Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 17 novembre 2021, n° 19-16.756, (B)

Rejet

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Nullité – Principe de sécurité juridique – Violation – Exclusion – Cas – Applications diverses

Les arrêts rendus par la Cour de cassation le 14 mai 2014 (Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 (cassation partielle) et Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.637) ne constituant pas un revirement par rapport à l'arrêt rendu par la même juridiction le 12 janvier 2011 (Soc., 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.679), ne porte pas atteinte à une situation juridiquement acquise et ne viole ni l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui déclare nulle la clause du contrat de travail relative au forfait en jours, conclue sur le fondement de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, dont elle a retenu que les stipulations n'étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés concernés.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2019), Mme [D] a été engagée le 5 septembre 2012 en qualité d'expert-comptable par la société BCRH & associés.

Le contrat de travail contenait une clause soumettant la salariée au régime du forfait en jours.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974.

2. Après avoir démissionné le 2 juillet 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de faire prononcer la nullité de la clause de forfait en jours et d'obtenir un rappel d'heures supplémentaires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nulle la clause de forfait en jours, de le condamner à payer à la salariée un rappel d'heures supplémentaires, une somme au titre de l'indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos non prise et de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la salariée à lui payer la différence entre le trop-perçu sur sa rémunération de base et la rémunération de ses heures supplémentaires, alors :

« 1°/ que les principes de proportionnalité et de sécurité juridique s'opposent à ce qu'un employeur subisse l'annulation d'une clause de forfait annuel en jours par application d'une règle jurisprudentielle qui n'était pas encore édictée au jour où elle a été souscrite ; qu'à la date de conclusion de la convention de forfait - 24 septembre 2012 -, la Cour de cassation considérait comme valable une telle clause consentie en vertu de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes (Soc., 12 janvier 2011, n° 09-69.679) ; que ce n'est que par deux arrêts rendus le 14 mai 2014 (Soc., n° 12-35.033, Bull. 2011, V, n° 121, et n° 13-10.637) que la chambre sociale de la Cour de cassation a déclaré nulles les clauses de forfait annuel en jours consenties sur la base de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et des commissaires aux comptes ; qu'en annulant néanmoins la convention de forfait litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1134 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'il incombe au salarié de démontrer que son employeur n'a pas organisé un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération, s'il entend se prévaloir de cette circonstance à l'appui de son action en nullité de la convention de forfait annuel en jours ; que pour déclarer nulle la convention de forfait souscrite par la salariée, la cour d'appel a reproché à l'employeur de ne pas démontrer que des entretiens spécifiques avaient été organisés de nature à permettre le contrôle et le suivi de l'application des dispositions conventionnelles ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé ce faisant l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que le juge qui procède à l'annulation d'une clause de forfait annuel en jours doit évaluer le montant de la créance relative aux heures supplémentaires accomplies par le salarié, sans pouvoir s'en tenir à la rémunération initialement fixée qui, par hypothèse, constituait la contrepartie du forfait annulé ; qu'en condamnant la société BCRH & associés à payer à la salariée une somme de 21 137,68 euros au titre des heures supplémentaires 2012-2014 sans s'expliquer ni sur le taux horaire qu'elle a retenu pour fixer la créance de la salariée au titre des heures supplémentaires, ni en quoi le montant réclamé par la salariée représentait la valeur exacte de la créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail en leur rédaction applicable au cas présent. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, par son arrêt du 12 janvier 2011 (Soc., 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.679), la Cour de cassation a statué non pas sur les garanties présentées par cette convention collective pour les salariés ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours mais sur la possibilité de soumettre la salariée partie au litige au régime du forfait en jours, au regard de l'autonomie dont elle disposait.

5. Par les arrêts du 14 mai 2014 (Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 et Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.637), la Cour de cassation s'est prononcée pour la première fois sur les dispositions relatives au forfait en jours de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974. Elle a censuré un arrêt ayant fait application d'une convention individuelle de forfait en jours pour débouter un salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, en affirmant que les stipulations conventionnelles n'étaient pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés concernés et que la cour d'appel aurait dû en déduire que la convention de forfait était nulle.

