Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 4 novembre 2021, n° 20-11.099, (B)

Rejet

Domaine d'application – Contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs – Personne morale – Non-professionnel – Exclusion – Cas – Commune

Une commune, qui est réputée agir pour régler les affaires de sa compétence, ne peut être qualifiée de non-professionnel au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et ne peut donc se prévaloir du caractère abusif d'une clause d'un contrat pour demander que cette clause soit réputée non écrite.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 novembre 2019), la société Dexia crédit local (la société Dexia), agissant pour elle-même et sa filiale, la société Dexia Municipal Agency, a consenti en 2010 à la commune de Nîmes quatre prêts destinés à refinancer des prêts antérieurs.

2. Le contrat de prêt n° MPH270207EUR, d'un montant de 11 028 053,81 euros et d'une durée de 8 ans et 10 mois, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,78 % par an si le CMS (« Constant Maturity Swap ») EUR 30 ans était inférieur ou égal à 7 % et que, dans le cas contraire, ce taux serait égal à la somme de 4,78 % et de cinq fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et 7 %.

3. Le contrat de prêt n° MON270199EUR, d'un montant de 12 651 604,89 euros et d'une durée de 11 ans, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,52 % par an si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans était supérieure ou égale à zéro et que, dans le cas contraire, ce taux serait égal à la différence entre 4,52 % et 4,5 fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans.

4. Le contrat de prêt n° MPH273353EUR, d'un montant de 11 033 990,88 euros et d'une durée de 10 ans et 11 mois, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,49 % par an pendant une première phase de 23 mois et que, pour la durée restante, ce taux serait égal à 4,49 % si l'indice Euribor 12 mois était inférieur à 6 % et égal à cet indice dans le cas contraire.

5. Le contrat de prêt n° MPH273723EUR, d'un montant de 31 464 009,02 euros et d'une durée de 21 ans et 7 mois, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,10 % par an pendant une première phase de 19 mois, que, pendant une deuxième phase de 18 ans, ce taux serait égal à 4,02 % par an si le cours de change de l'euro en francs suisses était supérieur ou égal au cours de change de l'euro en dollars US et, dans le cas contraire, égal à la somme de 4,02 % et de 28,25 % fois la différence entre le cours de change de l'euro en dollars US et le cours de change de l'euro en francs suisses, et que, pendant la durée restante, ce taux serait égal à l'indice Euribor 12 mois.

6. La commune a assigné la société Dexia, ainsi que la société Dexia Municipal Agency, devenue la société Caisse française de financement local (la société Caffil), et la Société de financement local, devenue la société Sfil, laquelle avait été chargée en 2013 de la gestion et du recouvrement des prêts inscrits au bilan de la société Caffil, aux fins de voir juger que les stipulations relatives au taux d'intérêt des prêts et au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé étaient réputées non écrites et, subsidiairement, de voir annuler la stipulation d'intérêts du contrat de prêt n° MPH273723EUR.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La commune fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir réputer non écrites les stipulations d'intérêt des contrats de prêts n° MPH273723EUR, n° MON270199EUR, n° MON270207EUR et n° MPH273353EUR et les clauses de ces contrats se rapportant au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, en raison de leur caractère abusif, alors « qu'une commune qui conclut des prêts afin de financer ses investissements n'exerce pas d'activité professionnelle en ce qu'elle agit dans un but d'intérêt général et non à des fins lucratives, et doit dès lors être considérée comme un non-professionnel ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner le grief tiré du caractère abusif des stipulations d'intérêt des contrats de prêt n° MPH273723EUR, n° MON270199EUR, n° MON270207EUR et n° MPH2733353EUR et de leurs clauses de remboursement anticipé respectives, que la commune ne pouvait être qualifiée de non-professionnel dès lors que les emprunts, contractés pour financer ses activités et notamment ses investissements, étaient « en rapport direct avec son activité », la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble l'article liminaire du même code. »

Réponse de la Cour

9. Une commune, qui est réputée agir pour régler les affaires de sa compétence, ne peut être qualifiée de non-professionnel au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et ne peut donc se prévaloir du caractère abusif d'une clause d'un contrat pour demander que cette clause soit réputée non écrite.

