Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

POUVOIRS DU PREMIER PRESIDENT

2e Civ., 10 novembre 2021, n° 20-14.433, (B)

Cassation

Contestation en matière d'honoraires d'avocat – Office du juge – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Dijon, 7 janvier 2020) et les productions, Mme [K], avocate au sein de la société d'avocats BLKS et Cuinat (l'avocate), est intervenue, à la demande de M. [E] [S] pour la défense des intérêts de son frère, M. [Y] [S].

2. Le 19 janvier 2017, l'avocate a adressé à M. [E] [S] une facture d'un montant de 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC, correspondant aux diligences effectuées dans ce dossier.

3. M. [E] [S] ayant refusé de régler cette facture, l'avocate a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 4] d'une demande de fixation de ses honoraires.

4. M. [E] [S], soutenant que le seul client de l'avocate est son frère, a sollicité du premier président, saisi du recours formé contre la décision rendue par le bâtonnier, un sursis à statuer dans l'attente de la décision qui serait rendue par la juridiction compétente pour trancher la question de l'identité du débiteur des honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [E] [S] fait grief à l'ordonnance de dire n'y avoir lieu à surseoir à statuer, alors « que toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence doit surseoir à statuer lorsqu'elle a à connaître de moyens de défense relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; qu'en l'espèce, la première présidente de la cour d'appel était saisie d'une demande de sursis à statuer de M. [E] [S] qui soutenait que le juge de l'honoraire n'était pas compétent pour connaître de la contestation relative à la personne du débiteur ; que la juridiction, qui a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la juridiction compétente pour trancher cette question préalable de compétence posée par M. [E] [S], a violé l'article 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 49 et 378 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et les articles 49 et 378 du code de procédure civile :

6. Il résulte du premier de ces textes que la procédure de contestation en matière d'honoraires d'avocats concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires, à l'exclusion, notamment, de celles afférentes à la désignation du débiteur de l'honoraire.

En application des deux derniers, le premier président, saisi d'une contestation relative à l'identité du débiteur des honoraires, doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente pour en connaître.

7. Pour dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer, l'ordonnance retient qu'il résulte des pièces produites que, même si le bénéficiaire de l'assistance de Mme [K] est M. [Y] [S], il n'en demeure pas moins que l'avocate, qui n'était pas de permanence pénale, est intervenue pour la défense de M. [Y] [S] à la demande de M. [E] [S] et qu'elle ne l'a défendu qu'en raison des liens confraternels qu'elle entretenait avec ce dernier et que, dès lors, c'est à juste titre qu'elle sollicite la rémunération de sa prestation envers celui qui l'a mandatée.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations qu'était contestée l'identité du débiteur des honoraires réclamés, le premier président, qui devait, dès lors, surseoir à statuer sur la fixation des honoraires dans l'attente de la décision de la juridiction compétente pour statuer sur cette question préalable, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'ordonnance en ce qu'elle rejette la demande de sursis à statuer entraîne la cassation du chef de dispositif confirmant l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 4] du 7 mars 2019 ayant condamné M. [E] [S] à payer à la société BLKS et Cuinat / Maître [K] la somme de 3 000 euros, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 7 janvier 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; article 49 du code de procédure civile ; article 378 du code de procédure civile.

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