6. Les arrêts précités du 14 mai 2014 ne constituent donc pas un revirement de jurisprudence. Ils s'inscrivent dans le cadre d'une jurisprudence établie affirmant que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-71.107, Bull. 2011, V, n° 181).

7. Ensuite, l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, tel qu'interprété par la Cour de cassation à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, met en oeuvre, d'une part, les dispositions de cette directive qui ne permettent de déroger aux règles relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, d'autre part, l'exigence constitutionnelle du droit à la santé et au repos qui découle du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

8. En retenant que les dispositions relatives au forfait en jours de la convention collective applicable n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié concerné restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, la cour d'appel a fait ressortir que la clause de forfait en jours avait été conclue sur le fondement d'un accord collectif ne satisfaisant pas aux exigences légales.

9. Il en résulte qu'en disant nulle la clause du contrat de travail relative au forfait en jours, la cour d'appel n'a pas porté atteinte à une situation juridiquement acquise et n'a violé ni l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

10. Enfin, la cour d'appel a retenu à bon droit que, la clause de forfait en jours étant nulle, la salariée pouvait prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration portant sur le salaire de base réel de la salariée, et que l'employeur n'était pas fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel.

11. Elle, a, après analyse des pièces produites par chacune des parties, évalué souverainement l'importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s'y rapportant.

12. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche comme critiquant un motif surabondant, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 ; articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité d'une convention de forfait en jours, à rapprocher : Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 17 novembre 2021, n° 19-25.149, n° 20-16.223, (B)

Cassation partielle

Durée hebdomadaire – Modulation – Accord de modulation – Application – Conditions – Détermination – Portée

L'accord de modulation qui relève de l'organisation collective du travail est, sauf disposition contractuelle contraire, applicable au salarié engagé postérieurement à sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise.

Durée hebdomadaire – Modulation – Accord de modulation – Application – Accord du salarié – Défaut – Conditions – Engagement du salarié postérieur à la mise en oeuvre de l'accord – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-25.149 et 20-16.223 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 septembre 2019), M. [B] a été engagé par contrat du 19 octobre 2007 à la vacation en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société Mondial protection, aux droits de laquelle est venue la société Holding mondial protection et désormais la société Mondial protection France en suite d'une opération d'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions.

3. Par avenant du 7 mai 2008, le salarié est passé à temps complet.

4. Le 4 juin 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail ainsi que d'une demande de résiliation judiciaire.

5. Il a démissionné le 17 juillet 2013.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des pourvois, pris en leur première branche

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Holding mondial protection et Mondial protection France (les sociétés) font grief à l'arrêt de condamner la société Holding mondial protection à verser des dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause et de repos, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, une somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 et à supporter les dépens, alors « que les salariés engagés après l'instauration, par accord collectif, d'une modulation du temps de travail sont soumis à celle-ci dès lors que leur contrat de travail n'y déroge pas, peu important l'absence de mention de l'accord collectif dans le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le contrat de travail du 19 octobre 2007 prévoyait au titre de la rémunération et de la durée du travail une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures ; qu'en jugeant cependant que la modulation mise en place par l'accord collectif du 30 mars 2001 ne s'appliquait pas au salarié au prétexte que le contrat de travail ne faisait pas référence à cet accord, la cour d'appel a violé l'article L. 212-8 du code du travail devenu article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 212-8 devenu l'article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'accord Mondial protection sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 30 mars 2001 :

7. Selon le premier de ces textes, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1607 heures.

8. Il résulte du deuxième de ces textes que les accords conclus en application de l'article L. 3122-9 du code du travail restent en vigueur.

9. Pour condamner l'employeur à verser des dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause et de repos, un rappel de salaire outre congés payés afférents au titre des heures supplémentaires ainsi qu'une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos, l'arrêt retient que le contrat de travail du 19 octobre 2007 ne faisait pas référence à l'accord d'entreprise du 30 mars 2001, mais prévoyait, au titre de la rémunération et de la durée du travail, une modulation du temps de travail dans le respect de la durée moyenne annuelle de 35 heures de travail effectif, ce nombre d'heures étant réparti en fonction des plannings et vacations du site. Il ajoute que l'avenant de passage à temps complet, de même que l'avenant relatif à la qualification, renvoient sur ce chapitre aux clauses du contrat initial.

