Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 24 novembre 2021, n° 20-13.904, (B)

Rejet

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Action en justice – Demande de communication d'éléments manquants de la base de données économiques et sociales – Juridiction compétente – Président du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire – Président statuant en la forme des référés – Compétence exclusive – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2019), statuant en référé, le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale Astek (l'UES Astek), composée des sociétés Astek projets service, Astek, (groupe) Astek, Astek industrie, Semantys ainsi que Conseil et assistance technique aux projets, a saisi, le 23 août 2018, hors procédure d'information ou de consultation récurrente ou ponctuelle, le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir, sous astreinte, que soit établie et mise à disposition des représentants des salariés une base de données économiques et sociales comportant l'ensemble des informations prévues par le code du travail, dont, en particulier, l'article R. 2323-1-3, ainsi que les données prévisionnelles pour les années 2019, 2020 et 2021.

2. En cours de procédure, le comité social et économique de l'UES Astek a indiqué venir aux droits du comité d'entreprise.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le comité social et économique de l'UES Astek fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors :

« 1°/ qu'une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité d'entreprise ; que cette base de données est accessible en permanence aux membres du comité d'entreprise et les informations y figurant portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, à analyser les mentions de la base de données économiques et sociales relatives à la période triennale à venir, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la base de données économiques et sociales était complète s'agissant de l'année en cours et des deux années précédentes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5, alors applicables, du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité d'entreprise ; que les informations figurant dans cette base portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes ; que ces informations sont présentées sous forme de données chiffrées ou, à défaut, pour les années suivantes, sous forme de grandes tendances ; que l'employeur indique, pour ces années, les informations qui, eu égard à leur nature ou aux circonstances, ne peuvent pas faire l'objet de données chiffrées ou de grandes tendances, pour les raisons qu'il précise ; qu'en se fondant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, sur la circonstance que la base de données économiques et sociales avait été complétée, s'agissant des rubriques prospectives à trois ans, par des sigles " +, -, =, n/a (non adaptable), n/d (non disponible)", cependant que de tels sigles ne constituent ni l'indication de « grandes tendances », ni l'exposé des raisons faisant obstacle à la mention de ces dernières, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-8, R. 2323-1-3 et R. 2323-1-5 du code du travail, dans leur version applicable en la cause, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en se bornant à affirmer qu'il est désormais indiqué des sigles dans les rubriques prospectives à trois ans de la base de données économiques et sociales "+, -, =, n/a non adaptable), n/d (non disponible)", sans s'expliquer sur le moyen du comité social et économique selon lequel l'UES Astek n'avait pas complété les données prospectives pour l'année 2021 par des données chiffrées ou par quelques sigles que ce soit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité d'entreprise ; que l'insuffisance des données mises à disposition du comité d'entreprise constitue un trouble manifestement illicite qu'il entre dans le pouvoir du juge des référés de faire cesser ; qu'en considérant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, que le comité social et économique n'avait pas usé de la faculté de saisir le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur le fondement de l'article L. 2323-4 du code du travail, après avoir pourtant constaté que la demande du comité intervenait en dehors de tout processus d'information consultation du comité d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-4, L. 2323-8, R. 2323-1-3 et R. 2323-1-5 du code du travail, dans leur version applicable en la cause, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

5°/ qu'une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité d'entreprise ; que l'insuffisance des données mises à dispositions du comité d'entreprise constitue un trouble manifestement illicite qu'il entre dans le pouvoir du juge des référés de faire cesser ; qu'en considérant, pour écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite, que le comité social et économique n'avait pas usé de la faculté de saisir le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur le fondement de l'article L. 2323-4 du code du travail, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé les articles L. 2323-4, L. 2323-8, R. 2323-1-3 et R. 2323-1-5 du code du travail, dans leur version applicable en la cause, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 2323-1, premier alinéa, du code du travail, alors applicable, le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

5. Selon l'article L. 2323-4 du code du travail, alors applicable, les membres élus du comité peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants de la base de données économiques et sociales.

6. Ayant constaté qu'elle était saisie d'une demande de communication par l'employeur d'éléments manquants de la base de données économiques et sociales, formée par le comité d'entreprise de l'UES Astek, aux droits duquel vient le comité social et économique de la même UES, la cour d'appel a retenu à bon droit que, le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés étant seul compétent pour en connaître, elle ne pouvait, à ce titre, statuant en référé, constater l'existence d'un trouble manifestement illicite, peu important, lors de la saisine de la juridiction, l'absence d'engagement d'une procédure d'information-consultation.

7. Le moyen, inopérant en ses première à troisième branches en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 2323-1, alinéa 1, et L. 2323-4 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.

