Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 10 novembre 2021, n° 19-24.227, (B)

Cassation partielle

Etablissement de santé – Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale – Responsabilité de plein droit – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Société à responsabilité limitée, constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et ayant pour activité l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie

Une société à responsabilité limitée, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et a pour activité l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, ne peut être considérée comme un établissement au sens de l'article L. 1142-1, I, du code la santé publique, soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d'infections nosocomiales.

Etablissement de santé – Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale – Responsabilité de plein droit – Etendue – Détermination – Portée

La responsabilité de droit des établissements de santé s'étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie.

Etablissement de santé – Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale – Responsabilité de plein droit – Etendue – Détermination – Cas – Infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 septembre 2018, pourvoi n° 17-19.954), à l'issue de la réalisation, le 13 août 2010, par M. [B], médecin radiologue (le praticien), d'un arthro-scanner d'une épaule, dans les locaux de la société à responsabilité limitée Imagerie nouvelle de la [Localité 6] (la société), M. [S] a présenté une infection nosocomiale.

2. Après avoir sollicité des expertises en référé, il a assigné en responsabilité et indemnisation le praticien et la société et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la [Localité 6] qui a demandé le remboursement de ses débours. Il a assigné aux mêmes fins la société Polyclinique [9] (la clinique), située à la même adresse que la société.

La Société hospitalière d'assurances mutuelles, assureur de la clinique (l'assureur), est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité des demandes formées par le patient à l'encontre de la clinique et de son assureur, de la déclarer responsable des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont il a été victime et de la condamner à l'indemniser de son entier préjudice, alors « que seuls les établissements effectuant des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peuvent voir leur responsabilité engagée en raison des dommages résultant d'une infection nosocomiale ; que ne constitue pas un tel établissement la société à responsabilité limitée qui a pour objet social l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale, laquelle n'a pour objet que l'acquisition en commun du matériel nécessaire à l'exercice de la profession de radiologue par ses membres ; qu'en jugeant que la société à responsabilité limitée Imagerie Nouvelle de la [Localité 6] exerçait une activité de diagnostic et relevait des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique applicable aux établissements de santé cependant qu'elle avait constaté que son objet social se limitait à « l'exploitation, l'achat, la vente et la location de tout matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie ainsi que de tout matériel d'exploitation de polyclinique », la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique :

5. Selon ce texte, en cas d'infection nosocomiale, les professionnels de santé n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute, tandis que les établissements, services et organismes dans lesquels sont diligentés des actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables de plein droit, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Il en résulte, dans le cas de dommages liés à une infection nosocomiale n'ouvrant pas droit à réparation au titre de la solidarité nationale sur le fondement des articles L. 1142-1, II ou L. 1142-1-1, 1° du même code, une différence de traitement dans l'engagement de la responsabilité pour en obtenir la réparation selon que l'infection a été contractée dans un établissement, service ou organisme de santé ou auprès d'un professionnel exerçant en ville, le législateur ayant entendu prendre en compte les conditions dans lesquelles les actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont pratiqués et la spécificité des risques en milieu hospitalier (Cons. const., 1er avril 2016 n° 2016-531 QPC).

6. Les établissements, services et organismes, qui sont énumérés au sein du code de la santé publique, au livre trois de la deuxième partie, relatif aux établissements, services et organismes ainsi qu'aux différents livres de la sixième partie relative aux établissements et services de santé, dont le premier est consacré aux établissements de santé, sont régis par un ensemble de dispositions spécifiques et les établissements de santé sont notamment tenus, en vertu des articles L. 6111-2 et suivants du code de la santé publique, de mettre en ?uvre une politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'organiser la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie. Ils se distinguent des sociétés professionnelles qui permettent la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l'exercice en commun de ces professions.

7. Il en résulte qu'une société à responsabilité limitée, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et a pour activité l'exploitation, l'achat, la vente et la location de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, ne peut être considérée comme un établissement au sens de l'article L. 1142-1, I, du code la santé publique, soumis à une responsabilité de plein droit au titre des dommages résultant d'infections nosocomiales.

8. Pour condamner la société à indemniser l'entier préjudice subi par le patient, après avoir constaté que celle-ci exerce son activité sous la forme juridique d'une société à responsabilité limitée et que, selon l'extrait K-bis, son objet est l'exploitation, l'achat, la vente et la location de tout matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, ainsi que de tout matériel d'exploitation de la clinique, l'arrêt retient que, dès lors qu'est visée, au titre de l'activité exercée, celle d'exploitation de matériel d'imagerie médicale et de radiothérapie, cette société exerce une activité, sinon de soins, à tout le moins de diagnostic, relevant des dispositions de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique et qu'elle se trouve soumise à une responsabilité de plein droit et constitue une société d'exercice professionnel effectif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

10. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une clinique est responsable de plein droit des dommages causés par les infections nosocomiales contractées dans son service de scanner ; que constitue le service de scanner d'une clinique, le centre de scanner qui est tenu contractuellement envers cette clinique de garantir pour les patients de la clinique la permanence des soins et d'assurer, sous son contrôle, un planning de garde et d'astreinte ; qu'en jugeant que la société Imagerie Nouvelle de [Localité 6] ne constituait pas le service de scanner de la polyclinique [9] dès lors que cette société exerçait son activité dans une indépendance certaine, dans des locaux propres loués à une personne tierce, sans bénéficier d'une clause d'exclusivité et dès lors que la polyclinique [9] disposait de ses propres circuits d'approvisionnement en matière de dispositif médicaux stériles, son propre personnel de nettoyage, ses propres protocoles d'asepsie et un matériel de radiologie en propre, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Imagerie nouvelle de [Localité 6] n'était pas tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés à la polyclinique [9], par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1142-1, I, du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1142-1, I, du code de la santé publique :

11. La responsabilité de plein droit des établissements de santé s'étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie.

12. Pour condamner la société à indemniser l'entier préjudice subi par le patient et rejeter les demandes formées par celui-ci à l'encontre de la clinique et de son assureur, l'arrêt retient que la société exerce son activité dans une indépendance certaine vis-à-vis de la clinique et dans des locaux propres loués à une personne tierce, qu'elle dispose de ses propres circuits d'approvisionnement des dispositifs médicaux stériles, personnel de nettoyage, protocoles d'asepsie et matériel de radiologie, que, si le scanner est mis à disposition de tous les praticiens intervenant au sein de la clinique selon un protocole fixant des règles destinées à faciliter le fonctionnement de la coopération entre la société et la clinique, les praticiens peuvent adresser leurs patients à d'autres établissements, en l'absence d'exclusivité au profit de la société, de sorte qu'elle ne constitue pas le centre de radiologie de la clinique.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties pour le fonctionnement du service du scanner que la société était tenue d'assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d'un planning de gardes et d'astreintes des radiologues et manipulateurs et constituait à ce titre le service de scanner de l'établissement de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Demande de mise hors de cause

14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause le praticien, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Met hors de cause M. [B] ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions concernant la mise hors de cause de M. [B], l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Spinosi ; Me Le Prado ; SCP Richard -

Textes visés :

Article L. 1142-1, I, du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-17.072, Bull. 2012, I, n° 171 (cassation partielle) ; 1re Civ., 12 octobre 2016, pourvoi n° 15-16.894, Bull. 2016, I, n° 195 (cassation partielle).

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