10. L'arrêt relève que l'employeur verse aux débats un avenant au contrat de travail du 15 décembre 2011 aux termes duquel il était prévu : « pour tout ce qui concerne la durée du travail il sera fait application des dispositions prévues à l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 30 mars 2001 pour le personnel direct. Cet accord a été renégocié avec les organisations syndicales le 4 novembre 2011 avec une prise d'effet au 1er janvier 2012.

L'aménagement du temps de travail découlant de l'application de cet accord d'entreprise, le salarié ne saurait se prévaloir d'une organisation autre que celle ainsi définie, ce qu'il accepte expressément. Ainsi toute modification dudit accord ne pourra être considérée comme une modification du contrat de travail » et constate que cet avenant n'a pas été signé par le salarié.

11. L'arrêt précise que l'article L. 3122-6 du code du travail instauré par l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, n'est pas applicable à la cause, la décision de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail ayant été prise avant publication de cette loi.

12. L'arrêt déduit de l'ensemble de ces éléments que dès lors, l'employeur en l'absence de signature de l'avenant de modification du contrat de travail, ne pouvait opposer au salarié les dispositions de l'accord d'établissement du 4 juillet 2011 dont il ne démontre pas qu'elles lui étaient plus favorables que les dispositions contractuelles qu'il entendait modifier, que de plus, les mentions relatives à l'organisation du temps de travail figurant au contrat du 19 octobre 2007 sont trop imprécises pour permettre de considérer qu'elles renvoient à l'accord d'entreprise de 2001, en sorte que les demandes présentées par le salarié doivent être examinées au regard des dispositions de la convention collective et du code du travail.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la modulation avait été mise en oeuvre par l'employeur avant l'engagement du salarié et que le contrat de travail ne comportait pas de dérogation à cette organisation collective du travail applicable dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur les deuxièmes et troisièmes moyens des pourvois, pris en leur première branche, réunis

Enoncé du moyen

14. Par leur deuxième moyen, les sociétés font grief à l'arrêt de condamner la société Holding mondial protection à verser des dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt du chef du travail dissimulé, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

15. Par leur troisième moyen, les sociétés font grief à l'arrêt de requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société Holding mondial protection à verser des sommes en conséquence et de la débouter de sa demande de préavis, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a, sur la base essentiellement du non-paiement des heures supplémentaires, requalifié la démission de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société Holding mondial protection à payer à M. [B] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés y afférents, et en ce qu'il a ordonné à la société Holding mondial protection de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités et débouté la société de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

16. La cassation du premier moyen, emporte la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif se rapportant à la condamnation de la société Holding mondial protection à verser des dommages-intérêts pour travail dissimulé, à la requalification de la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la condamnation de la société Holding mondial protection à verser des sommes en conséquence et au rejet de sa demande préavis, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie la démission de M. [B] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société Holding mondial protection à verser à M. [B] 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause et de repos, 19 313,57 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires outre congés payés afférents, 751,31 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 797,64 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3 268,44 euros à titre de rappel d'indemnité de préavis outre congés payés afférents, 9 805,33 euros de dommages-intérêts pour travail dissimulé, déboute la société Holding mondial protection de sa demande au titre du préavis et de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonne à la société Holding mondial protection de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, condamne la société Holding mondial protection à verser une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des dépens, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 212-8, devenu l'article L. 3122-9, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ; article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ; accord Mondial protection sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 30 mars 2001.

Rapprochement(s) :

Sur la question de la nécessité de l'accord du salarié à l'application d'un accord de modulation mis en oeuvre postérieurement à son embauche, à rapprocher : Soc., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-17.776, Bull. 2013, V, n° 217 (cassation partielle).

Soc., 17 novembre 2021, n° 20-10.734, (B)

Cassation partielle

Travail à temps partiel – Formalités légales – Contrat écrit – Mentions obligatoires – Répartition de la durée du travail – Nécessité – Cas – Adoption d'horaires individualisés – Défaut – Sanction

Sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Viole l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, une cour d'appel qui rejette la demande d'un salarié, engagé dans le cadre d'un horaire individualisé, en requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein après avoir constaté que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alliance MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société 491.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 octobre 2018), M. [O] a été engagé par la société 491 (la société) à compter du 1er septembre 2006 par contrats à durée déterminée à temps partiel, puis par un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009, en qualité de rédacteur.

