Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 17 novembre 2022, n° 21-16.185, (B), FS

Rejet

Acte de procédure – Notification – Notification par la voie électronique – Domaine d'application – Détermination – Portée

1. Selon l'article 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre avocats ou entre un avocat et la juridiction ou entre le ministère public et un avocat ou entre le ministère public et la juridiction, dans le cadre d'une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d'appel ou son premier président, les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 du code de procédure civile doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté.

L'article 24 dispose que cet arrêté entre en vigueur à la date de sa publication, à l'exception des dispositions de l'article 2, en ce qu'elles portent sur la transmission des actes de procédure au premier président de la cour d'appel, qui entrent en vigueur le 1er septembre 2020.

C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel, saisie, sur renvoi après cassation, d'une déclaration de saisine antérieure au 1er septembre 2020, retient que les textes relatifs à la communication électronique issus de l'arrêté du 20 mai 2020 ne s'appliquent pas.

2. L' article 748-6 du code de procédure civile subordonne la faculté offerte aux parties par l'article 748-1 du même code de remettre par la voie électronique la déclaration de recours prévue par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et la date certaine des transmissions. (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.431, Bull. 2016, II, n° 247).

La règle était prévisible. En effet, le recours formé en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours devant le premier président n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 et relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1 (2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.047, Bull. 2018, II, n° 165).

La circonstance qu'un arrêté soit intervenu le 20 mai 2020, abrogeant l'arrêté du 5 mai 2010 et qui est applicable, selon les dispositions transitoires, au 1er septembre 2020 pour la transmission des actes de procédure au premier président, ne saurait avoir pour effet de valider rétroactivement la transmission de la déclaration de recours faite en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, serait-elle effectuée par un avocat au moyen du réseau privé virtuel avocat, mais en dehors de toute prévision d'un arrêté du garde des sceaux.

Cette sanction n'est pas disproportionnée et ne constitue pas un excès de formalisme portant atteinte à l'équité du procès, dès lors que, répondant aux objectifs de sécurisation de l'usage de la communication électronique, par des textes qui en réglementent les conditions, éclairés par un arrêt publié dans une procédure analogue, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe la déclaration de recours dans les conditions prévues par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, lesquelles ne comportent aucun obstacle pratique.

C'est donc à bon droit qu'un premier président rejette l'argumentation prise de la violation de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en relevant que la saisine par lettre recommandée avec accusé de réception ne représente aucune difficulté technique particulière, surtout pour une partie représentée par un avocat.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (Aix-en-Provence, 13 avril 2021), la société Blanchisserie Roncaglia (la société) a confié différents dossiers à Mme [C] (l'avocat) aux fins de recouvrement d'impayés et il a été mis un terme à ces relations en 2015.

2. Le 27 décembre 2016, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires et, par décision du 23 mai 2017, celui-ci a fixé le solde des honoraires dus par la société, laquelle a formé un recours contre cette décision.

3. Une ordonnance du premier président du 3 juillet 2018 qui a fixé les honoraires dus à l'avocat, a, sur le pourvoi formé par la société, été cassée en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation qui a renvoyé l'affaire devant le premier président d'une cour d'appel (2e Civ., 21 novembre 2019, pourvoi n° 18-22.152).

4. La société a saisi le premier président par déclaration adressée par voie électronique le 6 avril 2020, aux fins de voir statuer sur le recours formé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'ordonnance de dire irrecevable sa déclaration de saisine après renvoi de cassation du 6 avril 2020 adressée par voie électronique au premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et d'écarter sa demande tendant à la « régularisation » de la déclaration de saisine susdite, alors « qu'en matière de contestation d'honoraires, la saisine du premier président d'une cour d'appel, sur renvoi après cassation, peut s'effectuer par voie électronique ; qu'en retenant, pour dire irrecevable la déclaration de saisine de la société Blanchisserie Roncaglia, que les textes relatifs à la communication électronique en matière civile ne s'appliquent pas à cette procédure et que sa saisine ne pouvait donc être effectuée par voie électronique, le premier président a violé les articles 748-1, 748-6 et 1032 du code de procédure civile, 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, 1 de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel et 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des dispositions combinées des articles 932 et 1032 du code de procédure civile qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la saisine de la cour d'appel de renvoi s'effectue conformément aux formes prescrites pour l'exercice du droit d'appel en cette matière (3e Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 13-11.685, Bull. 2016, III, n° 26).

