Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

SECURITE SOCIALE, ALLOCATION VIEILLESSE POUR PERSONNES NON SALARIEES

2e Civ., 25 novembre 2021, n° 20-16.979, (B) (R)

Cassation

Contribution de solidarité – Régime de la loi n° 70-13 du 3 janvier 1970 – Assiette – Chiffre d'affaire – Abattement forfaitaire – Cas – Fusion ou absorption de la société

Il résulte de la combinaison des articles L. 651-3, alinéa 1, L. 651-5, alinéa 1, et D. 651-14, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur, qu'en cas de fusion ou d'absorption, la société absorbante ou la nouvelle société résultant de la fusion est redevable de la contribution sociale de solidarité (C3S) assise sur le cumul des chiffres d'affaires réalisés par elle-même et les sociétés ou entreprises absorbées ou fusionnées durant l'année au cours de laquelle est intervenue cette opération, déduction faite, de ce chiffre d'affaire global, de l'abattement prévu par l'article L. 651-3.

Viole ces textes une cour d'appel qui retient que la société absorbante est redevable de la C3S assise sur le cumul des chiffres d'affaires réalisé par elle-même et les sociétés absorbées durant l'année au cours de laquelle est intervenue l'opération, déduction faite, de chacun des chiffres d'affaires, de l'abattement prévu par l'article L. 651-3.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 janvier 2020), la société Campenon Bernard construction (la société absorbante) a absorbé, le 31 octobre 2016, la société Campenon Bernard industrie (la société CBI) et la société STEL, qui ont été radiées du registre du commerce et des sociétés les 9 et 10 novembre 2016.

La Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes- Côte d'Azur (l'URSSAF) lui ayant indiqué que, pour le calcul de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) due au titre de l'année 2017, elle devait cumuler le chiffre d'affaires déclaré en 2016 par elle-même et la société CBI et n'appliquer qu'une seule fois l'abattement prévu par l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale, la société absorbante, après avoir réglé le montant de la contribution, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la condamner au remboursement du montant des sommes versées par la société absorbante au titre de la C3S, alors :

« 1°/ que le fait générateur de la contribution sociale de solidarité est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due ; que la contribution sociale de solidarité est assise sur le chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale par l'entreprise assujettie et réalisé l'année précédant celle au titre de laquelle elle est due, après application d'un abattement égal à dix-neuf millions d'euros ; qu'en cas de fusion ou d'absorption de deux sociétés, la société absorbante est redevable de la contribution de solidarité assise sur le chiffre d'affaires réalisé par toute société absorbée durant l'année au cours de laquelle est intervenue cette opération ; que lorsqu'une société absorbe deux autres sociétés qui sont radiées du registre du commerce et des sociétés en 2016, la contribution sociale de solidarité due au titre de l'année 2017 par la société absorbante, seule société existante au 1er janvier 2017, est donc assise sur le cumul de son propre chiffre d'affaires et du chiffre d'affaires réalisé par les sociétés absorbées en 2016, après application d'un seul abattement de dix-neuf millions d'euros ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société CBC avait absorbé les sociétés STEL et CBI le 31 octobre 2016 et que ces dernières avaient été radiées du registre du commerce et des sociétés les 9 et 10 novembre 2016 de sorte que seule la société CBC était existante au 1er janvier 2017 et redevable de la contribution sociale de solidarité de 2017 ; qu'en jugeant pourtant que le calcul de la contribution sociale de solidarité devait s'effectuer « comme si chacune des sociétés absorbées avait survécu » et que la société CBC pouvait donc appliquer l'abattement de dix-neuf millions d'euros « sur chacun des trois chiffres d'affaires », et donc sur son propre chiffre d'affaires et sur le chiffre d'affaires de chacune des sociétés absorbées, la cour d'appel a violé les articles L. 651-3, L. 651-5, D. 651-14 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 236-3 du code de commerce et 1844-4 du code civil ;

