Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 10 novembre 2022, n° 20-22.275, n° 21-10.157, (B), FRH

Cassation partielle

Financement – Recettes diverses – Contribution assise sur les contrats d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur – Assiette – Détermination – Exclusion – Droit d'adhésion

Il résulte de l'article R. 322-47, 5° et 6°, du code des assurances que, contribuant au financement du fonds d'établissement, qui constitue l'équivalent de capitaux propres pour une société d'assurance mutuelle, et non à celui de son exploitation, le droit d'adhésion qu'il prévoit a pour seule contrepartie l'acquisition de la qualité de sociétaire.

Il s'ensuit que le droit d'adhésion est d'une autre nature que la cotisation ou prime d'assurance, qui constitue la contrepartie d'une opération d'assurance donnant droit à une prestation en cas de réalisation du risque stipulé dans la convention à laquelle ils se rattachent, de sorte qu'il n'entre pas dans l'assiette de la contribution prévue par les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale.

Financement – Cotisations – Assiette – Etendue – Détermination – Cas – Contribution assise sur les contrats d'assurance en matière de véhicules terrestres à moteur

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-22.275 et 21-10.157 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 novembre 2020), à la suite d'un contrôle de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la cotisante), portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de la Gironde, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a adressé à celle-ci une lettre d'observations, le 18 septembre 2012, suivie d'une mise en demeure portant sur la réintégration dans l'assiette de la contribution due par toute personne soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestre à moteur des frais d'échéance et des droits d'adhésion facturés aux assurés.

3. La cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi n° 20-22.275, et le troisième moyen du pourvoi n° 21-10.157, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi n° 20-22.275, qui est irrecevable, ni sur le troisième moyen du pourvoi n° 21-10.157, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 21-10.157

Enoncé du moyen

5. La cotisante fait grief à l'arrêt de valider partiellement la mise en demeure, alors :

« 1°/ que l'article L. 211-1 du code des assurances instaure une obligation d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur ; que selon l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 applicable du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2016, « une contribution est due par toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur [VTM] instituée par l'article L. 211-1 du code des assurances.

Le taux de la contribution est fixé à 15 % du montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation afférentes à l'assurance obligatoire susmentionnée » ; que l'article L. 137-7 du même code confirme que le produit de cette contribution TVTM « correspond au montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance émises » ; qu'en vertu de ces textes, la contribution porte ainsi sur les primes ou cotisations d'assurance afférentes à la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur ; que sont en revanche exclus de l'assiette de la TVTM : i. les sommes perçues par l'assureur autres que les primes ou cotisations d'assurance ; ii. les frais non inhérents à la garantie d'assurance, iii. les frais inhérents à la garantie d'assurance mais non afférents aux garanties de responsabilité civile ; que les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique - majorés de 6,10 € hors taxes à 10,06 € hors taxes pour les sociétaires non prélevés - ne sont pas la contrepartie de la ou des garanties souscrites par les assurés et n'ouvrent aucun droit supplémentaire pour ces derniers ; qu'étant non inhérents à la garantie d'assurance, les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique ne rentrent pas dans l'assiette de la TVTM ; que pour retenir au contraire un principe d'assujettissement à la TVTM de ces frais et valider le redressement infligé à la société pour une part correspondant à la couverture de la responsabilité civile obligatoire, la cour d'appel a déduit des dispositions de l'article L. 137-7 - en ce qu'elles prévoient la déduction d'un prélèvement de 0,8 % destiné à compenser les frais de collecte de la contribution TVTM - que « le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 inclut les frais de gestion et de recouvrement qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser », et que, pour la fixation de l'assiette de la TVTM, la loi ne fait pas distinction entre le montant de la prime stricto sensu et les accessoires de la prime, de sorte que « la prime s'entendait de tout ce qui formait le prix de l'assurance » ; qu'en statuant ainsi alors que les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique ne sont ni une prime d'assurance, ni des frais inhérents à la prime d'assurance de responsabilité civile, et ne participent pas au « prix de l'assurance », mais constituent des frais non inhérents à la garantie d'assurance liés à la hausse des coûts générés par l'absence de recours au prélèvement, de sorte qu'ils ne rentrent pas, même pour partie, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances ;

