Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

PRET

1re Civ., 24 novembre 2021, n° 20-13.318, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Prêt à usage – Restitution de la chose – Action en restitution – Prescription – Article 2224 du code civil – Prescription quinquennale

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2019), la société Magnum photos est une coopérative photographique créée en 1947 et ayant pour activité la représentation de photographes et l'exploitation pour leur compte de droits de reproduction et de représentation de leurs oeuvres.

2. Au titre de ses activités, elle a remis pendant plusieurs années différents négatifs et planches-contact à la société Hachette Filipacchi associés (HFA) qui a procédé à des tirages de presse et les lui a restitués.

3. Le 19 juin 2013, la société Magnum photos a assigné la société HFA sur le fondement des articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, afin d'obtenir, d'une part, la restitution, sous astreinte, de tirages réalisées par celle-ci correspondant à des listings de photographies publiées dans le magazine Paris-Match au cours de la période s'étendant de 1949 à 1989 ainsi que dans les magazines Elle et Marie-Claire de 1962 à 1969, d'autre part, l'interdiction pour la société HFA de les vendre, enfin, la réparation de son préjudice.

La société HFA, aux droits de laquelle se trouve la société Lagardère média news (la société Lagardère) a opposé la prescription et le fait qu'elle était propriétaire des tirages réalisés à ses frais.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. la société Magnum photos fait grief à l'arrêt de dire irrecevables car prescrites ses demandes en restitution des tirages de presse de photographies antérieurement au 19 juin 1983, alors :

« 1°/ que les actions en restitution engagées par le déposant ou le prêteur d'un bien mobilier ou par toute autre personne qui remet à titre précaire une chose à autrui sont imprescriptibles et ne sont donc pas soumises au délai de prescription de droit commun des actions personnelles ou mobilières ; qu'en retenant, pour dire irrecevable, car prescrite, la demande de la société Magnum photos en restitution des tirages de presse de photographies parus antérieurement au 19 juin 1983, que cette demande relevait de la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil et, par refus d'application, l'article 2227 du code civil ;

2°/ que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, qui interrompt le délai de prescription, s'apprécie tant à l'égard du créancier ou de son ayant-droit que du mandataire de celui-ci ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable, car prescrite, la demande de la société Magnum photos en restitution des tirages de presse de photographies parus antérieurement au 19 juin 1983, que la restitution de tirages de presse qui était intervenue le 13 janvier 2001 au profit de [3] ne pouvait valoir reconnaissance d'un droit au profit de la société Magnum photos et qu'elle n'avait donc pas interrompu le délai de prescription de l'action en restitution formée par cette dernière, après avoir pourtant constaté que cette société agissait en qualité de mandataire de photographes ou de leurs ayants droit, dont la Fondation [3] qui l'avait investie d'un mandat ad agendum, en qualité d'ayant droit de [3], la cour d'appel, qui a apprécié exclusivement l'existence d'une reconnaissance interruptive de prescription par le débiteur à l'égard du mandataire du créancier et refusé de l'apprécier à l'égard de celui-ci, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, l'action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat constitue une action mobilière distincte de l'action en revendication, de sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la demande de restitution des tirages formée par la société Magnum photos était soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières.

6. D'autre part, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis, que la restitution de tirages intervenue le 13 janvier 2001 au profit d'[3] ne valait pas reconnaissance d'un droit au profit de la société Magnum photos pour tous les tirages dont elle réclamait la restitution.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société Magnum photos fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la société Lagardère de procéder directement ou indirectement à la vente de tous tirages de presse, comportant le tampon Photo Magnum ou Magnum photo ou la mention manuscrite ou tamponnée « Magnum » ou encore de la mention manuscrite du nom du photographe, alors :