Rapprochement(s) :

Sur le juge compétent saisi par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans le cadre d'une procédure d'information-consultation, à rapprocher : Soc., 3 octobre 2018, pourvoi n° 17-20.301, Bull. 2018, (rejet).

Soc., 10 novembre 2021, n° 19-20.123, (B)

Cassation partielle

Comité d'entreprise – Comité central – Attributions – Attributions économiques – Mission générale d'information et de consultation – Communication – Informations figurant dans la base de données économiques et sociales – Etendue – Détermination – Dispositions transitoires de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 – Application – Portée

Il résulte des articles 8 et 9, V, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, de l' article L. 2247-17, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, de l'article L. 2312-36, 2°, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et de l'article R. 2323-12 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1768 du 27 décembre 2017, que sauf accord conclu pendant la période transitoire en application de l'article 8 de l'ordonnance susvisée sur le fondement de l'article L. 2312-21 du code du travail, créé par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et tant que n'a pas été mis en place au sein de l'entreprise un comité social et économique, il ne peut être exigé de l'employeur de mettre à disposition la base de données économiques et sociales (BDES) telle qu'elle est réorganisée et complétée par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dans les dispositions reprises à l'article L. 2312-36 du code du travail, de sorte que le contenu de la BDES demeure régi par les dispositions de l'article R. 2323-12 du code du travail, pris en application de l'article de l'article L. 2323-8 du même code maintenu en vigueur au titre des dispositions transitoires.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019), la société Ericsson France (la société) emploie plus de 300 salariés sur divers sites.

2. Début mars 2018, la société a engagé la négociation obligatoire en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Un litige est survenu s'agissant de la nature et des éléments d'information devant être communiqués aux représentants syndicaux, concernant tant la société que la société Ericsson It solutions et services qu'elle a absorbée le 1er juillet 2017.

3. Le 27 juillet 2018, l'Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (la CGT-UFICT) d'Ericsson France et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT ont saisi le juge des référés afin que soit suspendue la négociation sur l'égalité professionnelle et qu'il soit fait injonction à la société de leur communiquer les informations relatives à la situation comparée des femmes et des hommes, soit a minima les indicateurs listés à l'article R. 2312-9 du code du travail et diverses informations précisément indiquées, pour les années 2014 à 2017 incluse, tant pour la société que pour la société absorbée, sous astreinte.

4. L'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (l'UGICT-CGT) est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de rejeter les moyens d'irrecevabilité qu'elle a soutenus en appel et en conséquence de dire que la communication doit porter sur les années 2016, 2017 et 2018 et le cas échéant sur le prévisionnel 2019 à 2021 inclus, tant pour la société Ericsson France que pour la société Ericsson It solutions et services, de lui enjoindre de fournir aux organisations syndicales quinze jours avant la reprise de la négociation les informations suivantes : la totalité des indicateurs listés à l'article R. 2312-9 du code du travail dans sa version actuellement applicable, les indicateurs catégoriels en référence au modèle interne de carrières et compétences CCM du groupe Ericsson (échelons et métiers, job stage et job rôle), le tout pour la totalité des effectifs présents au 31 décembre de l'année concernée, y compris les salariés en absence de longue durée, conformément aux données du bilan social, et avec les rémunérations fixes et variables effectives, cette injonction étant assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard exigible à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification de la décision, alors « qu'en vertu des dispositions transitoires de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les entreprises disposant d'un comité d'entreprise sont soumises, jusqu'au terme du mandat de ses membres élus, aux anciennes dispositions applicables au comité d'entreprise ; qu'il en résulte qu'avant cette date, l'employeur ne doit communiquer aux organisations syndicales représentatives, dans le cadre de la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle entre femmes et hommes, que les seuls indicateurs énoncés à l'article R. 2323-12 du code du travail, dans sa version résultant du décret n° 2016-868 du 29 juin 2016, relatif à l'information des membres du comité d'entreprise, à l'exclusion des indicateurs imposés par l'article R. 2312-9 du code du travail, tel qu'il résulte du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 pris pour l'application des articles L. 2312-18 et L. 2312-36 du même code relatifs à l'information du comité social et économique ; qu'en retenant l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation des dispositions de l'article R. 2312-9 du code du travail, lorsque ce texte n'était pas applicable au litige et qu'elle n'avait par ailleurs constaté aucune autre violation caractérisée des dispositions applicables, la cour d'appel a violé l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 décembre 2017, l'article R. 2323-12 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-868 du 29 juin 2016, l'article R. 2312-9, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, ensemble les articles 808 et 809 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 9, V, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, l'article L. 2247-17, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, l'article L. 2312-36, 2°, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et l'article R. 2323-12 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1768 du 27 décembre 2017 :

6. Selon le deuxième de ces textes, pendant la durée des mandats en cours, les dispositions du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives au comité d'entreprise demeurent applicables dans leur rédaction antérieure à la date de publication de l'ordonnance.