10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La commune fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de l'indexation sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD du taux d'intérêt du contrat référencé n° MPH273723EUR/29236, alors « qu'est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler l'indexation sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD, qu'en cas de déclenchement de la condition « l'indexation se trouv[ait] activée et [qu']elle s'appliqu[ait] à la hausse comme à la baisse du taux, tant que la condition suspensive res[ait] déclenchée », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Dexia ne pouvait pas bénéficier sans limite de la hausse du taux d'intérêt, contrairement à la commune qui devait payer un taux d'intérêt fixe de base en cas de baisse importante du taux d'intérêt indexé sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

12. Aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe jurisprudentiel, n'interdit aux parties à un contrat de prêt de prévoir une clause d'indexation du taux d'intérêt excluant la réciprocité de la variation de ce taux et, lorsque le contrat stipule le paiement d'intérêts à un taux variable, de convenir que, quelle que soit l'évolution des paramètres de calcul de ce taux, celui-ci demeurera supérieur à un plancher, inférieur à un plafond ou compris entre de telles limites.

13. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Lesourd -

Textes visés :

Article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; article L. 112-1 du code monétaire et financier.

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 20-11.683, (B)

Cassation

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel – Procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire – Recommandation de la commission de surendettement – Ordonnance conférant force exécutoire – Jugement statuant sur le recours en rétractation – Voies de recours – Appel

Il résulte de la combinaison des articles R. 331-9-2, Il et III, et R. 334-26 du code de la consommation que le jugement statuant sur le recours en rétractation formé par une partie à l'encontre d'une ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation aux fins de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire est susceptible d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 22 janvier 2019) et les productions, M. [V], créancier de M. [J], a formé un recours en rétractation et en interprétation à l'encontre d'une ordonnance du 7 mars 2013 ayant conféré force exécutoire à la recommandation d'une commission de surendettement aux fins de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

2. Le jugement rendu sur ce recours a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation (2e Civ., 7 avril 2016, pourvoi n° 14-29.204) et, statuant sur renvoi après cassation, le juge d'un tribunal d'instance a, par jugement du 16 octobre 2017, dit recevable M. [V] en son recours en rétractation, dit n'y avoir lieu de statuer sur le recours en interprétation et, statuant à nouveau, confirmé la recommandation de la commission, prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. [J], rappelé que, par application de l'article L. 741-3 du code de la consommation, le rétablissement personnel entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date du jugement prononçant le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire conformément à l'article L. 741-7 et exclu en conséquence de tout effacement la créance de M. [V].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel qu'il a formé à l'encontre du jugement du 16 octobre 2017, alors « que le jugement par lequel le juge se prononce sur la contestation de la recommandation aux fins de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire est susceptible d'appel ; qu'en estimant que le jugement du 16 octobre 2017 rendu sur recours en rétractation n'est pas susceptible d'appel, quand ce jugement a statué sur une contestation de la recommandation aux fins de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. [J], la cour d'appel a violé l'article R. 334-26 du code de la consommation dans sa version antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 331-9-2, II et III, et R. 334-26 du code de la consommation, alors en vigueur :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que le jugement statuant sur le recours en rétractation formé par une partie à l'encontre d'une ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation aux fins de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire est susceptible d'appel.

5. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient qu'en application de l'article R. 331-9-2, III, du code de la consommation, l'ordonnance du 7 mars 2013 a été rendue en dernier ressort mais est susceptible d'un recours en rétractation par toute partie intéressée qui n'a pas été mise en mesure de s'opposer à la demande, qu'il est statué sur le recours en rétractation par jugement et que, conformément au droit commun, ce jugement est en dernier ressort mais peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation s'il met fin à l'instance. Il ajoute que le taux du ressort doit être apprécié pour la procédure suivie et non par rapport à une autre procédure qui aurait pu intervenir sur contestation des mesures recommandées ou encore en fonction d'une procédure présentant des analogies. Il en déduit que le jugement du 16 octobre 2017 rendu sur recours en rétractation n'est pas susceptible d'appel et qu'il peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation, dès lors qu'il met fin à l'instance.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les texte susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Articles R. 331-9-2, Il et III, et R. 334-26 du code de la consommation.

