Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 25 novembre 2021, n° 20-15.574, (B)

Cassation sans renvoi

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Maladies professionnelles – Reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie par la caisse – Recours en inopposabilité de l'employeur – Procédure – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Saisine par la caisse primaire d'assurance maladie – Conditions – Information antérieure des parties – Nécessité

Il résulte des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, le premier, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, le deuxième, dans sa rédaction issue du décret n° 97-950 du 15 octobre 1997, le troisième, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-344 du 31 mars 2010, qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional. Cette information précise la date à laquelle s'effectuera cette transmission.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 mars 2020), salariée de la société Movitex (l'employeur), Mme [G] a déclaré, le 7 novembre 2013, une maladie prise en charge, le 3 juin 2014, par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse), après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional).

2. Contestant l'opposabilité de cette décision, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de lui faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional, et que la caisse doit mettre en mesure l'employeur de présenter ses observations avant la transmission du dossier au comité, sous peine d'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'employeur ; que dès lors, la lettre informant l'employeur de la transmission du dossier du salarié à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de ce que « les pièces du dossier peuvent vous être communiquées à votre demande », sans précision de ce que l'employeur a la possibilité de présenter ses observations avant une telle transmission et sans indication de la date à laquelle le dossier sera effectivement transmis audit comité, ne met pas l'employeur en mesure de présenter ses observations avant la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la lettre du 10 mars 2014 informant la société de la transmission du dossier de Mme [G] à un CRRMP et de la possibilité de consulter le dossier ne fixait pas de « date-butoir à la consultation par l'employeur », la caisse n'ayant effectivement pas précisé à quelle date le dossier serait transmis au comité ; que la cour d'appel a également constaté que la lettre ne précisait pas que l'employeur avait la possibilité de formuler des observations avant la transmission du dossier au comité ; qu'après consultation du dossier, l'employeur avait indiqué qu'il reviendrait « vers l'agent enquêteur pour questions ou compléments d'information » ; qu'il s'en déduisait que la lettre du 10 mars 2014 ne mettait pas la société en mesure de présenter ses observations avant la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en déclarant pourtant la décision de prise en charge opposable à l'employeur aux motifs inopérants que la société avait effectivement consulté le dossier dans les locaux de la caisse le 20 mars 2014, la caisse ayant transmis le dossier au comité le 1er avril 2014, soit dix-huit jours après avoir informé l'employeur de la saisine du comité, l'employeur ayant eu un délai suffisant pour consulter le dossier, et que l'information relative à la possibilité de consulter le dossier impliquait nécessairement celle de présenter des observations, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, le premier, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, le deuxième, dans sa rédaction issue du décret n° 97-950 du 15 octobre 1997, le troisième, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-344 du 31 mars 2010, applicables au litige :

4. Il résulte de ces textes qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional. Cette information précise la date à laquelle s'effectuera cette transmission.

5. Pour débouter l'employeur de sa demande, l'arrêt relève que par courrier du 10 mars 2014 réceptionné par celui-ci le 12 mars suivant, la caisse l'a informé de la faculté dont il disposait de consulter le dossier. Il retient que s'il est vrai que le dossier a été transmis et reçu par le comité régional compétent le 1er avril suivant, le délai au terme duquel cette transmission a été effectuée par la caisse, soit dix-huit jours, n'a revêtu en lui-même aucun caractère insuffisant. Il ajoute que la circonstance que le courrier susvisé n'ait pas fixé de date-butoir à la consultation par l'employeur est inopérant, et qu'elle est par ailleurs demeurée sans incidence sur l'exercice par l'employeur de ses droits, qui a procédé à la consultation dudit dossier dans les locaux de la caisse le 20 mars 2014.

6. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que le courrier litigieux ne mentionnait pas la date à laquelle la transmission devait être effectuée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Il découle du paragraphe 6 que la décision litigieuse prise par la caisse le 3 juin 2014 doit être déclarée inopposable à l'employeur.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la décision du 3 juin 2014 de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres, afférente à la prise en charge de la maladie déclarée par Mme [G], est inopposable à la société Movitex.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 97-950 du 15 octobre 1997 ; article D. 461-30 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-344 du 31 mars 2010.

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