3. Il a été licencié par lettre du 1er avril 2016.

4. La société a été placée en liquidation amiable, le 7 septembre 2016, et M. [W] désigné en qualité de liquidateur.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 9 décembre 2016, de demandes en requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à temps plein, application de la convention collective nationale des journalistes et paiement de diverses sommes.

6. La société 491 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 mai 2019 et la société Alliance MJ désignée en qualité de liquidateur. Après sa clôture et radiation du registre du commerce et des sociétés, la société Ajup a été désignée mandataire ad hoc par ordonnance du 30 avril 2020, puis M. [W] a été désigné en qualité de nouveau mandataire ad hoc par ordonnance du 29 décembre 2020 pour la représenter dans la présente procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009 en contrat de travail à temps complet et de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, de fixer en conséquence sa créance au passif de la liquidation amiable de la société, représentée par M. [W] en sa qualité de liquidateur amiable, et la condamner à diverses sommes à titre de rappels de prime de treizième mois, et de primes d'ancienneté relatives aux années 2013, 2014, et 2015, outre les congés payés afférents, et de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le contrat de travail de M. [O] se bornait à mentionner " un horaire mensuel de 86,67 heures " et à indiquer que " ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié.

Le présent contrat ne prévoit pas d'heures complémentaires » de sorte qu'il n'indiquait pas la répartition de la durée mensuelle de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'en refusant d'appliquer la présomption de temps complet qui en résultait, au prétexte que l'article L. 3121-48 du code du travail permet la mise en place d'horaires individualisés, que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, M. [O] ne justifiait pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail ni de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant de déroger à cette liberté d'organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d'après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offraient au salarié la possibilité d'adapter son organisation, que le contrat de travail fixait une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 h correspondant à un temps de travail moyen de 20 h par semaine, soit pour 4 h par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, de sorte que M. [O] ne pouvait prétendre que son contrat de travail ne faisait pas état d'une répartition de son temps de travail, et que les stipulations mêmes de cette clause laissaient nécessairement une très grande liberté au salarié dans l'organisation de son travail de sorte que celui-ci ne pouvait faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8.Selon ce texte, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

9. Il en résulte que, sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

10. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et de ses demandes pécuniaires en découlant, l'arrêt, après avoir cité les dispositions légales se rapportant à la mise en place du dispositif d'horaires individualisés, constate que le contrat de travail du salarié stipule, s'agissant du temps de travail, que l'intéressé percevra une rémunération mensuelle brute de 780,03 euros pour un horaire mensuel de 86,67 heures. Ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié.

Le présent contrat ne prévoit pas d'heures complémentaires.

11. Il ajoute que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, le salarié ne justifie pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail, qu'il ne justifie pas non plus de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant à quelque moment que ce soit de déroger à cette liberté d'organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d'après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offrent au salarié la possibilité d'adapter son organisation. Il relève que le contrat de travail fixe une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 heures correspondant à un temps de travail moyen de 20 heures par semaine, soit pour 4 heures par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, en sorte que le salarié ne peut prétendre que son contrat de travail ne fait pas état d'une répartition de son temps de travail. Il estime que les stipulations mêmes de cette clause laissent nécessairement une très grande liberté au salarié dans l'organisation de son travail, ce dont il déduit que celui-ci ne peut faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, à intervenir sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en se fondant sur l'absence de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009 en contrat de travail à temps complet et de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et en ce qu'il fixe en conséquence la créance de M. [O] au passif de la liquidation amiable de la société 491, représentée par M. [W] en sa qualité de liquidateur amiable, et la condamne à lui payer les sommes de 2 476,17 euros à titre de rappel sur la prime de treizième mois, 247,61 euros au titre des congés payés afférents, 1 498,18 euros au titre des primes d'ancienneté relatives aux années 2013, 2014, et 2015, 149,81 euros au titre des congés payés afférents, et 7 013,13 euros au titre de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le dispositif des horaires individualisés dans un contrat de portage salarial, à rapprocher : Soc., 17 février 2010, pourvoi n° 08-40.671, Bull. 2010, V, n° 41 (2) (cassation partielle).

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