Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

CHEQUE

Com., 9 novembre 2022, n° 20-20.031, (B), FS

Cassation partielle

Paiement – Chèque falsifié – Banque tirée – Responsabilité – Obligation de vérifier la régularité formelle du titre – Anomalie apparente

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), le 12 février 2015, la société Fidexi a émis un chèque à l'ordre de « LPB immobilier conseil », lequel a été débité de son compte ouvert dans les livres de la société HSBC France (la société HSBC) au profit de la société Batus, titulaire d'un compte au Crédit industriel et commercial (la société CIC), à la suite d'une falsification du nom du bénéficiaire.

2. Soutenant que la société HSBC avait manqué à son obligation de vigilance lors de l'encaissement de ce chèque, la société Fidexi l'a assignée en réparation. Cette dernière a appelé en garantie la société CIC.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société HSBC à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société HSBC à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. La société CIC fait grief à l'arrêt de condamner la société HSBC à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, alors « qu'en exécution de leur obligation générale de vigilance, une banque tirée et une banque présentatrice, chargées chacune de contrôler la régularité formelle d'un chèque, sont tenues de détecter les seules anomalies apparentes affectant le titre, aucune anomalie n'étant présumée apparente ; que pour accueillir partiellement l'action récursoire de la banque tirée (HSBC) à l'égard de la banque présentatrice (CIC), l'arrêt retient que l'anomalie consistant, comme en l'espèce, à faire disparaître le nom du bénéficiaire initial par grattage et à y substituer un autre nom doit être présumée au regard du constat selon lequel rares sont des falsifications parfaites ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du même code. »

5. La société HSBC fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la banque à laquelle un chèque est présenté n'est tenue de détecter que les seules anomalies apparentes ; que la cour d'appel, qui a regardé comme établie la falsification du chèque émis le 12 février 2015 par la société Fidexi, par grattage du nom du bénéficiaire initial et substitution d'un autre nom, n'a cependant pu constater aucune anomalie sur la copie du chèque produite aux débats ; qu'elle n'en a pas moins retenu la responsabilité de la banque tirée, par la considération qu'en présence d'une falsification de la nature de celle qui avait été commise, il y avait lieu de présumer l'existence d'une anomalie apparente sur l'original du chèque, qui avait été détruit ; qu'en faisant ainsi peser sur la banque tirée l'obligation de déceler la falsification d'un chèque dont il n'était pas positivement établi qu'il était affecté d'une anomalie apparente, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien, devenu 1231-1, du code civil, ensemble l'article 1937 du même code ;

2°/ que l'existence d'une anomalie apparente sur l'original d'un chèque falsifié ne saurait être présumée, lorsque seule une copie du chèque subsiste et que cette copie ne laisse apparaître aucune anomalie ; que la cour d'appel n'a pu constater aucune anomalie sur la copie du chèque qui avait seule été conservée et qui était produite aux débats ; qu'elle a toutefois retenu la responsabilité de la banque tirée, en présumant l'existence d'une anomalie apparente sur l'original détruit ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil ;

3°/ que, tenue de vérifier la régularité formelle du titre qui lui est présenté, la banque tirée n'engage sa responsabilité, en cas de paiement d'un chèque falsifié, qu'à la condition que le chèque ait été affecté d'une anomalie apparente ; que le défaut de production de l'original du chèque falsifié, lorsque la copie versée aux débats ne permet pas de constater l'existence d'une anomalie apparente, n'autorise pas le juge à présupposer que la banque tirée a manqué à son obligation de vigilance en payant le chèque ; que la cour d'appel, qui n'a pu constater aucune anomalie apparente sur la copie du chèque qui avait seule été conservée et qui était produite aux débats, a néanmoins retenu la responsabilité de la banque, en relevant que la copie produite était en noir et blanc, et de mauvaise qualité, et en affirmant qu'il appartient aux établissements bancaires d'assumer le risque lié au processus de l'image-chèque, créé dans leur seul intérêt ; qu'en statuant ainsi, par des considérations impropres à caractériser un manquement de la banque tirée à son obligation de vigilance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien, devenu 1231-1, du code civil, ensemble l'article 1937 du même code. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil que s'il incombe à l'émetteur d'un chèque d'établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente, à moins que le chèque n'ait été restitué au tireur.

7. L'arrêt relève qu'un nom a été substitué par grattage à celui du bénéficiaire initial sur le chèque litigieux, que l'original de ce chèque a été détruit par la banque tirée et que la photocopie du chèque produite est en noir et blanc et de mauvaise qualité, et retient que cette photocopie ne permet pas de constater l'absence d'anomalie matérielle.

8. Il en résulte que la société HSBC ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le chèque n'était pas affecté d'une anomalie apparente et, par suite, qu'elle a satisfait à son obligation de vigilance.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société CIC à garantir partiellement la société HSBC du montant de la condamnation prononcée à son encontre

Enoncé du moyen

10. La société CIC fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société HSBC du montant de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 9 878,40 euros, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que pour accueillir partiellement l'appel en garantie formé par la banque tirée à l'égard de la banque présentatrice, l'arrêt retient que cette dernière n'apporte aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle a pu ouvrir un compte au client à l'origine des malversations ; qu'en statuant ainsi quand ni la victime du détournement du chèque ni la banque HSBC n'avait invoqué une quelconque négligence du CIC lors de l'ouverture du compte bancaire de sa cliente et sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

12. Pour accueillir l'appel en garantie de la société CIC formé par la société HSBC, l'arrêt retient que la société CIC n'apporte aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle avait pu ouvrir un compte à son client à l'origine de malversations.

13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Crédit industriel et commercial à garantir la société HSBC France du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière au profit de la société Fidexi à hauteur de 9 878,40 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société HSBC France et la société Crédit industriel et commercial, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Gillis - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Marlange et de La Burgade ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 9 du code de procédure civile ; article 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de vigilance de la banque tirée, à rapprocher : Com., 7 juillet 2009, pourvoi n° 08-18.251, Bull. 2009, IV, n° 93 (cassation).

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