2°/ que le fait générateur de la contribution sociale de solidarité est constitué, non par le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise, mais par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due ; que lorsqu'une société absorbe deux autres sociétés qui sont radiées du registre du commerce et des sociétés en novembre 2016, elle ne peut se voir transmettre la dette de contribution sociale 2017 des sociétés absorbées dès lors que cette dette trouve son origine dans l'existence des sociétés débitrices au 1er janvier 2017 et qu'à cette date, les sociétés absorbées n'existent plus comme ayant été radiées de sorte qu'aucune dette de C3S n'a pu naître dans le patrimoine qu'elles transmettent à la société absorbante ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société CBC avait absorbé les sociétés STEL et CBI le 31 octobre 2016 et que ces dernières avaient été radiées du registre du commerce et des sociétés les 9 et 10 novembre 2016 de sorte que la société CBC était seule existante au 1er janvier 2017 ; qu'en jugeant pourtant que du fait de la transmission universelle des patrimoines des sociétés absorbées à la société CBC absorbante, la dette de contribution sociale de solidarité inscrite au passif de chacune des sociétés absorbées avait ainsi été transmise à la société CBS qui était donc redevable de la contribution sociale de solidarité 2017 pour le compte des deux société absorbées, et donc le calcul devait s'effectuer comme si chacune des sociétés avait « survécu », la cour d'appel a derechef violé les articles L. 651-3, L. 651-5, D. 651-14 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 236-3 du code de commerce et 1844-4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 651-3, alinéa 1er, L. 651-5, alinéa 1er, et D. 651-14, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur :

3. Selon le premier de ces textes, la contribution sociale de solidarité, qui est annuelle et dont le fait générateur est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due, est assise sur le chiffre d'affaires défini au deuxième réalisé l'année précédant celle au titre de laquelle elle est due, après application d'un abattement égal à dix-neuf millions d'euros.

4. Selon le deuxième, les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sont tenues d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.

5. Selon le troisième, en cas de fusion ou d'absorption de deux ou plusieurs sociétés ou entreprises, la société absorbante ou la nouvelle société résultant de la fusion est redevable, à la date mentionnée à l'article D. 651-9, de la contribution sociale de solidarité assise sur le chiffre d'affaires réalisé par toute société ou entreprise fusionnée ou absorbée durant l'année au cours de laquelle est intervenue cette opération.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de fusion ou d'absorption, la société absorbante ou la nouvelle société résultant de la fusion est redevable de la contribution sociale de solidarité assise sur le cumul des chiffres d'affaires réalisés par elle-même et les sociétés ou entreprises absorbées ou fusionnées durant l'année au cours de laquelle est intervenue cette opération, déduction faite, de ce chiffre d'affaires global, de l'abattement prévu par l'article L. 651-3 susvisé.

7. Pour faire droit à la demande de la société absorbante, l'arrêt relève que la fusion absorption des deux sociétés a opéré transmission universelle de leur patrimoine respectif à la société absorbante et que la dette de C3S pour la durée d'exercice 2016 était inscrite au passif de chacune des sociétés absorbées et a ainsi été transmise à la société absorbante. Il ajoute que, du fait de la radiation du registre du commerce et des sociétés, des sociétés absorbées, seule la société absorbante était existante au 1er janvier 2017 de sorte qu'elle était seule redevable de la C3S au titre de l'année 2017 pour son propre compte et pour celui des deux sociétés absorbées. Il en déduit que le calcul doit s'effectuer comme si chacune des sociétés avait « survécu », quand bien même le paiement n'est dû que par la société absorbante et que, en application des dispositions de l'article D. 651-14 du code de la sécurité sociale, cette dernière pouvait appliquer l'abattement de dix-neuf millions d'euros sur chacun des trois chiffres d'affaires.

8. En statuant ainsi, alors que la société absorbante ne devait appliquer qu'un seul abattement sur le chiffre d'affaires cumulé réalisé par elle-même et les sociétés absorbées, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 651-3, alinéa 1, L. 651-5, alinéa 1, et D. 651-14, alinéa 1, du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 25 novembre 2021, n° 20-17.234, (B) (R)

Cassation partielle

Généralités – Pension – Liquidation – Disposition s'opposant à la liquidation des retraites des assujettis n'ayant pas acquitté l'intégralité de leurs cotisations – Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales – Article 1 du Protocole additionnel n° 1 – Contrôle de proportionnalité – Cas – Non-prise en compte des paiements partiels

L'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants.

Les articles L. 644-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d'une part, les articles L. 645-2 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d'autre part, prévoient, qu'en dehors des cas qu'ils visent, seul le paiement intégral de la cotisation annuelle due au titre de chacun de ces régimes ouvre droit à l'attribution de points de retraite.

