Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2022

AGENT COMMERCIAL

Com., 16 novembre 2022, n° 21-17.423, (B), FS

Cassation partielle

Contrat – Fin – Indemnité au mandataire – Faute grave – Faute commise antérieurement à la rupture mais découverte postérieurement – Indemnité due au mandataire

La jurisprudence de la chambre commerciale, selon laquelle les manquements graves commis par l'agent commercial pendant l'exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sont de nature à priver l'agent commercial de son droit à indemnité, doit être modifiée au regard de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a faite des articles 17, §§ 3 et 18, de la directive 86/653/CEE relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants du 18 décembre 1986 transposant les articles L. 134-12, alinéa 1, et L. 134-13 du code de commerce, dans les arrêts des 28 octobre 2010 (Volvo Car Germany GmbH, aff. C-203/09) et 19 avril 2018 (CMR c/ Demeures terre et tradition SARL, C-645/16).

Ainsi, il convient de retenir désormais que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2021) et les productions, la société Acopal exerçait, depuis 2008, l'activité d'agent commercial pour le compte de la société Terdis devenue ultérieurement Paniers Terdis.

Le 3 mai 2013, les sociétés Acopal et Terdis, ont conclu un contrat dénommé « contrat de prestation merchandising », par lequel la société Terdis a confié à la société Acopal l'optimisation de la mise en place de ses produits dans les rayons, et, le 7 mai suivant, un contrat d'agence commerciale.

Le 11 octobre 2013, un contrat d'agence commerciale et un contrat de « merchandising » ont été conclus entre la société Paniers Terdis et la société Acopal.

2. La société Paniers Terdis a, par lettre reçue le 4 mars 2016 par la société Acopal, résilié le contrat d'agence commerciale les liant.

3. La société Acopal a assigné la société Paniers Terdis en paiement des indemnités de rupture et de préavis et en communication de pièces.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnités de rupture et de préavis, alors :

« 1°/ que l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture et l'absence de préavis ; qu'il suffit à cet égard que le mandant ait connu cette situation avant la conclusion du contrat d'agence commerciale et qu'il l'ait tolérée durant l'exécution de celui-ci ; qu'au cas d'espèce, en considérant au contraire qu'il fallait que la société Terdis ait eu connaissance de l'activité déployée par la société Acopal pour la société concurrente Georgelin depuis le 11 octobre 2013, date d'entrée en vigueur du contrat d'agence se substituant au contrat précédent, et non antérieurement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

2°/ que l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges et comme l'y invitait la société Acopal, si, peu important que les rapports commerciaux entre la société Terdis et la société Georgelin aient cessé le 22 octobre 2009, les relations d'agence commerciale entre la société Acopal et la société Terdis n'avaient pas commencé dès l'année 2008 (le contrat écrit de 2013 n'ayant fait que formaliser ces relations) et si le mandant n'avait pas connaissance dès cette époque du fait que la société Acopal travaillait aussi avec la société concurrente Georgelin, de sorte qu'il avait toléré cette situation, ce qui interdisait d'y voir une faute grave commise par l'agent, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt relève d'abord, d'un côté, que le contrat d'agence commerciale, signé le 11 octobre 2013, stipule que l'agent « ne peut accepter la représentation de produits susceptibles de concurrencer ceux faisant l'objet du présent contrat », de l'autre, que la société Acopal reconnaît avoir exercé, postérieurement, une activité d'agent commercial également pour la société Georgelin, entreprise concurrente de la société Paniers Terdis. Il retient ensuite que la société Acopal ne rapporte pas la preuve que, depuis la date de signature du contrat la liant à la société Paniers Terdis, cette dernière était informée de cette activité concurrente et l'avait tolérée, et que la tolérance du mandant ne peut être déduite de l'existence dans le passé de relations d'affaires entre la société Terdis et la société concurrente.

6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'insertion dans le contrat de la clause interdisant toute représentation d'une entreprise concurrente remettait en cause la tolérance que la société Terdis avait pu antérieurement consentir à la société Acopal pour entretenir des relations d'agent commercial au profit de la société Georgelin, a pu déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'en poursuivant ses relations avec cette société concurrente, la société Acopal avait commis une faute grave.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité compensatrice de rupture, alors « que les dispositions de droit interne transposant une directive de l'Union européenne doivent être interprétées à la lumière de celle-ci, notamment lorsqu'elle a elle-même été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ; que dans l'arrêt CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany Gmbh, C-203/09, la Cour de justice a dit pour droit que « l'article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s'oppose à ce qu'un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l'existence d'un manquement de l'agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause », après avoir exposé, dans les motifs de sa décision, que le législateur européen » entendait exiger l'existence d'une causalité directe entre le manquement imputable à l'agent commercial et la décision du commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l'agent commercial de l'indemnité prévue à l'article 17 de la directive » (§ 39), qu'« en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte (...) partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » (§ 42) et que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive (...) par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat » (§ 43) ; que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, qui sont issus de la transposition en droit interne de la directive susvisée, doivent donc être interprétés en ce sens que seule une faute grave commise avant la rupture du contrat et connue du mandant peut être considérée comme ayant provoqué la rupture, excluant le droit à indemnité de l'agent commercial ; qu'en l'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait toute causalité directe entre le manquement litigieux et la rupture du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, lus à la lumière des articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 134-12, alinéa 1, et L. 134-13 du code de commerce, transposant les articles 17, § 3, et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants :

9. Aux termes du premier de ces textes, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Selon le second, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due notamment lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

10. La chambre commerciale, financière et économique juge régulièrement que les manquements graves commis par l'agent commercial pendant l'exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sont de nature à priver l'agent commercial de son droit à indemnité (Com., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-14.115 ; Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.747 ; Com., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-11.727).

11. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany GmbH, C-203/09, points 38, 42 et 43), a rappelé, que, « aux termes de l'article 18, sous a), de la directive, l'indemnité qui y est visée n'est pas due lorsque le commettant a mis fin au contrat » pour « un manquement imputable à l'agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai », que « en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » et considéré que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive.

Par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat. »

12. La CJUE a aussi énoncé, dans un arrêt (CJUE, arrêt du 19 avril 2018, CMR c/ Demeures terre et tradition SARL, C-645/16, § 35), que « toute interprétation de l'article 17 de cette directive qui pourrait s'avérer être au détriment de l'agent commercial était exclue. »

13. En considération de l'interprétation qui doit être donnée aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.

14. Pour rejeter la demande d'indemnité de rupture formée par la société Acopal, l'arrêt retient qu'il importe peu que, découvert postérieurement à la rupture, un manquement à l'obligation de loyauté ne soit pas mentionné dans la lettre de résiliation si ce manquement, susceptible de constituer une faute grave, a été commis antérieurement à cette rupture.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de communication de pièces et celle au titre du droit de suite, alors « que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ; qu'au cas d'espèce, en repoussant la demande de communication de pièces et la demande de paiement formées par la société Acopal au titre du droit de suite, motif pris de ce qu'elle ne justifiait pas de son activité auprès des clients concernés pour la période antérieure au 30 juin 2016, quand il incombait à la société Paniers Terdis de fournir au préalable les documents comptables nécessaires à la vérification des commissions dues, la cour d'appel a violé les articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 134-6, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce :

17. Aux termes du deuxième de ces textes, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à sa commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues au premier de ces textes, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Selon le troisième, l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier, un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

18. Pour rejeter la demande de communication de documents comptables, l'arrêt retient que la société Acopal n'apporte aucun élément de nature à justifier une activité particulière de sa part dans les départements visés et auprès des clients concernés avant la date de cessation du contrat ayant généré des opérations conclues principalement grâce à son activité, dans un délai raisonnable après cette date.

19. En statuant ainsi, alors que la société Acopal était en droit d'exiger de son mandant la communication de tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Acopal en paiement de l'indemnité compensatrice de rupture, de communication de pièces et au titre du droit de suite, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Comte - Avocat général : M. Douvreleur - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 134-12 et 134-13 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : Com., 15 mai 2007, pourvoi n° 06-12.282, Bull. 2007, IV, n° 128 (rejet).

Com., 16 novembre 2022, n° 21-10.126, (B), FS

Rejet

Contrat – Fin – Indemnité au mandataire – Paiement – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat.

Contrat – Fin – Indemnité au mandataire – Montant – Déduction de commissions – Exclusion – Cas

L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ayant pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, il n'y a pas lieu d'en déduire les commissions perçues par l'agent, postérieurement à la cessation du contrat, au titre de la prospection de tout ou partie de cette même clientèle pour un autre mandant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2020), après avoir mis fin au contrat d'agent commercial qui le liait à la société SBA vins en imputant la rupture aux manquements de la mandante à ses obligations, M. [E] l'a assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors :

« 1°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en jugeant que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente à celles représentées par la société SBA vins n'était pas constitutive d'une faute, sans constater que M. [E] avait, au préalable, obtenu l'accord de la société SBA vins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

2°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en relevant, pour juger que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente n'était pas constitutive d'une faute, qu'il n'y avait eu aucune volonté de dissimulation, que M. [E] n'était pas lié par une clause d'exclusivité ou de non-concurrence et que le nombre de maisons de champagne est important, cependant que ces circonstances étaient impropres à exclure la commission par l'agent commercial d'une faute grave découlant de l'absence d'accord préalable de son mandant, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

3°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, commet une faute grave en nouant des relations directes avec les clients de son mandant, en le lui dissimulant ; qu'en jugeant que la société SBA vins ne caractérisait pas la faute de M. [E] pour avoir passé des commandes directement avec ses clients tout en relevant que la société SBA vins produisait trois commandes du 10 juin au 1er juillet 2014 qui avaient été directement transmises aux mandants de la société SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat.

5. L'arrêt retient que la société SBA vins, en ne transmettant pas à M. [E] les éléments nécessaires au calcul de ses commissions, ce qui a engendré des retards dans le paiement de celles-ci, et en vendant de manière renouvelée du vin sur le site vente-privée.com, ce qui était de nature à faire naître un grand mécontentement chez les producteurs de vins et à mettre fin à certaines commandes, a manqué à ses obligations et a amené M. [E] à résilier, de manière justifiée, son contrat d'agent commercial.

6. Par ces seuls motifs, vainement critiqués par les quatrième et cinquième branches, abstraction faite de ceux critiqués par les première, deuxième et troisième branches, surabondants dès lors qu'ayant été retenu que la cessation du contrat, intervenue à l'initiative de M. [E], était justifiée par des circonstances imputables à la société SBA vins, l'éventuelle commission d'une faute grave par l'agent commercial était sans incidence sur son droit à la réparation prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce, la cour d'appel a justifié sa décision de ce chef.

7. Le moyen est donc inopérant.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture, alors « que la réparation doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime ; que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial résultant de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'en fixant l'indemnité due à M. [E] à deux ans de commissions, soit la somme de 168 000 euros, tout en relevant que pendant les deux années suivant la rupture l'agent avait conservé 89 517,56 euros de recettes de commissions en lien avec les clients résultant de son activité auprès de SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-12 du code de commerce et le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

9. L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ayant pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, il n'y a pas lieu d'en déduire les commissions perçues par l'agent, postérieurement à la cessation du contrat, au titre de la prospection de tout ou partie de cette même clientèle pour un autre mandant.

10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : Me Haas ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 134-13 du code de commerce ; article L. 134-12 du code de commerce.

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