8. Selon l'alinéa 1 de l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Le délai de recours est d'un mois.

9. Selon l'article 748-1 du code de procédure civile relatif à la communication par voie électronique qui figure au sein de dispositions communes à toutes les juridictions, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.

10. Aux termes de l'article 748-6, les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire.

11. Il résulte de l'alinéa 1 de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, qui vise les articles 748-1 à 748-6 du code de procédure civile, que lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties ou entre un tel auxiliaire et la juridiction, dans le cadre d'une procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, les envois et remises des déclarations d'appel, des actes de constitution et des pièces qui leur sont associées doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté.

12. Sous l'empire de ces dispositions, la Cour de cassation a jugé qu'étant porté devant le premier président de la cour d'appel, le recours formé, en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1 (2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.047, Bull. 2018, II, n° 165).

13. L'arrêté précité a été abrogé par l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant les cours d'appel.

14. Selon l'article 2 de ce dernier arrêté, lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, ou entre le ministère public et un avocat, ou entre le ministère public et la juridiction, dans le cadre d'une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d'appel ou son premier président, les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 du code de procédure civile doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté.

15. L'article 24 dispose que le présent arrêté entre en vigueur à la date de sa publication à l'exception des dispositions de l'article 2, en ce qu'elles portent sur la transmission des actes de procédure au premier président de la cour d'appel, qui entrent en vigueur le 1er septembre 2020.

16. La déclaration de saisine ayant été effectuée le 6 avril 2020, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les textes relatifs à la communication électronique issus de l'arrêté du 20 mai 2020 ne s'appliquent pas à cette procédure.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

17. La société fait le même grief à l'ordonnance, alors « que le droit d'accès à un tribunal, composante du droit à un procès équitable, ne peut être limité par des règles procédurales que dans la mesure où elles ne privent pas ce droit d'effectivité ; qu'en privant la société Blanchisserie Roncaglia de la faculté de saisir le premier président par le moyen de communication électronique sécurisé dont disposait son avocat, le premier président a porté une atteinte disproportionnée à son droit d'accès au juge et ainsi violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

18. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH, arrêt du 5 avril 2018, Zubac c. Croatie, n° 40160/12).

19. L'article 748-6 du code de procédure civile subordonne la faculté, offerte aux parties par l'article 748-1 du même code, de remettre par la voie électronique la déclaration de recours prévue par l'article 176 susmentionné, à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et la date certaine des transmissions (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.431, Bull. 2016, II, n° 247).

20. La règle était prévisible.

En effet, le recours formé en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours devant le premier président n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, applicable en l'espèce, et relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1 (2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.047, Bull. 2018, II, n° 165).

21. La circonstance qu'un arrêté soit intervenu le 20 mai 2020, abrogeant l'arrêté précité du 5 mai 2010 et qui est applicable, selon les dispositions transitoires, au 1er septembre 2020 pour la transmission des actes de procédure au premier président, ne saurait avoir pour effet de valider rétroactivement la transmission de la déclaration de recours faite en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, fût-elle effectuée par un avocat au moyen du réseau privé virtuel avocat, mais en dehors de toute prévision d'un arrêté du garde des Sceaux.

22. Cette sanction n'est pas disproportionnée et ne constitue pas un excès de formalisme portant atteinte à l'équité du procès, dès lors que, répondant aux objectifs de sécurisation de l'usage de la communication électronique, par des textes qui en réglementent les conditions, éclairés par un arrêt publié dans une procédure analogue, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe la déclaration de recours dans les conditions prévues par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, lesquelles ne comportent aucun obstacle pratique.

23. C'est donc à bon droit qu'un premier président, qui n'était pas saisi de la déclaration de saisine, rejette l'argumentation prise de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en relevant que la saisine par lettre recommandée avec accusé de réception ne représente aucune difficulté technique particulière, surtout pour une partie représentée par un avocat.

24. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Laurent Goldman ; SCP Marlange et de La Burgade -

1re Civ., 30 novembre 2022, n° 21-16.366, (B), FRH

Cassation

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Défaut de notification aux parties de la possibilité de consulter le dossier d'assistance éducative au greffe

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2021), [C], née le [Date naissance 3] 2006 en Algérie, a été confiée le 17 janvier 2018, selon la procédure de kafala, à Mme [E].

