Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS

1re Civ., 30 novembre 2022, n° 21-12.128, (B), FS

Rejet

Règles spécifiques au divorce – Prestation compensatoire – Attribution – Critères – Droit au respect des biens – Proportionnalité

Les dispositions de l'article 270 du code civil, en ce qu'elles prévoient la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire, poursuivent le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci.

Elles ménagent un juste équilibre entre ce but légitime et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante.

En conséquence, ces dispositions ne contreviennent pas au droit au respect des biens du débiteur de la prestation compensatoire, tel que garanti par l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 décembre 2020), un jugement du 29 mai 2019 a prononcé le divorce de Mme [C] et de M. [X].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de fixer à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge et de la condamner, en tant que de besoin, à payer cette somme à M. [X], alors « que toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, § 1, du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. L'article 270 du code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, ce texte poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci.

6. L'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties.

7. C'est ainsi que, selon l'article 270, alinéa 2, du code civil, l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux à la date de la rupture s'apprécie au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun des époux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible, et qu'elle n'ouvre droit au bénéfice d'une prestation compensatoire au profit de l'époux qui subit cette disparité que si celle-ci résulte de la rupture du mariage, à l'exclusion de toute autre cause.

8. Selon l'article 270, alinéa 3, du code civil, le juge peut toutefois refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, tels que l'âge des époux, leur situation au regard de l'emploi ou les choix professionnels opérés par eux, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.

9. Il en résulte que ces dispositions ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante.

10. C'est sans violer l'article 1er précité que la cour d'appel a condamné Mme [C] à payer à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil, un capital de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 270 du code civil ; article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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