Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 23 novembre 2022, n° 21-24.103, (B), FRH

Rejet

Protection des personnes en matière de santé – Réparation des conséquences des risques sanitaires – Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé – Indemnisation des victimes – Infection nosocomiale – Définition – Indemnisation des dommages en résultant – Critères

Au sens des articles L. 1142-1, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

Il s'en déduit :

- que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge ;

- qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 septembre 2021), après avoir subi, le 17 février 2010, en raison d'une surchage pondérale, une réduction de l'estomac par voie coelioscopique, Mme [P] a présenté le 20 février suivant une infection consécutive à la survenue d'une fistule digestive durant l'intervention.

2. A l'issue d'une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ayant ordonné une expertise médicale et écarté l'existence d'un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale et d'une infection nosocomiale, Mme [P] a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable ; qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

2°/ qu'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission « serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques » et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, « initialement d'un accident médical » puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite « l'accident médical, cause de l'infection survenue », comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

3°/ qu'en retenant « l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire », sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. »

Réponse de la Cour :

5. Selon le I, alinéa 2, de l'article L. 1142-1, du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

Selon le II, lorsque la responsabilité d'un tel établissement service ou organisme n'est pas engagée, une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle présente un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code et apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

6. Selon l'article L. 1142-1-1, 1°, du même code, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.

7. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

8. Il s'en déduit :

 - que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge,

 - qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient.

9. Après avoir, d'une part, retenu l'existence d'un accident médical non fautif lié à la survenue de la fistule et exclu son indemnisation au titre de la solidarité nationale en l'absence d'anormalité du dommage, d'autre part, écarté le caractère nosocomial de l'infection au motif qu'elle était secondaire à cet accident, la cour d'appel a constaté que Mme [P] sollicitait l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire.

10. Il en résulte que, même si l'infection survenue présentait un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, l'indemnisation des dommages consécutifs à cette infection, qui ne répondait pas aux critères de gravité de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, et qui avait été contractée au sein d'un établissement de santé, soumis à une responsabilité de droit, ne pouvait être mise à la charge de l'ONIAM, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être rejetées.

11. Par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, à ceux écartant le caractère nosocomial de l'infection, justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Mornet - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 1142-1, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 avril 2022, pourvoi n° 20-18.513, Bull., (cassation partielle).

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