2°/ que la cour d'appel a de même retenu que « la cotisante ne justifie pas que les frais d'échéance majorés de 6,10 euros hors taxes à 10,06 euros hors taxes pour les sociétaires non prélevés, correspondent à des frais supplémentaires liés à un mode de paiement particulier, plus précisément elle ne démontre pas qu'ils sont facturés à la suite d'une demande spécifique de l'assuré » ; qu'en se fondant sur de tels motifs, impropres à établir que ce surcoût participait au financement de l'obligation d'assurance de responsabilité civile à raison des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances ;

3°/ que pour inclure les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a de même retenu, à supposer adoptés ces motifs du jugement, que « par primes ou cotisations, il faut entendre tout ce qui forme le prix de l'assurance, à savoir toutes les sommes hors taxes que l'assuré doit payer à l'assureur pour être couvert dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre la fraction de la prime ou cotisation représentant le risque assuré par la société d'assurance et la fraction correspondant aux frais de fonctionnement ou aux frais de gestion entraînés par les opérations de couverture du risque responsabilité civile ; c'est en effet ce prix-là qu'il incombe à l'assuré de payer pour être couvert » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à conférer la nature de prime d'assurance aux frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique et à justifier qu'ils soient inclus, même partiellement, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 137-7 du code de la sécurité sociale que le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 de ce code inclut les frais de gestion qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser.

7. L'arrêt énonce que la prime s'entend de tout ce qui forme le prix de l'assurance, soit toutes les sommes hors taxes que l'assuré s'engage à payer à l'assureur pour être garanti des risques prévus au contrat. Il retient que les frais d'échéance s'imposent à l'assuré. Il constate que la cotisante ne justifie pas que les frais d'échéance majorés pour les sociétaires ne faisant pas l'objet d'un prélèvement correspondent à des frais supplémentaires liés à un mode de paiement particulier, ni qu'ils sont facturés à la suite d'une demande spécifique de l'assuré.

8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les frais d'échéance constituent des frais de gestion qui entrent dans l'assiette de la contribution, de sorte qu'elle a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 21-10.157, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

10. La cotisante fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'article L. 211-1 du code des assurances instaure une obligation d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur ; que selon l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 applicable du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2016, « une contribution est due par toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur [VTM] instituée par l'article L. 211-1 du code des assurances.

Le taux de la contribution est fixé à 15 % du montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation afférentes à l'assurance obligatoire susmentionnée » ; que l'article L. 137-7 du même code précise que le produit de cette contribution TVTM « correspond au montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance émises » ; qu'en vertu de ces textes, la contribution porte ainsi sur les primes ou cotisations d'assurance afférentes à la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur ; que sont en revanche exclus de l'assiette de la TVTM : i. les sommes perçues par l'assureur autres que les primes ou cotisations d'assurance ; ii. les frais non inhérents à la garantie d'assurance, iii. les frais inhérents à la garantie d'assurance mais non afférents aux garanties de responsabilité civile ; que le droit d'adhésion est un apport, visant à alimenter le fonds d'établissement des sociétés d'assurance mutuelle (SAM), versé par le sociétaire en cette qualité à raison de sa seule adhésion à la SAM, en contrepartie de laquelle il reçoit une part sociale et dispose d'un droit de vote ; qu'étant non inhérent à la garantie d'assurance, le droit d'adhésion ne rentre pas dans l'assiette de la TVTM ; que pour retenir au contraire un « principe d'assujettissement des droits d'adhésion » et valider le redressement pour une part correspondant à la couverture de la responsabilité civile obligatoire, la cour d'appel a retenu qu'il se déduit des dispositions de l'article L. 137-7 du code « que le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 inclut les frais de gestion et de recouvrement qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser », que l'article L. 137-7 prévoit un abattement de 0,8 % pour les frais de collecte, que pour la fixation de l'assiette de la TVTM la loi ne fait pas de distinction entre le montant de la prime stricto sensu et les accessoires de la prime, et enfin que « la prime s'entendait de tout ce qui formait le prix de l'assurance » ; qu'en statuant ainsi alors que les droits d'adhésion ne sont ni une prime d'assurance, ni un frais inhérent à la garantie d'assurance de responsabilité civile, et ne participent pas au « prix de l'assurance », mais constituent un apport visant à alimenter le fonds d'établissement des sociétés d'assurance mutuelle en contrepartie duquel les assurés deviennent sociétaires et disposent de parts sociales et d'un droit de vote, de sorte qu'ils ne rentrent pas, même pour partie, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances ;