7. Il en résulte que sauf accord conclu pendant la période transitoire en application de l'article 8 de l'ordonnance susvisée sur le fondement de l'article L. 2312-21 du code du travail, créé par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et tant que n'a pas été mis en place au sein de l'entreprise un comité social et économique, il ne peut être exigé de l'employeur de mettre à disposition la base de données économiques et sociales (BDES) telle qu'elle est réorganisée et complétée par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dans les dispositions reprises à l'article L. 2312-36 du code du travail, de sorte que le contenu de la BDES demeure régi par les dispositions de l'article R. 2323-12 du code du travail, pris en application de l'article L. 2323-8 du même code maintenu en vigueur au titre des dispositions transitoires.

8. Il s'en déduit que le contenu de la BDES demeure régi par les dispositions de l'article R. 2323-12 du code du travail, pris en application de l'article de l'article L. 2323-8 du même code maintenu en vigueur au titre des dispositions transitoires.

9. Pour enjoindre à la société de fournir aux organisations syndicales la totalité des indicateurs listés à l'article R. 2312-9 du code du travail, l'arrêt retient que l'article L. 2242-17 du code du travail, applicable depuis le 1er janvier 2018, fait référence à la BDES qui contient les éléments devant être mis à disposition des organisations syndicales, que le contenu de cette base de données pour les entreprises d'au moins trois cents salariés était défini par l'article R. 2323-12 du code du travail, remplacé par l'article R. 2312-9 depuis le 1er janvier 2018 en application du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, et que la négociation ayant été engagée le 6 mars 2018, l'analyse des indicateurs devant être communiqués doit se faire au regard de l'article R. 2312-9 du code du travail.

10. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressortait de ses constatations ni la mise en place du comité social et économique au sein de la société ni la conclusion d'un accord au sens de l'article 8 de l'ordonnance précitée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables en référé les demandes du syndicat CGT-UFICT d'Ericsson France, de l'UGICT-CGT et de la fédération FTM-CGT Ericsson France, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 8 et 9, V, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; article L. 2247-17 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 ; article L. 2312-36, 2°, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ; article R. 2323-12 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1768 du 27 décembre 2017.

Soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.604, (B)

Cassation partielle

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation – Préjudice – Réparation – Indemnités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 octobre 2019), M. [B], salarié de la société Soprema depuis le 3 novembre 2008 et titulaire d'un mandat de conseiller prud'homme, a saisi la juridiction prud'homale, le 15 janvier 2010, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

En cours de procédure, le 1er avril 2010, il a été licencié pour faute par son employeur après obtention d'une autorisation administrative à cette fin.

L'autorisation administrative de licenciement a été annulée par un jugement du tribunal administratif en date du 12 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel le 24 février 2014.

Le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi contre la décision d'annulation par décision du 26 janvier 2015.

2. Le salarié a alors demandé à la juridiction prud'homale, toujours saisie de la demande de résiliation judiciaire, de prononcer cette résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, de dire que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de le condamner à verser à celui-ci les sommes de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 234 726 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, alors :

« 1°/ que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement en sorte que la juridiction prud'homale ne peut se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, en l'état d'un licenciement notifié au salarié sur le fondement d'une autorisation administrative, même annulée, a néanmoins prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et décidé que celle-ci produit les effets d'un licenciement nul, a violé les articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ en tout état de cause, que le contrat de travail du salarié protégé, qui a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail avant d'être licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement et ne peut donc pas prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur, ni à ce que la résiliation du contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul ; qu'en l'espèce, quand il est constant que le salarié a été licencié sur le fondement d'une autorisation administrative après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et n'a pas sollicité sa réintégration dans l'entreprise, la cour d'appel, en ayant néanmoins jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et condamné l'employeur à verser au salarié, outre des dommages et intérêts pour licenciement nul une indemnité pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il fait valoir qu'il est nouveau et incompatible avec la thèse soutenue devant la cour d'appel.

5. Cependant, ce moyen, qui est de pur droit, n'est pas incompatible avec l'argumentation développée en cause d'appel.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause :

7. Il résulte de ces textes que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement et que lorsque l'annulation est devenue définitive, le salarié a droit, d'une part, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, au paiement d'une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation, d'autre part, au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, et de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ces dispositions font obstacle à ce que la juridiction prud'homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture.

8. L'arrêt retient que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas demandé sa réintégration dans l'entreprise à la suite de l'annulation de l'autorisation de licenciement par le jugement du tribunal administratif rendu le 12 mars 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [B], dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul et condamne la société Soprema à payer à M. [B] la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et celle de 234 726 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail ; article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Soc., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-14.529, Bull. 2017, V, n° 177 (cassation).

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