Pour la détermination des droits d'un assuré faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, au titre de ces régimes à caractère essentiellement contributif, l'exclusion des années durant lesquelles des cotisations n'ont pas été intégralement payées, sans aucune prise en compte des paiements partiels, si elle contribue à l'équilibre financier de ces régimes, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 15 février 2018, n° 17-15.208), M. [V] (l'assuré) a été affilié à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (la Caisse) du 1er avril 1975 au 31 décembre 1997, puis à compter du 1er avril 2003.

2. Par jugement du 28 juin 2010, le tribunal de grande instance de Pau a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'assuré, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 juillet 2011 et clôturée pour insuffisance d'actif le 22 avril 2013.

3. Pour liquider les droits de l'assuré à effet du 1er janvier 2012, au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins d'une part, du régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés d'autre part, la caisse a exclu les années durant lesquelles les cotisations n'avaient pas été intégralement payées par l'assuré.

4. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que toute faute d'une caisse de retraite engage sa responsabilité, dès lors qu'elle a entraîné un préjudice ; qu'en ayant jugé que la Caisse n'avait pas commis de faute en refusant de liquider la pension de retraite de l'assuré à hauteur des montants qui lui étaient dus, prétexte pris de ce que la position que la Caisse avait adoptée avait été confirmée par des cours d'appel, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil ;

2°/ que la faute commise par une caisse de retraite engage sa responsabilité ; qu'en ayant jugé que la Caisse n'avait pas commis de faute en refusant de liquider la pension de retraite de l'assuré à hauteur des montants qui lui étaient dus, parce que la position de principe adoptée par la Caisse avait été confirmée par des cours d'appel, quand les conséquences de l'intercurrence entre cotisations de retraite et procédure collective, en matière de liquidation à pension, avaient été clairement posées par la Cour de cassation en 2011, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil ;

3°/ que le versement d'une très faible pension de retraite incite évidemment le pensionné à cumuler un emploi avec sa retraite, lorsque cette possibilité lui est ouverte ; qu'en ayant jugé, après avoir relevé que la pension servie à l'assuré par la Caisse était de seulement 378 euros net par mois, que la preuve n'était pas faite qu'il avait été contraint de reprendre une activité professionnelle pour vivre et percevoir un revenu décent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1382 ancien du code civil ;

4°/ que les juges du fond doivent examiner tous les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en ayant jugé que la preuve n'était pas faite que l'assuré, qui ne percevait que 378 euros de retraite par mois, avait été contraint de reprendre une activité professionnelle pour vivre, sans prendre en compte le courrier de l'assuré du 10 mai 2013, réitérant sa demande de retraite complète auprès de la commission de recours amiable de la caisse, et exposant qu'il ne pouvait décemment vivre avec sa retraite de base et l'aide accordée par le fonds d'action sociale, de sorte qu'il se voyait contraint de rechercher des remplacements en médecine générale, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond doivent répondre à toutes les conclusions opérantes des parties ; qu'en ayant jugé que l'assuré ne rapportait pas la preuve d'un préjudice en lien avec le refus de la Caisse de lui verser une pension de retraite normale, sans répondre à ses conclusions, ayant fait valoir le préjudice moral qu'il avait subi par suite de ce refus de la Caisse, pendant six ans, de lui verser les arrérages de pension auxquels il avait droit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt retient que la Caisse, dont l'analyse opposée à l'assuré avait été retenue par plusieurs cours d'appel, a adopté une position déjà judiciairement confirmée.

7. De ces énonciations, la cour d'appel a pu déduire l'absence de faute de la Caisse engageant sa responsabilité à l'égard de l'assuré.

8. Le moyen, qui n'est, dès lors, pas fondé en ses deux premières branches, est inopérant pour le surplus.

Examen du moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 644-1 et L. 645-2 du code de la sécurité sociale, 2 du décret n° 49-579 du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, et 2 du décret n° 72-968 du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés :

10. La Cour de cassation juge, depuis un arrêt du 17 janvier 2007 (2e Civ., 17 janvier 2007, pourvoi n° 04-30.797, Bull. 2007, II, n° 6), que si le jugement de clôture pour insuffisance d'actif n'entraîne pas l'extinction des dettes, il interdit aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, de sorte que l'absence de règlement intégral des cotisations antérieures ne prive pas l'assuré ou ses ayants droit de tout droit aux prestations, mais a seulement pour effet d'exclure la période durant laquelle des cotisations n'ont pas été payées du calcul du montant des prestations.

