Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

ASSURANCE (règles générales)

Com., 12 décembre 2018, n° 17-15.195, (P)

Rejet

Contrat d'assurance – Contrat d'assurance sur la vie – Contrat non rachetable – Définition – Exclusion – Contrat contenant une clause d'indisponibilité pendant toute sa durée sauf stipulations exceptionnelles – Conséquences – Détermination

Un contrat d'assurance sur la vie qui contient une clause d'indisponibilité pendant toute sa durée, sauf stipulations exceptionnelles, ne peut être qualifié de contrat non rachetable au sens de l'article L. 132-23 du code des assurances, dès lors qu'il laisse subsister dans le patrimoine du souscripteur la créance qu'il détient sur l'assureur, de sorte que sa valeur de rachat doit être incluse dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, conformément à l'article 885 F du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur du 31 décembre 1991 au 1er janvier 2014.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 6 décembre 2016), que, le 31 décembre 2008, M. Z... a souscrit un contrat d'assurance sur la vie contenant une clause stipulant qu'il n'était pas rachetable pendant toute sa durée fixée à huit ans, sauf situations exceptionnelles ; qu'estimant que la valeur de rachat de ce contrat devait être prise en compte dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû par M. et Mme Z..., l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification de la base imposable déclarée pour cet impôt au titre des années 2009 à 2012 ; qu'après mise en recouvrement de l'imposition en résultant et rejet de leur réclamation, M. et Mme Z... ont saisi le tribunal de grande instance en annulation de cette décision de rejet et des avis d'imposition ;

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant que le contrat d'assurance sur la vie souscrit par M. Z... aurait dû être mentionné dans ses déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 à 2012 dès lors qu'il n'entrait pas dans l'une des catégories de contrats visés par l'article L. 132-23 du code des assurances, sans répondre au moyen des conclusions d'appel de M. et Mme Z... faisant valoir que la circonstance que le contrat n'entrait pas dans la catégorie des contrats non rachetables visés à l'article L. 132-23 du code des assurances était indifférente puisque l'article L. 142-5 du même code, qui apportait un aménagement à cet article L. 132-23, intégrait le contrat dans la catégorie des contrats non rachetables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que pour le calcul de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables est ajoutée au patrimoine du souscripteur ; qu'en toute hypothèse, en retenant que le contrat d'assurance sur la vie souscrit par M. Z... aurait dû être mentionné dans ses déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 à 2012 dès lors qu'il n'entrait pas dans l'une des catégories de contrats visés par l'article L. 132-23 du code des assurances, quand un contrat d'assurance sur la vie pouvait entrer dans la catégorie des contrats non rachetables sans être visé par ce texte, et ce au regard de l'article L. 142-5 du même code, la cour d'appel a violé l'article 885 F du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 décembre 2013 ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'en application de l'article 885 F du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, les primes versées après l'âge de soixante-dix ans au titre des contrats d'assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur soumis à l'ISF, l'arrêt relève que les contrats d'assurance non rachetables sont définis à l'article L. 132-23 du code des assurances alors en vigueur et constate que le contrat souscrit par M. Z... ne ressortit à aucune des catégories prévues à cet article ; qu'il relève que l'assuré, s'il est en vie au terme fixé du contrat, a droit au paiement d'un capital ou d'une rente et qu'à défaut, il est procédé au paiement de ce capital ou de cette rente aux bénéficiaires désignés ; que de ces énonciations et appréciations, dont il ressort que la clause d'indisponibilité insérée à la police d'assurance souscrite par M. Z... laissait subsister dans son patrimoine la créance qu'il détenait sur son assureur, même si le remboursement de celle-ci en était différé, et que le contrat souscrit ne pouvait recevoir la qualification de contrat non rachetable, la cour d'appel, qui a répondu en l'écartant au moyen prétendument délaissé, a exactement déduit que la valeur de rachat de ce contrat devait être incluse dans l'assiette de l'ISF ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Cayrol - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Caston ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 132-23 du code des assurances ; article 885 F du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991.