« 1°/ que les supports matériels des tirages photographiques, qui constituent les fruits des négatifs dont ils sont issus, appartiennent originairement au propriétaire desdits négatifs, peu important que ce dernier les ait financés et réalisés et en ait la possession depuis l'origine, dès lors qu'il n'était pas propriétaire des négatifs ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la société Magnum photos tendant à interdire sous astreinte à la société Hachette Filipacchi associés, aux droits de laquelle est venue la société Lagardère média news, de procéder directement ou indirectement à la vente des tirages litigieux, que ces tirages étaient la propriété de la société Hachette Filipacchi associés, après avoir pourtant constaté que les négatifs à partir desquels les tirages avaient été réalisés avaient été remis à titre de dépôt par la société Magnum photos à Paris-Match pour leur édition, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la société Hachette Filipacchi associés, aux droits de laquelle est venue la société Lagardère média news, n'était pas la propriétaire desdits tirages a violé, par fausse application, les articles 544 et 2276 du code civil, et par refus d'application, les articles 547 et 548 du code civil, ensemble l'article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Magnum photos soutenait que si Paris-Match éditait une série de tirages de presse à partir des négatifs remis par la société Magnum photos, elle « pouvait décider de ne publier qu'une image, une sélection d'entre elles comme l'ensemble de ces photographies ou même renoncer à publier ledit reportage » ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la société Magnum photos tendant à interdire sous astreinte à la société Hachette Filipacchi associés, aux droits de laquelle est venue la société Lagardère média news, de procéder directement ou indirectement à la vente des tirages litigieux, qu'elle n'était pas fondée à invoquer le droit de divulgation reconnu à l'auteur par application de l'article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle qui lui donne le pouvoir de décider de rendre ou non publique son oeuvre puisqu'il était constant que les photographies concernées avaient déjà fait l'objet de publications, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Magnum par lesquelles cette dernière soutenait que toutes les photographies litigieuses n'avaient pas déjà été publiées et a ainsi violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, après avoir énoncé à bon droit que, dès lors que la société HFA avait financé les supports vierges et les frais techniques de développement, elle était la propriétaire originaire de ces supports et que la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l'objet matériel, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Lagardère, propriétaire des tirages litigieux, était en droit d'en disposer.

10. D'autre part, dès lors qu'il résultait des conclusions d'appel de la société Magnum photos que les tirages dont elle réclamait la restitution étaient ceux parus dans des titres de presse publiés par la société HFA entre 1949 et 1989, la cour d'appel n'a pas dénaturé ces écritures en retenant que les photographies concernées avaient déjà fait l'objet d'une publication.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

12. La société Lagardère fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes en restitution concernant seulement les tirages de presse de photographies parus antérieurement au 19 juin 1983, alors « que, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 prévoient qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en conséquence, le nouveau délai quinquennal s'applique aux actions personnelles ou mobilières dont la prescription n'était pas acquise au 19 juin 2008, et ce à compter de ce même jour, pour expirer au plus tard le 18 juin 2013 à minuit (ou 19 juin à 0 heure) ; que la cour d'appel a constaté à juste titre que, s'agissant des tirages de presse publiés antérieurement au 19 juin 1978, la prescription civile trentenaire était déjà acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu'elle a ensuite retenu que, « pour les prescriptions non encore acquises en vertu des anciennes dispositions légales lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008, le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 à 0 heure, sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder trente ans, de sorte que l'assignation délivrée le 19 juin 2013 n'a pas interrompu le délai de prescription, lequel était acquis le jour même à 0 heure » ; qu'il résultait de ces constatations de l'arrêt que l'action en restitution engagée par la société Magnum photos par assignation du 19 juin 2013, soit plus de cinq après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, était prescrite s'agissant de l'ensemble des tirages de presse litigieux, y compris ceux publiés entre le 19 juin 1978 et l'année 1989 ; qu'en énonçant que « le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que toute demande portant sur des tirages de clichés publiés antérieurement au 19 juin 1983 était prescrite », cependant que la prescription s'étendait à l'ensemble des demandes formées par la société Magnum photos, en ce compris celles concernant les clichés parus entre 1983 et 1989, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 2222 et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2222 et 2224 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

13. L'action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt, ou de mandat était soumise à une prescription de trente ans ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008.

14. Selon l'article 2222, alinéa 2, du même code, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

15. Il en résulte que dans le cas d'une telle action, dont le point de départ du délai de prescription se situait antérieurement au 19 juin 2008, la prescription était acquise le 18 juin 2013 à 24 heures.

16. Pour juger que seules les demandes de restitution portant sur des tirages publiés antérieurement au 19 juin 1983 étaient prescrites, l'arrêt énonce que, pour les prescriptions non encore acquises lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008, le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 à 0 heure, sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder trente ans, de sorte que l'assignation délivrée le 19 juin 2013 n'a pas interrompu le délai de prescription, lequel était déjà acquis le même jour à 0 heure.

17. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que la totalité des demandes portant sur les tirages publiés entre 1949 et 1989 était prescrite le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du grief

18. La société Magnum photos fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors « que la cassation d'un chef de dispositif entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute autre disposition qui entretient avec lui un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le deuxième ou le troisième moyens respectivement relatifs au rejet de la demande de la société Magnum photos en restitution (deuxième moyen) et au rejet de la demande tendant à l'interdiction de vendre les tirages de presse (troisième moyen) entraînera l'annulation par voie de conséquence du chef de dispositif rejetant sa demande en dommages-intérêts qui en était l'accessoire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

19. La cassation n'étant pas prononcée sur le troisième moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

Portée et conséquences de la cassation

20. D'une part, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, comme il est suggéré en défense.

21. La prescription de l'action de la société Magnum photos étant acquise le 18 juin 2013 à 24 heures, sa demande de restitution formée le 19 juin 2013 est irrecevable au titre de l'ensemble des tirages litigieux.

