Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

SOCIETE COMMERCIALE (règles générales)

Com., 9 novembre 2022, n° 21-10.540, (B), FS

Rejet

Capital variable – Associés – Exclusion – Clause d'exclusion statutaire – Validité – Condition – Justes motifs d'exclusion – Rédaction précise – Nécessité (non)

Il résulte de l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce qu'est licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 novembre 2020) et les productions, par un acte du 7 juillet 2009, M. [L] a acquis un certain nombre de parts de la société à responsabilité limitée à capital variable Littoral FM et de communication (la société SOLICO), membre du GIE Les indépendants (le GIE).

2. L'article 13.3 des statuts de la société SOLICO stipule que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts.

3. Lors de l'assemblée générale de la société SOLICO du 17 octobre 2012, les associés ont voté l'exclusion de M. [L].

4. Invoquant l'absence d'indication, dans les statuts de la société SOLICO, des motifs d'exclusion d'un associé, M. [L] l'a assignée en annulation de la clause d'exclusion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion prévue dans les statuts de la société SOLICO n'est pas nulle, et, en conséquence, de dire que la procédure de son exclusion est régulière, de dire que le motif de son exclusion n'est pas abusif, de rejeter ses demandes de réintégration et de dommages-intérêts et de dire la réduction de capital de la société SOLICO légitime et fondée, alors « qu'une clause statutaire stipulant la faculté d'exclure un associé n'est licite que si elle précise les causes justifiant cette exclusion ; qu'en affirmant au contraire la validité de l'article 13.3 des statuts de la société SOLICO permettant l'exclusion d'un associé « pour justes motifs », peu important que ces statuts ne définissent pas, de manière limitative, les causes d'exclusion possibles, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article L. 231-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce qu'est licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lefeuvre - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le contrôle juridictionnel de l'absence d'abus de droit en cas d'exclusion d'un associé, à rapprocher : Com., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-13.891, Bull. 1997, IV, n° 281 (cassation).

Com., 30 novembre 2022, n° 20-19.184, (B), FRH

Rejet

Fusion – Fusion-absorption – Effets – Transmission universelle du patrimoine à la société absorbante – Qualité pour agir contre les débiteurs de la socété absorbée – Date – Détermination – Date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération

Il résulte des articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 janvier 2020), suivant un protocole d'accord signé le 15 décembre 1992, [W] [B], aujourd'hui décédé, s'est engagé, en son nom propre et en sa qualité de caution de deux sociétés, à payer certaines sommes à la Banque régionale d'escompte et de dépôt (la Bred).

2. Le 20 janvier 1993, la Société de développement régional Antilles-Guyane (la Soderag), aux droits de laquelle est venue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega), a consenti un prêt à la société Risa, dont [W] [B] s'est rendu caution.

3. La Sodega a fait l'objet, le 23 décembre 2004, d'une fusion-absorption par la Société financière des Antilles-Guyane (la Sofiag). Cette dernière a, le 22 février 2010, fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à [W] [B].

4. [W] [B] et la société Risa ont assigné la Sofiag et la Bred, principalement en annulation du protocole d'accord du 15 décembre 1992, et subsidiairement en responsabilité.

5. [W] [B] est décédé le 28 février 2021, laissant pour lui succéder MM. [T] et [Y] [B] et Mme [F] [B], qui ont repris l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [W] [B] et de la société Risa, alors :

« 2°/ que dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ;

3°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce ;

4°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant quel'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte des articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée.

9. L'arrêt retient, par des motifs vainement critiqués par le premier moyen, pris en sa première branche, que la réalité de la fusion-absorption, le 23 décembre 2004, de la Sodega par la Sofiag est établie.

10. La Sofiag ayant, par l'effet de cette fusion-absorption, recueilli l'intégralité du patrimoine de la Sodega, elle avait qualité pour agir en exécution forcée contre [W] [B], indépendamment de l'accomplissement des formalités de publicité applicables à cette opération.

11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef.

12. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lefeuvre - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce.

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