2e Civ., 13 décembre 2018, n° 17-28.093, (P)

Cassation partielle

Risque – Déclaration – Réticence ou fausse déclaration – Réticence intentionnelle – Existence – Appréciation – Eléments à prendre en compte – Réponses aux questions posées à l'assuré lors de la conclusion du contrat – Questions impliquant la révélation des informations non déclarées

Selon l'article L. 113-2, 2°, du code des assurances l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge.

Il résulte des articles L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 du même code que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions.

Viole ces textes une cour d'appel qui prononce l'annulation d'un contrat d'assurance en raison de la réticence intentionnelle de l'assuré qui n'a pas spontanément révélé que l'immeuble assuré avait été irrégulièrement édifié sans permis de construire sur un espace naturel, sans constater que l'assureur avait, lors de la conclusion du contrat, posé à l'assuré des questions précises impliquant la révélation des informations qu'il lui était reproché de ne pas avoir déclarées.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 113-2, 2°, L. 112-3 et L. 113-8 du code des assurances ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; qu'il résulte des deux autres que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. Y..., propriétaire d'une maison d'habitation, a souscrit une police d'assurance « Multigarantie vie privée résidence principale » auprès de la société Macif Val-de-Seine Picardie (l'assureur) à effet du 1er août 2002 ; qu'à la suite d'un incendie ayant détruit ce bien le 30 décembre 2011, M. Y... a déclaré le sinistre à l'assureur qui a invoqué la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances en lui reprochant d'avoir omis de déclarer que l'immeuble avait été édifié sans permis de construire sur une zone interdite ;

Attendu que pour prononcer l'annulation du contrat d'assurance au visa de l'article L. 113-8 du code des assurances, l'arrêt retient qu'il est constant que le contrat d'assurance habitation a été souscrit sans questionnaire préalable sur la base des déclarations spontanées de ce dernier ; que l'assureur n'a pas d'obligation de faire remplir un questionnaire séparé lors de la souscription du contrat ; que l'obtention d'un permis de construire préalable à l'édification d'une maison d'habitation est nécessairement présumée par l'assureur ; que M. Y..., qui ne conteste pas avoir édifié sa maison d'habitation sans permis de construire sur une parcelle classée, selon les plans d'urbanisme, en zone non équipée et constituant un espace naturel qui doit être préservé de toute forme d'urbanisme en raison de la qualité du paysage, du caractère des éléments naturels qui le composent, s'est abstenu de déclarer cet élément spontanément à l'assureur lors de la souscription du contrat ; que si l'assureur invoque un jugement correctionnel du 28 avril 2010 portant condamnation de M. Y... pour exécution de travaux sans permis de construire, les documents produits au débat ne permettent pas de déterminer si la condamnation pénale porte sur la maison principale ou sur l'autre bâtiment, il reste que ces deux constructions sont édifiées sur le même terrain, lequel consiste en une parcelle classée en zone non équipée qui constitue un espace naturel devant être préservé de toute forme d'urbanisme ; que la condamnation pénale susvisée devait en conséquence inciter M. Y... à déclarer à son assureur, même en cours de contrat, qu'il avait édifié sa maison principale sans permis de construire ; que la réticence intentionnelle commise lors de la souscription du contrat par M. Y... a nécessairement exercé une influence sur l'opinion de l'assureur ; que le caractère intentionnel de la réticence résulte de la nature de l'information omise, s'agissant d'une construction édifiée dans des conditions illégales ; que cette réticence, par sa nature, a changé l'objet du risque, la société Macif étant fondée à soutenir que, si elle avait su, au moment de la souscription du contrat que l'habitation concernée était édifiée sans permis de construire, sur une zone interdite d'urbanisme, elle aurait refusé de contracter ;

Qu'en statuant ainsi sans constater que l'assureur avait, lors de la conclusion du contrat, posé à l'assuré des questions précises impliquant la révélation des informations relatives à la construction de l'immeuble assuré qu'il lui était reproché de ne pas avoir déclarées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Macif Val-de-Seine Picardie de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 8 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Touati - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 112-3, L. 113-2, 2°, et L. 113-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Ch. mixte, 7 février 2014, pourvoi n° 12-85.107, Bull. 2014, Ch. mixte, n° 1 (cassation partielle) ; 2e Civ., 11 juin 2015, pourvoi n° 14-14.336, Bull. 2015, II, n° 147 (cassation).

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