Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

PRESCRIPTION CIVILE

Com., 23 novembre 2022, n° 21-13.386, (B), FRH

Cassation

Interruption – Causes – Citation en justice – Déclaration des créances – Portée – Caution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 novembre 2020), la société [K] et Moutte (la société) a souscrit un contrat d'ouverture de crédit en compte courant auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la banque).

Le 2 mai 2007, M. [K] s'est rendu caution de la société en faveur de la banque.

2. Par un jugement du 13 mars 2009, la société a été mise en redressement judiciaire.

La banque a déclaré sa créance le 6 avril 2009, laquelle a été admise par une ordonnance du 5 février 2010. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 12 mars 2010.

Le plan a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013.

3. Le 23 décembre 2016, la banque a assigné M. [K] en exécution de son engagement de caution.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et donc irrecevable sa demande, alors « que la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L. 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les co-obligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L. 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L. 622-28 et suivants dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 et 2246 du code civil et l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 :

5. Il résulte des deux premiers textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu du troisième, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure.

6. Pour déclarer prescrite l'action de la banque à l'égard de M. [K], l'arrêt retient qu'après l'arrêté du plan de redressement, aux termes de l'article L. 631-20 du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique, ce qui lui ouvrait un délai de cinq ans pour agir et que, la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, quand le plan de redressement était antérieur de plus de cinq ans, la demande était prescrite.

7. En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, sans être critiquée, que la prescription applicable en l'espèce était la prescription quinquennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, et constaté que la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, que le plan de redressement de la société, arrêté le 12 mars 2010, avait été résolu et que la société avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013, elle ne pouvait déclarer prescrite l'action introduite par la banque le 23 décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés, le troisième par fausse application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles 2241 et 2246 du code civil ; article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet interruptif de prescription à l'égard de la caution, à rapprocher : Com., 10 février 2015, pourvoi n° 13-21.953, Bull. 2015, IV, n° 25 (rejet).

2e Civ., 24 novembre 2022, n° 21-17.327, (B), FRH

Cassation partielle

Prescription biennale – Assurance – Action dérivant du contrat d'assurance – Clause ne comportant pas le rappel des dispositions légales – Sanction – Inopposabilité à l'assuré

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mars 2021), un navire pris en crédit-bail par M. [X] a été endommagé par un réchaud à gaz enflammé jeté à la mer depuis son voilier par M. [W], assuré auprès de la société MAIF assurances (MAIF).

2. Aux termes d'une quittance du 13 octobre 2011, l'assureur de M. [X], la société Groupama transport, aux droits de laquelle vient la société Helvetia assurances, s'est engagée à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice matériel.

3. Par un jugement du 4 septembre 2013, un tribunal de grande instance a condamné M. [W] et la MAIF à payer à M. [X] diverses sommes. Ce jugement a été partiellement infirmé par un arrêt du 18 novembre 2016.

4. Le 16 décembre 2016, M. [X] a assigné son assureur, M. [W] et la MAIF devant un tribunal de commerce.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances :

7. Selon le premier de ces textes, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

8. L'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions du second de ces articles, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun.

9. Pour déclarer prescrite l'action engagée par M. [X] contre son assureur aux fins de paiement de l'indemnité d'assurance, l'arrêt, après avoir déclaré que cette action dérivait du contrat d'assurance et que la prescription biennale était inopposable à l'assuré, faute pour le contrat d'assurance de satisfaire aux obligations prévues par l'article R. 112-1 du code des assurances, énonce que le délai de prescription quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil, dont elle a fixé le point de départ au 13 octobre 2011, n'a pas été interrompu avant la délivrance de l'assignation le 16 décembre 2016.

10. En statuant ainsi, alors que la société Helvetia assurances ne pouvait prétendre à l'application de la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action engagée par M. [X] contre la société Helvetia assurances, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article R. 112-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

3e civ, 21 mars 2019, pourvoi n°17-28.021, Bull., (cassation partielle).

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