2°/ que les droits d'adhésion constituent, tel que le précise l'article 209, IV, du code général des impôts, un « apport » de l'assuré ; que tel que le précise le Conseil d'Etat « Le droit d'adhésion est, en conséquence, d'une autre nature que la cotisation ou prime d'assurance qui constitue la contrepartie d'une opération d'assurance donnant droit à une prestation en cas de réalisation du risque stipulé dans la convention à laquelle ils se rattachent » (CE, 22 nov. 2017, n° 406943, MACIF, mentionné dans les tables du recueil Lebon) ; que ne constituant pas une prime ou cotisation d'assurance, cet apport au fonds d'établissement ne rentre pas dans l'assiette de la TVTM ; qu'en se fondant au contraire, pour considérer que les droits d'adhésion rentraient dans l'assiette de la TVTM, sur les motifs selon lesquels les droits d'adhésion correspondaient à des sommes hors taxes que l'assuré devait payer à l'assureur pour être couvert dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire, en méconnaissance de la nature d'apport de ces droits d'adhésion, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances et 209, IV, du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale, R. 322-47, 5° et 6°, du code des assurances :

11. Il résulte du dernier de ces textes que, contribuant au financement du fonds d'établissement, qui constitue l'équivalent de capitaux propres pour une société d'assurance mutuelle, et non à celui de son exploitation, le droit d'adhésion qu'il prévoit a pour seule contrepartie l'acquisition de la qualité de sociétaire.

12. Il s'ensuit que le droit d'adhésion est d'une autre nature que la cotisation ou prime d'assurance qui constitue la contrepartie d'une opération d'assurance donnant droit à une prestation en cas de réalisation du risque stipulé dans la convention à laquelle ils se rattachent, de sorte qu'il n'entre pas dans l'assiette de la contribution prévue par les deux premiers de ces textes.

13. L'arrêt énonce que la prime s'entend de tout ce qui forme le prix de l'assurance, soit toutes les sommes hors taxes que l'assuré s'engage à payer à l'assureur pour être garanti des risques prévus au contrat. Il constate que les statuts de la société prévoient que l'admission d'un adhérent est subordonnée au paiement par ce dernier d'un droit d'adhésion lors de la souscription de son premier contrat. Il retient que les frais d'entrée s'imposent à l'assuré.

14. En statuant ainsi, alors que le droit d'adhésion payé par l'assuré à la souscription de son premier contrat ne constitue pas des frais de gestion, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de remise totale des majorations de retard formulée par la société MAIF et en ce qu'il fixe le point de départ des intérêts de retard au taux légal sur l'indu, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 137-6 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale ; article R. 322-47, 5° et 6°, du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 19-12.117, publié au Bulletin, (rejet).

2e Civ., 10 novembre 2022, n° 21-14.664, (B), FRH

Rejet

Financement – Recettes diverses – Financement des régimes de retraite à prestations définies – Cotisations – Assiette – Etendue – Détermination – Portée – Rentes versées dans le cadre des régimes mentionnés au I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale

Financement – Recettes diverses – Financement des régimes de retraite à prestations définies – Contribution – Calcul – Modalités – Application dans le temps de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2021), la société [4] (la société) et M. [S], son ancien président, ont sollicité, sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC), la restitution partielle par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais de la contribution visée à l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, versée en 2012.

2. Leurs demandes ayant été rejetées, ils ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de la société, alors « que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que lorsque la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée est appréciée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel peut prendre effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel peut également déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition litigieuse a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; qu'à défaut de précision dans la décision du Conseil constitutionnel, la déclaration d'inconstitutionnalité est ainsi réputée prendre effet à compter de la publication de la décision, sans remise en cause des effets que la disposition litigieuse a produits ; qu'en l'espèce, par une décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, à l'occasion de l'examen de dispositions de la loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions, issues d'une précédente loi déjà promulguée, des cinquième et neuvième alinéas de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale et les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois » figurant aux quatrième et huitième alinéas de ce même article ; que dans cette décision, le Conseil constitutionnel n'a précisé ni date d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité, ni remise en cause des effets produits par les dispositions concernées ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité devait donc produire effet à compter de la date de publication de la décision, soit le 30 décembre 2012, de sorte que les contributions antérieurement versées au titre de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale ne devaient pas être remises en cause ; qu'en retenant néanmoins que la décision n° 2012-662 DC du Conseil constitutionnel devait être appliquée aux contributions versées au titre de l'année 2012 et que par conséquent l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) devait rembourser à la société la quote-part de la contribution prévue par l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale au taux de 21 %, qu'elle avait précomptée pour le compte de certains bénéficiaires de retraites à prestations définies au titre de l'année 2012, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution, ensemble l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire dont le taux est fixé, par les quatrième et huitième alinéas, à 14 % pour la part de ces rentes supérieure à 1 000 euros et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois et, par les cinquième et neuvième alinéas, à 21 % pour la part de ces rentes supérieure à 24 000 euros par mois.

5. Dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les cinquième et neuvième alinéas de l'article L. 137-11-1 et, aux quatrième et huitième alinéas, les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois. »

6. Rappelant que la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, le Conseil constitutionnel a dit que l'article 3 de la loi de finances pour 2013 qui lui était déférée, instaurant une nouvelle tranche marginale d'imposition sur les revenus de 45 %, affectait le domaine d'application des dispositions de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale.

7. Il a considéré, en effet, que le taux marginal maximal d'imposition pesant sur les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies était porté, par suite de la modification prévue par l'article 3 et après prise en compte de la déductibilité d'une fraction de la contribution sociale généralisée ainsi que d'une fraction de la contribution prévue par l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale de l'assiette de l'impôt sur le revenu, à 75,04 % pour les rentes perçues en 2012 et à 75,34 % pour les rentes perçues à compter de 2013, que ce nouveau niveau d'imposition faisait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et qu'il était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.

8. Il en a déduit que pour remédier à l'inconstitutionnalité tenant à la charge excessive au regard des facultés contributives de certains contribuables percevant des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies, les dispositions susvisées devaient être déclarées contraires à la Constitution.

9. À défaut de report dans le temps de ses effets, la déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de la publication de la décision (Cons. Const., 13 juin 2013, décision n° 2013-672 DC ; Cons. Const., 18 octobre 2013, décision n° 2013-349 QPC ; Cons. Const., 24 octobre 2012, décision n° 2012-656 DC).

10. Il en résulte que les dispositions censurées ne s'appliquent pas aux rentes perçues en 2012 et soumises au nouveau barème d'imposition prévu par l'article 3 de la loi de finances pour 2013.

11. Dès lors, c'est sans encourir le grief du moyen, que la cour d'appel a dit que la quote-part de la contribution précomptée, en application de ces dispositions, par la société sur les rentes versées en 2012, devait lui être restituée.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 10 novembre 2022, n° 21-12.759, (B), FRH

Cassation

Prestations – Infraction – Pénalité – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Saisine – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 janvier 2021), à la suite d'un contrôle de facturation réalisé au sein de la société Hôpital privé [4] - [5] (l'établissement de santé) pour les années 2011 et 2012, la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) a, par lettre recommandée du 11 août 2014, notifié à l'établissement de santé une pénalité financière.

2. L'établissement de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la procédure de pénalité financière, alors « qu'aux termes des articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable en l'espèce, la voie de recours ouverte à l'établissement de soins pour contester la pénalité qui lui était notifiée par la caisse était la saisine du tribunal ; qu'en l'espèce, en retenant qu'en invitant l'établissement de santé à saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale plutôt que la commission de recours amiable, dès la notification de la pénalité, la caisse n'aurait pas respecté les droits de l'établissement en le privant d'une voie de recours, la cour d'appel a violé les articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale, le premier alors en vigueur et le second dans sa rédaction applicable au litige :

4. Aux termes du premier de ces textes, la pénalité est motivée et peut être contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

5. Selon le second, la notification de payer précise la cause, la nature, le montant des sommes réclamées au titre de la pénalité ou de chacune des pénalités prononcées et mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées, ainsi que les voies et délais de recours.

6. Il en résulte que la contestation de la pénalité financière notifiée à un professionnel de santé est portée devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, sans qu'il y ait lieu de saisir, au préalable, la commission de recours amiable.

7. Pour annuler la pénalité financière, l'arrêt relève que l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale impose la saisine préalable de la commission de recours amiable pour contester toute décision d'un organisme de sécurité sociale. Il ajoute qu'en invitant l'établissement de santé à saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale plutôt que la commission de recours amiable, dès la notification de la pénalité, la caisse n'a pas respecté les droits de cet établissement en le privant d'une voie de recours.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale.

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