Numéro 12 - Décembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 12 - Décembre 2018

ASSOCIATION

Soc., 19 décembre 2018, n° 17-15.503, (P)

Rejet

Dissolution – Cas – Jugement prononçant la liquidation judiciaire ou ordonnant l'arrêt de la poursuite d'activité de l'association – Effets – Détermination

Ni un jugement de liquidation judiciaire ni un jugement ordonnant l'arrêt de la poursuite d'activité n'entraînent à eux seuls la dissolution de l'association et n'ont en soi d'effet sur l'existence du comité d'entreprise.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Rennes, 8 février 2017), que M. Y..., engagé le 9 mai 2006 par l'association fédération ADMR du Finistère (l'association) en qualité d'encadrant de proximité, membre de la délégation unique du personnel, a vu son mandat renouvelé au mois de décembre 2009 ; que, par jugement du 4 avril 2012, le tribunal de grande instance a prononcé la liquidation judiciaire de l'association, la société EMJ étant désignée en qualité de liquidateur ; que, par jugement du 3 mai 2012, il a été mis fin à la poursuite de l'activité ; que le comité d'entreprise s'est réuni les 9 mai, 16 mai et 8 juin 2012, cette dernière réunion ayant notamment pour objet la liquidation des comptes du comité ; que l'inspecteur du travail a, le 26 juillet 2012, refusé d'autoriser le licenciement de M. Y..., décision confirmée par le ministre du travail le 8 février 2013 ; que le 19 novembre 2012, le liquidateur a convoqué une seconde fois le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; que le 20 décembre 2012, il lui a adressé une lettre valant, en cas de non acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, notification de la rupture du contrat de travail pour motif économique ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt de dire que le licenciement est nul pour discrimination et d'accorder au salarié diverses indemnités, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée résultant de la décision de l'inspecteur du travail du 26 juillet 2012 refusant d'autoriser le licenciement de M. Y..., sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque le ministre chargé du travail statue sur le recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail se prononçant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, sa décision se substitue à celle de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, pour refuser d'autoriser le licenciement de M. Y..., le ministre du travail ne s'est pas fondé sur le lien entre le mandat du salarié et la demande d'autorisation de le licencier, mais sur l'insuffisante motivation de la demande d'autorisation et sur l'absence d'entretien préalable individuel ; qu'en opposant l'autorité de la chose décidée par l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé l'article R. 2422-1 du code du travail, la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor An III, ensemble le principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ;

Mais attendu d'abord qu'il résulte des conclusions du salarié devant la cour d'appel que celui-ci invoquait les motifs de la décision de l'inspecteur du travail ; que le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée était nécessairement dans le débat ;

Attendu ensuite qu'une décision du ministre qui confirme une décision de refus d'autorisation de licenciement rendue par l'inspecteur du travail ne se substitue pas à cette dernière ; que la cour d'appel devant qui le liquidateur se bornait à soutenir que les faits de discrimination énoncés dans la décision de refus de l'inspecteur du travail, ne lui étaient pas imputables, n'a pas méconnu les textes et principes invoqués ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et de dire que le salarié pouvait prétendre à une somme de 54 927,94 euros, correspondant aux rémunérations qu'il aurait perçues depuis la date de son licenciement et à une indemnité de 25 000 euros, alors, selon le moyen qu'en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise et de cessation complète et définitive de l'activité, le comité d'entreprise disparaît ; qu'en décidant que la protection légale, dont M. Y..., en sa qualité de membre et de secrétaire du comité d'entreprise, était en droit de bénéficier jusqu'à la disparition définitive de la Fédération expirait six mois après la fin de son mandat intervenue en décembre 2013, soit en juin 2014, quand elle relevait par ailleurs que la liquidation judiciaire de la Fédération avait été décidée le 4 avril 2012, qu'il avait été mis fin à la poursuite d'activité de la Fédération le 3 mai 2012 et que le comité d'entreprise s'était réuni une dernière fois le 8 juin 2012, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2411-8 et L. 2324-24 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que ni un jugement de liquidation judiciaire ni un jugement ordonnant l'arrêt de la poursuite d'activité n'entraînent à eux seuls la dissolution de l'association ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Basset - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article R. 2422-1 du code du travail ; loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor An III ; principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ; articles L. 2324-24 et L. 2411-8 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel une association ne prend pas fin par l'effet d'un jugement de liquidation judiciaire, à rapprocher : Com., 8 juillet 2003, pourvoi n° 01-20.050, Bull. 2003, IV, n° 126 (rejet).