2. Un jugement du 24 février 2020 a ordonné son placement auprès de M. et Mme [R] en qualité de tiers digne de confiance, ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert et réservé les droits de visite et d'hébergement de Mme [E].

3. Un jugement du 28 août 2020 a ordonné la mainlevée des deux premières mesures, confié [C] à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, accordé à Mme [R] et Mme [E] un droit de correspondance et réservé les droits de visite et d'hébergement de celle-ci.

4. Un jugement du 10 septembre 2020 a, notamment, maintenu le placement jusqu'au 30 septembre 2021.

Examen des moyens

Sur le premier et le troisième moyens, ci après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de maintenir le placement de [C] à l'ASE du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile et les articles 1182, 1187 et 1193 du même code :

7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement. Cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge.

8. Il résulte de la combinaison des derniers qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parties jusqu'à la veille de l'audience.

Les convocations les informent de cette possibilité de consulter le dossier.

9. Il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe.

10. En procédant ainsi, alors qu'il n'est pas établi que Mme [E] ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, les mesures critiquées ayant épuisé leurs effets.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 28 mars 2018, pourvoi n° 16-28.010, Bull. 2018, I, n° 60 (cassation sans renvoi).

Com., 23 novembre 2022, n° 20-18.593, (B), FRH

Rejet

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Régularisation – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 octobre 2019), M. [U] a fait l'acquisition auprès de la société Tradimpex d'un navire dont le transport entre [Localité 5] (Emirats Arabes Unis) et [Localité 4] (France) a été confié à la société Ami International, suivant un connaissement du 20 mai 2012. A l'arrivée du navire, le 24 juin 2012, la société Ziegler France (la société Ziegler), mandatée par M. [U], l'a reçu sans réserve et l'a acheminé jusqu'à l'entrepôt de la société Transafos, à [Localité 6], laquelle l'a également reçu sans réserve, le 11 juillet 2012, et l'a entreposé sur son parking extérieur clôturé.

Le 30 octobre 2012, M. [U] s'est présenté dans les locaux de la société Transafos et a établi avec cette dernière la constatation écrite de divers dégâts et manquants.

2. Le 28 octobre 2013, la société Ziegler a assigné la société Transafos afin de voir juger qu'elle était responsable des dommages causés au navire, qu'elle serait tenue de la relever et garantir de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle et de lui payer une certaine somme au titre des réparations.

Les 10 et 13 mars 2015, M. [U] a assigné respectivement la société Transafos et la société Ziegler en indemnisation de son préjudice.

Les deux instances ont été jointes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Ziegler fait grief à l'arrêt rectifié de rejeter sa demande en condamnation de la société Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [U], alors :

« 1°/ que le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ;

2°/ que le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être « relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle », la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu'il est garant de ses substitués, ne justifie d'un intérêt à exercer à l'encontre de ces derniers une action principale en garantie que s'il a désintéressé le créancier d'indemnité ou s'est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d'attendre le résultat de la procédure engagée par le commissionnaire contre ses substitués ou leurs assureurs.

La régularisation, jusqu'à ce que le juge statue, de la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir d'une telle action en garantie, exercée à titre principal, ne peut résulter que de l'indemnisation du créancier ou de l'engagement d'indemniser pris par le commissionnaire de transport.

5. Après avoir relevé que le délai de prescription convenu entre les sociétés Transafos et Ziegler était d'un an à compter de l'exécution de la prestation litigieuse du contrat, soit le 30 octobre 2012, jour du constat contradictoire des dommages, établi par M. [U] et la société Transafos, l'arrêt relève que la société Ziegler a assigné cette dernière le 28 octobre 2013 en paiement d'une somme de 13 613 euros au titre des réparations sur le navire de M. [U] mais qu'elle n'a ni désintéressé ce dernier ni pris l'engagement de le faire.

6. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit à bon droit que l'action engagée par la société Ziegler n'était pas une action déclaratoire mais une action principale en garantie et que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir de cette action n'avait pas été régularisée, la cour d'appel a exactement retenu que l'assignation en garantie délivrée par la société Ziegler à la société Transafos n'avait pas interrompu le délai de prescription.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 31 et 126 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la régularisation du défaut d'intérêt à agir du commissionnaire de transport, à rapprocher : Com., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.195, Bull., (cassation partielle).

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