Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

BAIL D'HABITATION

3e Civ., 9 novembre 2022, n° 21-19.212, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 – Loyer – Révision – Surface erronée – Action en diminution du loyer – Délai pour agir – Qualification – Délai de forclusion – Point de départ – Détermination

Le délai de quatre mois prévu par l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2021), le 27 avril 2017, la société civile immobilière L'Oeillet (la bailleresse) a donné à bail à M. [E] et Mme [Y] (les locataires) une maison à usage d'habitation.

2. Se prévalant d'un écart entre la surface mentionnée au bail et celle mesurée par eux, les locataires, après vaine demande à la bailleresse, l'ont assignée, ainsi que Mme [M], « sa représentante », en diminution de loyer et en paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Les locataires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardive leur demande en diminution de loyer, alors « que lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté ; qu'à défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer ; qu'en retenant, pour en déduire que M. [E] et Mme [Y] se prévalaient vainement d'une cause d'interruption du délai de leur action en diminution du loyer, que le délai prévu par ce texte était un délai préfix de forclusion quand ce délai est un délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 2219 nouveau du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le délai de quatre mois prévu par l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur.

6. Dès lors, après avoir constaté que les preneurs avaient demandé à la bailleresse de réduire le loyer le 18 août 2017 et que l'assignation avait été délivrée le 5 février 2018, soit plus de quatre mois plus tard, elle en a exactement déduit que cette demande était irrecevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La bailleresse et Mme [M] font grief à l'arrêt de dire que les locataires sont redevables d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers et de les condamner solidairement à leur verser, après compensation, la somme globale de 416 euros, outre celle de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, alors « que la SCI L'Oeillet et Mme [M] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les consorts [E] [Y] ne s'étaient pas acquittés du règlement des loyers des mois d'octobre et novembre 2017, soit de la somme de 2 600 euros, de sorte que le juge a procédé à un calcul erroné en retenant au titre des impayés de loyers dus par les locataires la somme de 2 184 euros ; qu'en retenant pourtant que « le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et que ces sommes ne sont pas contestées par les parties » de sorte qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait précisément des conclusions du bailleur que ces sommes étaient contestées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

10. Pour limiter à la somme de 2 184 euros l'arriéré locatif correspondant aux échéances d'octobre et de novembre 2017, l'arrêt retient que ce montant n'était pas contesté par les parties devant le premier juge.

11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la bailleresse, contestant l'application d'un loyer diminué à proportion de l'écart entre la surface indiquée au bail et celle mesurée par les preneurs, réclamait la condamnation des locataires au paiement de la somme de 2 600 euros correspondant à deux échéances du loyer contractuellement fixé, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la bailleresse à payer aux locataires, après compensation, la somme de 416 euros, entraîne par voie de conséquence celle du dispositif de l'arrêt la condamnant à leur payer la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Dès lors que la demande en diminution de loyer est irrecevable, que les preneurs ne contestent pas devoir les échéances d'octobre et de novembre 2017, et que le loyer mensuel contractuellement fixé s'élevait à 1 300 euros, les preneurs sont redevables envers la bailleresse d'une somme de 2 600 euros au titre des arriérés de loyers.

16. Par ailleurs, la cour d'appel confirme le jugement en ce qu'il condamne la bailleresse à payer aux locataires une somme du même montant.

17. Après compensation entre les créances respectives des parties, il y a donc lieu de rejeter les demandes en paiement.

18. En conséquence, la demande en paiement d'une majoration de 10 %, fondée sur les dispositions de l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989, doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers, condamne solidairement la société civile immobilière L'Oeillet et Mme [M] à verser à M. [E] et à Mme [Y], après compensation, la somme globale de 416 euros, ainsi que celle de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, l'arrêt rendu le 27 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

FIXE à 2 600 euros l'arriéré de loyers ;

Après compensation entre les créances respectives des parties, rejette les demandes en paiement.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Gallet - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

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