Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION

2e Civ., 24 novembre 2022, n° 20-19.288, (B), FS

Cassation sans renvoi

Bénéficiaires – Victime de nationalité française – Exclusion – Cas

Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Doit, dès lors, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir constaté que l'accident s'est produit en Belgique et a impliqué un véhicule assuré dans cet Etat, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime ressortissante française devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2020), Mme [U], alors qu'elle était passagère d'un véhicule, a été victime d'un accident de la circulation en Belgique, impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays.

2. Mme [U] a saisi, le 5 avril 2017, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) aux fins d'expertise et d'indemnisation provisionnelle.

3.Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), a soulevé l'irrecevabilité de ces demandes au motif que, s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique, l'application des règles issues de directives européennes mettant la réparation à la charge de l'assureur du véhicule et, à défaut, du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), était exclusive de l'application du régime d'indemnisation des victimes d'infraction.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête de Mme [U] alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGTI en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances - c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats - sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes - qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat - n'était pas de nature à faire échec à l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO).

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances sus visés, sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

8. Après avoir constaté que Mme [U] avait été victime, en Belgique, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule immatriculé dans cet Etat, l'arrêt énonce que les textes issus des directives européennes n'imposent pas à la victime de saisir le représentant de l'assureur du véhicule responsable, que l'article 706-9 du code de procédure pénale ne fait pas obligation à la victime d'une infraction de tenter d'obtenir l'indemnisation de son préjudice des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation, préalablement à la saisine de la CIVI, et que la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 n'est pas applicable à l'espèce, la Convention de La Haye du 4 mai 1971 posant le principe, repris à l'article L. 424-6 du code des assurances, de l'application de la loi de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu.

9. Il en déduit que l'accident subi par Mme [U] en Belgique ne relève pas des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et de l'exception prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale et qu'en conséquence, la saisine de la CIVI est recevable.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [U] est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [U].

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; article 706-3 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Soc., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.986, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, (rejet).

2e Civ., 24 novembre 2022, n° 20-22.100, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Bénéficiaires – Victime de nationalité française – Exclusion – Cas – Accident de la circulation survenu à l'étranger impliquant un véhicule assuré en Espagne

Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Cette solution définie par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992) ne constitue pas un revirement de jurisprudence en l'absence d'arrêt ayant précédemment tranché ce point de droit et n'était pas imprévisible puisque les juridictions du fond statuaient de façon divergente et qu'elle s'inscrivait dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique.

Son application immédiate ne saurait, dès lors, contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Doit, en conséquence, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir constaté que l'accident s'est produit dans un Etat de l'espace économique européen et a impliqué un véhicule assuré immatriculé dans cet Etat, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime ressortissante française devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 novembre 2018) et les productions, M. [S] [H] a été victime, le 25 juillet 2008, en Espagne, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays.

2. M. [S] [H], son épouse, Mme [U] [H] et ses enfants, Mme [M] [H] et M. [P] [H] (les consorts [H]), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

3. La CIVI a déclaré leur demande irrecevable au motif que l'article 706-3 du code de procédure pénale excluait l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans l'Union européenne.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de dire la requête des consorts [H] recevable alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne », dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne », de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO).

7. La Cour de cassation, prenant en considération l'introduction de ce dispositif en droit français, a jugé, par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié), que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la CIVI, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

8. Cette décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence, en l'absence d'arrêt de la Cour de cassation ayant précédemment tranché ce point de droit.

9. Par ailleurs, elle n'était pas imprévisible.

En effet, des divergences de jurisprudence existaient entre les cours d'appel, certaines d'entre elles ayant, avant cet arrêt, déclaré irrecevables pour les mêmes raisons des requêtes présentées sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale (notamment, les cours d'appel de Douai, Lyon et Riom : 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié, 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, et 2e Civ., 6 mai 2021, pourvoi n° 19-24.996). Elle s'inscrivait, en outre, dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la CIVI, dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique. Ont été ainsi exclus de la compétence de cette commission, les victimes d'accidents du travail (2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-00.815, Bull. 2003, II, n° 138), les victimes d'accidents de service (2e Civ., 30 juin 2005, pourvoi n° 03-19.207, Bull. 2005, II, n° 177), ainsi que les militaires tués ou blessés en service (2e Civ., 28 mars 2013, pourvoi n° 11-18.025, Bull. 2013, II, n° 65).

10. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu en défense, l'application immédiate de la règle issue de l'arrêt du 24 septembre 2020 ne saurait contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Pour dire recevable la requête en indemnisation formée par les consorts [H], l'arrêt énonce que M. [S] [H] a été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne qui ne relève pas des dispositions de la loi française du 5 juillet 1985 mais de la loi espagnole en application des dispositions de l'article 3 de la Convention de la Haye du 4 mai 1971.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident était survenu dans un Etat partie à l'espace économique européen, de sorte que les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances étaient applicables, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ;

15. Il résulte des paragraphes 5 à 12 que la requête des consorts [H] est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il confirme la jonction des instances, l'arrêt rendu le 23 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable la requête présentée par M. [S] [H], Mme [U] [H], Mme [M] [H] et M. [P] [H].

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; article 706-3 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, (rejet) ; Soc., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.986, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.288, Bull., (cassation sans renvoi).

2e Civ., 24 novembre 2022, n° 20-23.462, (B), FS

Cassation sans renvoi

Bénéficiaires – Victime de nationalité française – Exclusion – Cas – Accident de la circulation survenu à l'étranger impliquant un véhicule immatriculé et assuré au Royaume Uni

Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) s'apprécie à la date de celle-ci.

Doit, dès lors, être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui, après avoir constaté qu'un accident s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, déclare recevable la requête en indemnisation présentée par la victime, ressortissante française, devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.

Domaine d'application – Détermination – Date de la requête – Cas – Accident de la circulation survenu à l'étranger

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019), le 26 août 2014, Mme [O] a été victime d'un accident de la circulation au Royaume-Uni, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [E], immatriculé et assuré dans ce dernier Etat.

2. Le 14 septembre 2017, Mme [O] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une requête aux fins d'interruption des délais de prescription et de reconnaissance de son droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans l'attente des discussions avec son assureur, auprès duquel elle avait conclu un contrat comportant une garantie conducteur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de dire que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale a vocation à s'appliquer à Mme [O] et de prononcer un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur », alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1, alinéa 1, du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1, alinéa 1, et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances susvisés sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.

8. Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la CIVI s'apprécie à la date de celle-ci.

9. Pour dire recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, l'arrêt énonce que le dispositif mis en place par la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 n'a pas d'incidence sur la détermination de la loi applicable, la situation de la victime étant à cet égard exclusivement régie par la Convention de la Haye. Il en déduit que, pour que l'action exercée sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale soit recevable, il suffit que les faits dont a été victime la requérante, d'une part, constituent l'élément matériel d'une infraction, d'autre part, aient entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à 1 mois, conditions établies et non discutées en l'espèce.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident de la circulation dont avait été victime Mme [O] s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, de sorte que cet accident relevait de la compétence du FGAO, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Ainsi que suggéré par le FGTI, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [O] est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [O].

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; article 706-3 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-22.100, Bull., (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.288, Bull., (cassation sans renvoi) ; Soc., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.986, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, (rejet).

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