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 20-15.008, (B)

Cassation

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Conditions – Impossibilité manifeste de faire face à ses dettes – Appréciation de la situation de surendettement – Éléments pris en compte – Impôt sur le revenu – Nature – Dette personnelle

L'impôt sur le revenu, qui frappe le revenu annuel net global d'un foyer fiscal, quelle que soit la source de ce revenu, selon des modalités prenant en considération la situation propre de ce foyer fiscal, n'est pas une dette professionnelle, mais personnelle, qui doit être prise en compte dans l'appréciation de la situation de surendettement.

Surendettement – Situation de surendettement – Caractérisation – Dettes personnelles – Impôt sur le revenu

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 mai 2019), M. et Mme [X] ont formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant préconisé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire afin d'effacer leurs dettes, principalement fiscales, dues à la suite du contrôle fiscal réalisé après la procédure pénale diligentée contre M. et Mme [X] pour des infractions en matière de stupéfiants et d'achats/ventes de véhicules avec l'argent issu de ce trafic.

2. Ils ont ensuite interjeté appel du jugement ayant statué sur leur recours.

3. Une cour d'appel a confirmé le jugement entrepris sauf en qu'il avait retenu la mauvaise foi de M. [X], a constaté la bonne foi de ce dernier et a confirmé que M. et Mme [X] étaient inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de dire qu'ils sont inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers, alors « que la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ; que les dettes professionnelles sont celles qui sont nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle ; que l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui frappe le revenu net global d'un foyer fiscal, quelle que soit l'origine, professionnelle ou pas, des sommes qui le composent, selon un barème et des règles qui prennent en considération la situation personnelle du contribuable, n'est pas né pour les besoins et au titre de l'activité professionnelle ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 711-1 du code de la consommation et 1 A du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 711-1 du code de la consommation et 1 A, 6 et 156 du code général des impôts :

5. Selon le premier de ces textes, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi et la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Selon le deuxième, l'impôt sur le revenu frappe le revenu net global du contribuable constitué par le total des revenus nets des différentes catégories légales, au nombre desquelles figurent les bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Selon le troisième, chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis, et les personnes mariées ou pacsées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge.

Selon le quatrième, l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal, déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent.

6. Pour dire que M. et Mme [X] sont inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers, l'arrêt retient que M. [X] est redevable auprès de l'administration fiscale de sommes au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de rehaussement de BIC et que ces deux créances fiscales ayant pris naissance dans l'activité professionnelle occulte de commerce de véhicules exercée par M. [X], elles revêtent un caractère professionnel, justifiant qu'elles soient écartées pour étudier la situation de surendettement des débiteurs.

7. En statuant ainsi, alors que l'impôt sur le revenu, qui frappe le revenu annuel net global d'un foyer fiscal, quelle que soit la source de ce revenu, selon des modalités prenant en considération la situation propre de ce foyer fiscal, n'est pas une dette professionnelle, mais personnelle, la cour d'appel, qui, au surplus, n'a pas opéré une distinction entre la dette due au titre de la TVA, de nature professionnelle, et la dette d'impôt sur le revenu, de nature personnelle, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation intervenue sur le chef de l'arrêt qui dit M. et Mme [X] inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers impliquant le réexamen par la cour d'appel de renvoi de l'ensemble des conditions prévues à l'article L. 711-1 du code de la consommation, la cassation de l'arrêt est totale.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 711-1 du code de la consommation ; articles 1 A, 6 et 156 du code général des impôts.

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