22. D'autre part, la cassation sans renvoi prononcée sur la seconde branche du moyen du pourvoi incident rend inopérant le deuxième moyen du pourvoi principal.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de restitution des tirages formée par la société Magnum photos, l'arrêt rendu le 31 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable comme prescrite l'action en restitution de l'ensemble des tirages formée par la société Magnum photos.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Com., 4 novembre 2021, n° 20-11.099, (B)

Rejet

Prêt d'argent – Indexation conventionnelle – Clause excluant la réciprocité de la variation du taux d'intérêt – Validité

Aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe jurisprudentiel, n'interdit aux parties à un contrat de prêt de prévoir une clause d'indexation du taux d'intérêt excluant la réciprocité de la variation de ce taux et, lorsque le contrat stipule le paiement d'intérêts à un taux variable, de convenir que, quelle que soit l'évolution des paramètres de calcul de ce taux, celui-ci demeurera supérieur à un plancher, inférieur à un plafond ou compris entre de telles limites.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 novembre 2019), la société Dexia crédit local (la société Dexia), agissant pour elle-même et sa filiale, la société Dexia Municipal Agency, a consenti en 2010 à la commune de Nîmes quatre prêts destinés à refinancer des prêts antérieurs.

2. Le contrat de prêt n° MPH270207EUR, d'un montant de 11 028 053,81 euros et d'une durée de 8 ans et 10 mois, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,78 % par an si le CMS (« Constant Maturity Swap ») EUR 30 ans était inférieur ou égal à 7 % et que, dans le cas contraire, ce taux serait égal à la somme de 4,78 % et de cinq fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et 7 %.

3. Le contrat de prêt n° MON270199EUR, d'un montant de 12 651 604,89 euros et d'une durée de 11 ans, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,52 % par an si la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans était supérieure ou égale à zéro et que, dans le cas contraire, ce taux serait égal à la différence entre 4,52 % et 4,5 fois la différence entre le CMS EUR 30 ans et le CMS EUR 2 ans.

4. Le contrat de prêt n° MPH273353EUR, d'un montant de 11 033 990,88 euros et d'une durée de 10 ans et 11 mois, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,49 % par an pendant une première phase de 23 mois et que, pour la durée restante, ce taux serait égal à 4,49 % si l'indice Euribor 12 mois était inférieur à 6 % et égal à cet indice dans le cas contraire.

5. Le contrat de prêt n° MPH273723EUR, d'un montant de 31 464 009,02 euros et d'une durée de 21 ans et 7 mois, stipulait que le taux d'intérêt serait égal à 4,10 % par an pendant une première phase de 19 mois, que, pendant une deuxième phase de 18 ans, ce taux serait égal à 4,02 % par an si le cours de change de l'euro en francs suisses était supérieur ou égal au cours de change de l'euro en dollars US et, dans le cas contraire, égal à la somme de 4,02 % et de 28,25 % fois la différence entre le cours de change de l'euro en dollars US et le cours de change de l'euro en francs suisses, et que, pendant la durée restante, ce taux serait égal à l'indice Euribor 12 mois.

6. La commune a assigné la société Dexia, ainsi que la société Dexia Municipal Agency, devenue la société Caisse française de financement local (la société Caffil), et la Société de financement local, devenue la société Sfil, laquelle avait été chargée en 2013 de la gestion et du recouvrement des prêts inscrits au bilan de la société Caffil, aux fins de voir juger que les stipulations relatives au taux d'intérêt des prêts et au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé étaient réputées non écrites et, subsidiairement, de voir annuler la stipulation d'intérêts du contrat de prêt n° MPH273723EUR.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La commune fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir réputer non écrites les stipulations d'intérêt des contrats de prêts n° MPH273723EUR, n° MON270199EUR, n° MON270207EUR et n° MPH273353EUR et les clauses de ces contrats se rapportant au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, en raison de leur caractère abusif, alors « qu'une commune qui conclut des prêts afin de financer ses investissements n'exerce pas d'activité professionnelle en ce qu'elle agit dans un but d'intérêt général et non à des fins lucratives, et doit dès lors être considérée comme un non-professionnel ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner le grief tiré du caractère abusif des stipulations d'intérêt des contrats de prêt n° MPH273723EUR, n° MON270199EUR, n° MON270207EUR et n° MPH2733353EUR et de leurs clauses de remboursement anticipé respectives, que la commune ne pouvait être qualifiée de non-professionnel dès lors que les emprunts, contractés pour financer ses activités et notamment ses investissements, étaient « en rapport direct avec son activité », la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble l'article liminaire du même code. »

Réponse de la Cour

9. Une commune, qui est réputée agir pour régler les affaires de sa compétence, ne peut être qualifiée de non-professionnel au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et ne peut donc se prévaloir du caractère abusif d'une clause d'un contrat pour demander que cette clause soit réputée non écrite.