11. La Cour de cassation a en outre jugé, par un arrêt du 26 novembre 2020 (2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.207, en cours de publication), qu'il résulte de la combinaison des quatre derniers textes susvisés, interprétés à la lumière de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'en dehors des cas qu'ils visent, le report, chaque année, au compte de l'assuré, des points de retraite au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins et du régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés procède exclusivement du versement, pour l'intégralité de son montant, de la cotisation annuelle prévue pour chacun de ces régimes, et ne peut donc faire l'objet d'une proratisation en fonction de la fraction de la cotisation annuelle effectivement versée par l'assuré.

12. Cependant, la Cour de cassation a jugé depuis lors, par un arrêt du 12 mai 2021 (2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 19-20.938, en cours de publication), que l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants.

13. Le réexamen des dispositions législatives et réglementaires susvisées, à la lumière de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est, dès lors, justifié.

14. Le droit individuel à pension constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Les articles L. 644-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d'une part, les articles L. 645-2 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d'autre part, qui prévoient qu'en-dehors des cas qu'ils visent, seul le paiement intégral de la cotisation annuelle due au titre de chacun de ces régimes ouvre droit à l'attribution de points de retraite, constituent une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ces régimes, en ce qu'ils portent une atteinte à la substance de leurs droits à pension, en les privant de la totalité des points afférents aux années pour lesquelles ils ne se sont pas acquittés du montant intégral de leur cotisation.

16. Cette ingérence repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne accessibles, précises et prévisibles, et poursuit un motif d'intérêt général en tant qu'elle contribue à l'équilibre financier des régimes de retraite concernés.

17. Toutefois, pour la détermination des droits d'un assuré faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, au titre de ces régimes à caractère essentiellement contributif, l'exclusion des années durant lesquelles des cotisations n'ont pas été intégralement payées, sans aucune prise en compte des paiements partiels, si elle contribue à l'équilibre financier de ces régimes, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence.

18. Dès lors, l'application des articles L. 644-1 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d'une part, des articles L. 645-2 du code de la sécurité sociale et 2 du décret du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d'autre part, en tant qu'ils prévoient, qu'en-dehors des cas qu'ils visent, seul le paiement intégral de la cotisation annuelle due au titre de chacun de ces régimes ouvre droit à l'attribution de points de retraite, doit être écartée.

19. Pour accueillir le recours de l'assuré, l'arrêt constate que ce dernier, ayant fait l'objet par jugement du 22 avril 2013, d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, au cours de laquelle la caisse a déclaré sa créance constituée de cotisations restant dues au titre des exercices 2003 à 2011, s'est acquitté partiellement de ses cotisations au titre des deux régimes précédemment mentionnés au cours de cette période. Il énonce que si le jugement de clôture pour insuffisance d'actif n'entraîne pas l'extinction des dettes, il interdit aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, de sorte que l'absence de règlement intégral des cotisations antérieures ne prive pas l'assuré ou ses ayants droit de tout droit aux prestations, mais a seulement pour effet d'exclure la période durant laquelle des cotisations n'ont pas été payées du calcul du montant des prestations.

20. L'arrêt retient que le nombre de points peut être attribué, conformément à l'article 19, alinéa 2, des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire, au prorata, arrondi au centième de point le plus proche, lorsque la cotisation est d'un montant inférieur au plafond de revenu fixé au 1er alinéa de l'article 2 du décret du 22 avril 1949, et ordonne à la caisse de procéder à la liquidation au profit de l'assuré des prestations au titre de ce régime en appliquant pour les cotisations annuelles partiellement réglées un nombre de points proportionnel au montant exigible pour l'année considérée.

21. Il ordonne également à la caisse de procéder à la liquidation de l'allocation supplémentaire de vieillesse sur la base de 91 trimestres cotisés en application de l'article 10 des statuts relatifs à ce régime.

22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi incident, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de M. [V] et déboute celui-ci de ses demandes de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 13 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Poulet-Odent ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles L. 644-1 et 645-2 du code de la sécurité sociale ; article 2 du décret n° 49-579 du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins ; article 2 du décret n° 72-968 du 27 octobre 1972 modifié.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.096, Bull. 2013, II, n° 193 (rejet).

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