Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

AUTORITE PARENTALE

1re Civ., 30 novembre 2022, n° 20-22.903, (B), FRH

Rejet

Déclaration judiciaire de délaissement parental – Caractérisation – Applications diverses

Caractérise une situation de délaissement au sens de l'article 381-1 du code civil le fait pour une mère de ne pas s'être saisie, d'une part, du droit de visite médiatisé organisé dès la naissance en vue de la soutenir dans la création d'un lien avec son enfant, mettant en échec celui-ci par son inconstance dans l'exercice de ce droit et par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, d'autre part, du droit de correspondance médiatisé instauré au moment de la suspension du droit de visite, n'ayant plus posé aucun acte concret permettant d'attester des vélléités de reprendre une relation avec son enfant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2019), de l'union de M. [C] et de Mme [Z] est issu [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010.

2. Le 19 septembre 2018, le président du conseil départemental du Var a déposé une requête aux fins de déclaration judiciaire de délaissement parental de l'enfant à l'égard de ses deux parents.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer délaissé son fils, alors :

« 4°/ que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Mme [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Mme [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Mme [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Mme [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du code civil ;

5°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Mme [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 381-1 du code civil, un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit.

6. La cour d'appel a retenu que Mme [Z] ne s'était pas saisie du droit de visite médiatisée organisé dès la naissance de [N] en vue de la soutenir, compte tenu de sa fragilité psychique, dans la création d'un lien avec son enfant, et que ce dispositif avait été mis en échec par son inconstance dans l'exercice de ce droit, ainsi que par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, dont le mal-être avait été constaté, avant comme après les rencontres avec ses parents, par les intervenants éducatifs et médicaux sociaux.

7. Elle a relevé que Mme [Z] ne s'était pas plus saisie du droit de correspondance médiatisé instauré en 2016 au moment de la suspension du droit de visite et n'avait, depuis, posé aucun acte concret permettant d'attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils.

8. Elle a estimé que les démarches destinées à restaurer le lien avec [N] et entreprises par le service gardien sous le contrôle du juge pendant plusieurs années avaient maintenu l'enfant dans un état d'insécurité affective et entravé son bon développement, ce qui justifiait de le libérer du lien avec ses parents biologiques, des progrès de celui-ci ayant été constatés depuis la fin des visites obligatoires.

9. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une situation de délaissement de l'enfant au sens de l'article 381-1 du code civil pendant l'année précédant l'introduction de la requête en se déterminant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Azar - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article 381-1 du code civil.

1re Civ., 16 novembre 2022, n° 21-11.528, (B), FRH

Rejet

Exercice – Exercice par les parents séparés – Droit de visite et d'hébergement – Modalités – Fixation par le juge – Critères – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 373-2-9, alinéa 3, du code civil que, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent, lequel peut prendre dans l'intérêt de l'enfant, la forme d'un droit de visite simple sans hébergement.

Dès lors, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui octroie un droit de visite simple à un parent sans constater l'existence d'un motif grave.

Exercice – Exercice par les parents séparés – Droit de visite et d'hébergement – Modalités – Fixation par le juge – Droit de visite simple – Motif grave – Nécessité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), des relations de M. [P] [L] et Mme [X] est issue [R], née le 3 novembre 2005.

2. A la suite de leur séparation, un juge aux affaires familiales a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère et accordé au père un droit de visite.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, cinquième, sixième et septième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches

Enoncé du moyen

4. M. [P] [L] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement, alors :

« 2°/ que le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que les juges du fond doivent constater l'existence de tels motifs pour justifier une restriction du droit de visite et d'hébergement ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'un droit d'hébergement, le juge aux affaires familiales se fonde sur des extraits de SMS datés de 2018 et 2019 pour en déduire que M. [P] [L] « ne préserve pas toujours sa fille du conflit parental » ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants au sens de l'article 373-2-1 code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition.

3°/ que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ; que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'en rejetant la demande de visite et d'hébergement du père en se fondant sur une audition de l'enfant datée de plus de deux ans, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 373-1-1, alinéa 2, du code civil ;

4°/ que l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant est une condition déterminante du maintien du lien parental, qui ne saurait se réduire à un simple droit de visite ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande motivée de M. [P] [L], tendant à obtenir un droit d'hébergement de sa fille, le juge aux affaires familiales a considéré « qu'il y avait lieu d'accorder au père un simple droit de visite [...] limité à deux heures, le samedi des semaines impaires » (jugement entrepris, p. 5, § 8) en se fondant sur des circonstances inopérantes et marginales, impropres à caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a encore violé l'article 373-2-1 du code civil, ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, et l'article 373-2-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 373-9, alinéa 3, du code civil que, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent, lequel peut prendre dans l'intérêt de l'enfant, la forme d'un droit de visite simple sans hébergement.

6.La cour d'appel a retenu, tant par motifs propres qu'adoptés, que M. [P] [L] ne rapportait pas la preuve d'avoir été empêché d'exercer son droit de visite et d'hébergement et ne prétendait d'ailleurs pas même avoir tenté de le faire, que l'adolescente avait expliqué ne plus vouloir rencontrer son père dans la mesure où des visites récentes, exercées après plusieurs années sans rencontre, se seraient mal passées et que les modalités d'un droit de visite simple étaient adaptées à une reprise de contact en l'état d'une longue interruption des séjours de [R] auprès de son père.

7. Sans être tenue de constater des motifs graves dès lors qu'elle ne refusait pas au père de l'enfant tout droit de visite, elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Azar - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

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