10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La commune fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de l'indexation sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD du taux d'intérêt du contrat référencé n° MPH273723EUR/29236, alors « qu'est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler l'indexation sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD, qu'en cas de déclenchement de la condition « l'indexation se trouv[ait] activée et [qu']elle s'appliqu[ait] à la hausse comme à la baisse du taux, tant que la condition suspensive res[ait] déclenchée », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Dexia ne pouvait pas bénéficier sans limite de la hausse du taux d'intérêt, contrairement à la commune qui devait payer un taux d'intérêt fixe de base en cas de baisse importante du taux d'intérêt indexé sur le différentiel des cours de change EUR/CHF et EUR/USD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

12. Aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe jurisprudentiel, n'interdit aux parties à un contrat de prêt de prévoir une clause d'indexation du taux d'intérêt excluant la réciprocité de la variation de ce taux et, lorsque le contrat stipule le paiement d'intérêts à un taux variable, de convenir que, quelle que soit l'évolution des paramètres de calcul de ce taux, celui-ci demeurera supérieur à un plancher, inférieur à un plafond ou compris entre de telles limites.

13. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Lesourd -

Textes visés :

Article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; article L. 112-1 du code monétaire et financier.

1re Civ., 10 novembre 2021, n° 19-24.386, (B)

Cassation partielle

Prêt d'argent – Terme – Déchéance – Application – Modalités

Lorsqu'une mise en demeure, adressée par la banque à l'emprunteur et précisant qu'en l'absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l'expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification.

Prêt d'argent – Terme – Déchéance – Notification – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 septembre 2019), suivant acte notarié du 13 octobre 2006, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti un prêt immobilier à la société civile immobilière JT (la SCI).

Par acte sous seing privé du 6 juillet 2006, MM. [L], [T] et [B] (les cautions), associés de la SCI, se sont portés cautions solidaires personnelles de celle-ci.

2. Le 12 mars 2009, la banque a mis en demeure la SCI et les cautions de régler les échéances impayées dans un délai de quinze jours, en précisant que, passé ce délai, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendrait effet.

3. Après avoir, le 22 avril 2014, délivré de nouvelles mises en demeure à celles-ci de payer le solde du prêt, en invoquant une cession de créance à son profit, la société Le Fonds commun de titrisation dénommé Hugo créances II (le Fonds), représenté par la société de gestion GTI Asset management, a assigné les cautions en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Le Fonds fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que, lorsque la déchéance du terme est subordonnée à la délivrance d'une mise en demeure préalable, elle intervient dès lors que l'emprunteur n'a pas fait obstacle à l'exigibilité anticipée dans le délai imparti en régularisant les échéances impayées ; que le prêteur n'est nullement tenu, au surplus, de notifier au prêteur, à l'expiration du délai imparti, la déchéance du terme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 12 mars 2009, la banque avait clairement indiqué à la SCI JT et à ses cautions que la déchéance du terme interviendrait à l'expiration d'un délai de quinze jours, en l'absence de régularisation des échéances impayées ; qu'il en résultait que la déchéance du terme était intervenue le 27 mars 2009 ; qu'en retenant pourtant que le prêteur ne pouvait être dispensé « de notifier aux emprunteurs la déchéance du terme qui relève d'une décision laissée à sa propre discrétion et qui doit intervenir à une date précise et certaine », la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, en violation des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Il résulte de ces textes que, lorsqu'une mise demeure, adressée par la banque à l'emprunteur et précisant qu'en l'absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l'expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification.

6. Pour rejeter la demande en paiement formée contre les cautions, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que, nonobstant les termes du contrat excluant, en cas de non-paiement d'une échéance, la nécessité d'une mise en demeure préalable à l'exigibilité de toutes les sommes dues au titre du prêt, la banque a procédé à une mise en demeure, et qu'à défaut de régularisation dans le délai imparti, elle n'a pu se trouver dispensée de notifier aux emprunteurs la déchéance du terme.

7. En statuant ainsi, alors que, faute de règlement par la SCI et les cautions dans le délai de quinze jours imparti par la banque, la déchéance du terme était acquise le 27 mars 2009, sans que la banque soit tenue d'en notifier le prononcé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Le Fonds commun de titrisation, dénommé Hugo créances 2, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Avel - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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