Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES

2e Civ., 25 novembre 2021, n° 19-25.456, n° 20-21.978, (B) (R)

Cassation partielle

Allocation d'éducation de l'enfant handicapé – Bénéficiaires – Conditions – Prise en charge effective et permanente de l'enfant – Cas – Résidence alternée – Partage de l'allocation – Exclusion

Il ressort de la combinaison des articles L. 513-1 et R. 513-1 du code de la sécurité sociale que les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant et que, sous réserve des dispositions relatives aux allocations familiales, ce droit n'est reconnu qu'à une seule personne au titre d'un même enfant.

Lorsqu'à la suite du divorce, de la séparation de droit ou de fait des époux ou de la cessation de la vie commune des concubins, les parents exercent conjointement l'autorité parentale et bénéficient d'un droit de résidence alternée sur leur enfant mis en oeuvre de manière effective et équivalente, l'un et l'autre de ces parents sont considérés comme assumant la charge effective et permanente de leur enfant au sens du premier de ces textes.

Il en résulte que l'attribution d'une prestation familiale ne peut être refusée à l'un des deux parents au seul motif que l'autre parent en bénéficie, sauf à ce que les règles particulières à cette prestation fixée par la loi y fassent obstacle ou à ce que l'attribution de cette prestation à chacun d'entre eux implique la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi.

Les règles particulières à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et ses compléments, prévues aux articles L. 541-1 à L. 541-4 du code de la sécurité sociale qui font dépendre leur attribution non seulement de la gravité du handicap de l'enfant mais également des charges supplémentaires et sujétions professionnelles que le handicap a générées pour le parent, ne permettent pas leur attribution à chacun des parents de l'enfant en résidence alternée sans la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi ou du règlement.

Dès lors, viole ces textes l'arrêt d'une cour d'appel qui enjoint à une caisse d'allocations familiales de mettre en oeuvre le partage de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de ses compléments entre les parents séparés au domicile de chacun desquels la résidence de l'enfant handicapé a été fixée en alternance alors que si l'article L. 541-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, prévoit que les dispositions de l'article L. 521-2 relatives aux allocations familiales sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ce renvoi n'inclut pas les dispositions du deuxième alinéa de ce texte, édictées postérieurement.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-25.456 et 20-21.978 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2019), la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) lui ayant refusé l'attribution de la moitié de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (l'AEEH) servie à son ex-compagne, Mme [Z] (l'allocataire), pour leur enfant dont il partage la charge, selon un mode de résidence alternée, M. [V] (l'assuré) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° 19-25.456, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi n° 19-25.456, pris en sa troisième branche et le moyen du pourvoi n° 20-21.978, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

4. L'allocataire et la caisse font grief à l'arrêt de dire que la caisse d'allocations familiales de Paris et la caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis devront mettre en oeuvre le partage de l'AEEH et de ses compléments entre les parents de l'enfant à compter du 24 août 2014, alors « que les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant ; que, si l'article L. 541-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, précise que les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale sont applicables à l'AEEH, ce renvoi n'inclut pas le partage de l'allocation entre parents prévu au 2e alinéa de l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, ce deuxième alinéa ayant été édicté postérieurement à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et cette possibilité de partage ayant été circonscrite par le législateur aux seules allocations familiales ; qu'en affirmant cependant que, par application des articles L. 521-2 et L. 541-3 du code de la sécurité sociale, le partage de l'AEEH entre parents est possible, la cour d'appel a violé les articles L. 513-1, L. 521-2, L. 541-3 et R. 521-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 513-1, L. 521-2, L. 541-1, L. 541-3, R. 513-1 et R. 521-2 du code de la sécurité sociale :

5. Selon le premier de ces textes, les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant.

6. Le cinquième précise que la personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d'allocataire et que sous réserve des dispositions des deuxième et sixième, relatifs aux allocations familiales, ce droit n'est reconnu qu'à une seule personne au titre d'un même enfant.

7. Cependant, lorsqu'à la suite du divorce, de la séparation de droit ou de fait des époux ou de la cessation de la vie commune des concubins, les parents exercent conjointement l'autorité parentale et bénéficient d'un droit de résidence alternée sur leur enfant mis en oeuvre de manière effective et équivalente, l'un et l'autre de ces parents sont considérés comme assumant la charge effective et permanente de leur enfant au sens du premier de ces textes.

8. Il en résulte que l'attribution d'une prestation familiale ne peut être refusée à l'un des deux parents au seul motif que l'autre parent en bénéficie, sauf à ce que les règles particulières à cette prestation fixée par la loi y fassent obstacle ou à ce que l'attribution de cette prestation à chacun d'entre eux implique la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi.

9. Selon les deux premiers alinéas du troisième, toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé. Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire.

10. Le deuxième alinéa de l'article L. 521-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, prévoit qu'en cas de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents, telle que prévue à l'article 373-2-9 du code civil, mise en oeuvre de manière effective, les parents désignent l'allocataire. Cependant, la charge de l'enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l'allocataire.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes que la règle de l'unicité de l'allocataire pour le droit aux prestations familiales n'est écartée que dans le cas des parents dont les enfants sont en résidence alternée et pour les allocations familiales et que si l'article L. 541-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-02 du 11 février 2005, prévoit que les dispositions de l'article L. 521-2 sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ce renvoi n'inclut pas les dispositions du deuxième alinéa de ce texte, édictées postérieurement.

12. En outre, les règles particulières à l'AEEH et ses compléments, qui font dépendre leur attribution non seulement de la gravité du handicap de l'enfant mais également des charges supplémentaires et sujétions professionnelles que le handicap a générées pour le parent, ne permettent pas leur attribution à chacun des parents de l'enfant en résidence alternée sans la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi ou du règlement.

13. Pour dire que les caisses en cause devront mettre en oeuvre le partage de l'AEEH et de ses compléments entre les parents de l'enfant, l'arrêt relève que les dispositions relatives à l'AEEH figurent aux articles L. 541-1 à L. 541-4 et R. 541-1 à R. 541-10 du code de la sécurité sociale, que l'article L. 541-3 prévoit que les dispositions de l'article L. 521-2 sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et qu'en application du deuxième alinéa de ce dernier texte, les allocations familiales peuvent être partagées. Il en déduit que l'article R. 521-2, pris pour l'application de l'article L. 521-2, qui dispose qu'à défaut d'accord sur la désignation d'un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire s'ils en ont fait la demande conjointe ou lorsque les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage, trouve donc à s'appliquer. Constatant que malgré la résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents, ceux-ci n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage manifestant ainsi leur désaccord, il retient que chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel interjeté par M. [V], l'arrêt rendu le 11 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; Me Goldman ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 521-2, L. 541-1 à L. 541-4 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

CE, 19 mai 2021, n° 435429, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

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