2e Civ., 6 décembre 2018, n° 17-24.173, (P)

Rejet

Loi du 1er juillet 1901 – Capacité – Acquisition d'un immeuble – Objet de l'association – Statuts – Immeuble strictement nécessaire à l'accomplissement du but qu'elle se propose – Limite – Détermination – Portée

Les dispositions de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, qui interdisent à une association d'acquérir à titre onéreux des immeubles qui ne sont pas strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose, ne font pas obstacle à l'adjudication en application de l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution à une association diocésaine, ayant la qualité de créancier poursuivant, d'un immeuble dont la destination ne rentrerait pas dans son objet statutaire.

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 3 mai 2017), que Mme Anne Y..., épouse Z..., et Mme Renée Y..., épouse A..., ont engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. X... portant sur des biens immobiliers situés à Sagone ; que l'association diocésaine d'Ajaccio (l'association diocésaine), qui avait fait inscrire une hypothèque à son profit sur les biens immobiliers de M. X..., objets de la saisie immobilière, a déclaré ses créances ; que Mmes Y... ayant été totalement désintéressées, un juge de l'exécution, par un jugement du 26 septembre 2013 confirmé par un arrêt du 10 septembre 2014, a dit que l'association diocésaine était subrogée dans les droits de celles-ci ; que par un jugement du 4 juin 2015, l'adjudication a été ordonnée ; que par un jugement du 1er octobre 2015, un juge de l'exécution a déclaré les enchères désertes, rejeté la demande de M. X... en nullité des enchères et déclaré adjudicataire l'association diocésaine en application de l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement d'adjudication du 1er octobre 2015 en ce qu'il avait, pour chacun des lots, rejeté la demande de nullité des enchères qu'il avait formée, et adjugé le lot à M. D..., avocat au barreau d'Ajaccio, pour le compte de l'association diocésaine, créancier poursuivant subrogé, alors selon le moyen :

1°/ qu'une association déclarée ne peut être déclarée adjudicataire que des immeubles strictement nécessaires à la réalisation de son objet statutaire ; qu'en jugeant que l'association diocésaine pouvait être déclarée adjudicataire des biens saisis « quel que soit son objet » quand il lui appartenait au contraire de s'assurer, comme elle y était invitée, que les biens dont elle déclarait l'association adjudicataire étaient nécessaires à la réalisation de son objet statutaire, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ;

2°/ qu'une association déclarée ne peut être déclarée adjudicataire que des immeubles strictement nécessaires à la réalisation de son objet statutaire ; qu'en jugeant que « quel que soit l'objet de l'association diocésaine, sa qualité de créancière de M. X... l'autorisait à recouvrer sa créance par tous moyens légaux, dont celui de l'acquisition en vue de la revente », quand une association ne peut acquérir, quel que soit le mode d'acquisition, un bien non nécessaire à la réalisation de son objet statutaire, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, ensemble l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, qui interdisent à une association d'acquérir à titre onéreux des immeubles qui ne sont pas strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose, ne font pas obstacle à l'adjudication en application de l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, à une association diocésaine, ayant la qualité de créancier poursuivant, d'un immeuble dont la destination ne rentrerait pas dans son objet statutaire ;

Que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de nullité des enchères formée par M. X... et adjugé le bien immobilier à l'association diocésaine, créancier poursuivant subrogé ;

D'où il suit que le moyen, pris en ses deux premières branches, n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Martinel - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.