par application des dispositions de l'article R. 1412-1 du code du travail ; que le salarié a, sur le fondement des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, revendiqué la compétence du conseil de prud'hommes de Metz au motif que la responsable des ressources humaines de la société, signataire de la lettre de licenciement, était conseiller prud'homme au conseil de Thionville ; que la cour d'appel a infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Metz s'étant déclaré territorialement incompétent, jugé ledit conseil compétent pour connaître du litige et renvoyé l'affaire devant cette juridiction ;

Attendu, d'abord, que l'arrêt, qui a statué sur une demande de renvoi devant une autre juridiction fondée sur l'inapplicabilité des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, a statué sur une exception de procédure sans mettre fin à l'instance ;

Attendu, ensuite, que l'exigence d'impartialité s'impose aux juridictions à l'encontre desquelles le grief peut être invoqué indépendamment des cas visés par l'article 47 du code de procédure civile ; que c'est dès lors sans excéder ses pouvoirs que la cour d'appel, après avoir écarté les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile au motif que la responsable des ressources humaines de la société n'était pas partie à la procédure au sens de ce texte, a décidé, sur le fondement de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il convenait cependant de renvoyer l'affaire devant une juridiction limitrophe de celle territorialement compétente ;

D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 47 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence d'impartialité s'imposant aux juridictions indépendamment des cas visés par l'article 47 du code de procédure civile, à rapprocher : 2e Civ., 23 septembre 2010, pourvoi n° 09-17.114, Bull. 2010, II, n° 158 (cassation). Sur l'exclusion de l'application de l'article 47 du code de procédure civile à un conseiller prud'homme qui n'est pas le représentant légal d'une partie, à rapprocher : Soc., 20 mars 1997, pourvoi n° 95-42.755, Bull. 1997, V, n° 121 (cassation), et l'arrêt cité.

1re Civ., 19 décembre 2018, n° 17-22.056, (P)

Cassation

Article 6, § 1 – Tribunal – Impartialité – Défaut – Caractérisation – Cas – Cour d'appel exposant les moyens et prétentions des parties selon des modalités différentes

Viole l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile, une cour d'appel qui expose les moyens et prétentions des parties selon les modalités différentes de nature à faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jacques I... et Marie C... sont décédés les [...], laissant pour leur succéder leurs trois filles, Marie-France, Béatrice et Dominique ; que Mme Béatrice I... a assigné ses deux soeurs en partage des successions de leurs parents ;

Attendu qu'après s'être borné à viser les dernières écritures déposées par Mme Béatrice I..., au motif qu'elles étaient longues et particulièrement confuses, l'arrêt expose sur onze pages les moyens et prétentions développés dans les conclusions de Mmes Marie-France et Dominique I... ;

Qu'en exposant ainsi les moyens et prétentions des parties, selon des modalités différentes de nature à faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Coutard et Munier-Apaire -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 455 et 458 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 29 avril 2009, pourvoi n° 07-21.986, Bull. 2009, III, n° 94 (cassation) ; 1re Civ., 17 mars 2011, pourvoi n° 10-10.583, Bull. 2011, I, n° 56 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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