Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

IMPOTS ET TAXES

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 20-15.008, (B)

Cassation

Contributions directes – Impôt sur le revenu – Nature – Dette personnelle

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 mai 2019), M. et Mme [X] ont formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant préconisé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire afin d'effacer leurs dettes, principalement fiscales, dues à la suite du contrôle fiscal réalisé après la procédure pénale diligentée contre M. et Mme [X] pour des infractions en matière de stupéfiants et d'achats/ventes de véhicules avec l'argent issu de ce trafic.

2. Ils ont ensuite interjeté appel du jugement ayant statué sur leur recours.

3. Une cour d'appel a confirmé le jugement entrepris sauf en qu'il avait retenu la mauvaise foi de M. [X], a constaté la bonne foi de ce dernier et a confirmé que M. et Mme [X] étaient inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de dire qu'ils sont inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers, alors « que la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ; que les dettes professionnelles sont celles qui sont nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle ; que l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui frappe le revenu net global d'un foyer fiscal, quelle que soit l'origine, professionnelle ou pas, des sommes qui le composent, selon un barème et des règles qui prennent en considération la situation personnelle du contribuable, n'est pas né pour les besoins et au titre de l'activité professionnelle ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 711-1 du code de la consommation et 1 A du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 711-1 du code de la consommation et 1 A, 6 et 156 du code général des impôts :

5. Selon le premier de ces textes, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi et la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Selon le deuxième, l'impôt sur le revenu frappe le revenu net global du contribuable constitué par le total des revenus nets des différentes catégories légales, au nombre desquelles figurent les bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Selon le troisième, chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis, et les personnes mariées ou pacsées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge.

Selon le quatrième, l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal, déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent.

6. Pour dire que M. et Mme [X] sont inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers, l'arrêt retient que M. [X] est redevable auprès de l'administration fiscale de sommes au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de rehaussement de BIC et que ces deux créances fiscales ayant pris naissance dans l'activité professionnelle occulte de commerce de véhicules exercée par M. [X], elles revêtent un caractère professionnel, justifiant qu'elles soient écartées pour étudier la situation de surendettement des débiteurs.

7. En statuant ainsi, alors que l'impôt sur le revenu, qui frappe le revenu annuel net global d'un foyer fiscal, quelle que soit la source de ce revenu, selon des modalités prenant en considération la situation propre de ce foyer fiscal, n'est pas une dette professionnelle, mais personnelle, la cour d'appel, qui, au surplus, n'a pas opéré une distinction entre la dette due au titre de la TVA, de nature professionnelle, et la dette d'impôt sur le revenu, de nature personnelle, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation intervenue sur le chef de l'arrêt qui dit M. et Mme [X] inéligibles à la procédure de surendettement des particuliers impliquant le réexamen par la cour d'appel de renvoi de l'ensemble des conditions prévues à l'article L. 711-1 du code de la consommation, la cassation de l'arrêt est totale.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 711-1 du code de la consommation ; articles 1 A, 6 et 156 du code général des impôts.

Com., 24 novembre 2021, n° 19-17.281, (B)

Rejet

Enregistrement – Droits de mutation – Mutation à titre onéreux d'immeubles – Exonération – Achat en vue de la revente – Exclusion – Cas – Cession du seul bien immobilier d'une société

Ayant exactement énoncé que le bénéfice du régime de faveur institué par l'article 1115 du code général des impôts suppose la conservation du caractère immobilier du bien concerné entre son acquisition et sa revente et que l'administration fiscale peut constater la déchéance de ce régime, avant l'expiration du délai de cinq ans, lorsque celle-ci est fondée sur un autre motif que le non-respect du délai imparti pour revendre, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a retenu qu'en cédant le seul bien immobilier de son patrimoine, une société avait fait perdre à ses parts sociales leur nature immobilière et que leur acquéreur ne pouvait plus prétendre au bénéfice dudit régime.

Enregistrement – Droit de mutation – Mutation à titre onéreux d'immeubles – Exonération – Achat en vue de la revente – Déchéance du régime de faveur avant le délai de cinq ans – Condition

Enregistrement – Droit de mutation – Mutation à titre onéreux d'immeubles – Exonération – Achat en vue de la revente – Nature immobilière des parts sociales – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2019) et les productions, la société Hellier du Verneuil a acquis, le 7 juin 2011, la totalité des parts de la SARL Omnium de Paris, société à prépondérance immobilière, en se plaçant sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du code général des impôts.

2. Le 29 septembre 2011, la société Omnium de Paris a cédé l'immeuble constituant son seul patrimoine immobilier.

3. Le 16 décembre 2013, l'administration fiscale, considérant que la société Omnium de Paris avait, en raison de cette cession, perdu sa nature de société à prépondérance immobilière, a notifié à la société Hellier du Verneuil une proposition de rectification prononçant la déchéance du régime de faveur dont elle avait bénéficié.

4. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation contentieuse, la société Hellier du Verneuil a assigné l'administration fiscale en décharge totale des rappels de droits d'enregistrement réclamés et des pénalités et intérêts de retard afférents.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Hellier du Verneuil fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant déboutée de sa demande de décharge des rappels de droits d'enregistrement et des pénalités et intérêts de retard y afférents mis à sa charge, alors « que selon l'article 1115 du code général des impôts, sous réserve des dispositions de l'article 1020, les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans ; que, par ailleurs, l'article 1840 G ter, I, du même code dispose que : « Lorsqu'une exonération ou une réduction de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière ou de taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière a été obtenue en contrepartie du respect d'un engagement ou de la production d'une justification, le non-respect de l'engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l'obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée.

Les droits, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, doivent être acquittés dans le mois qui suit, selon le cas, la rupture de l'engagement ou l'expiration du délai prévu pour produire la justification requise » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un acquéreur qui a pris l'engagement de revendre des titres d'une société à prépondérance immobilière ne peut être soumis avant l'expiration du délai légal aux droits de mutation que si la cause invoquée par l'administration fiscale pour justifier de la déchéance du régime de faveur avant l'expiration du délai légal de revente produise un effet définitif ; que la cession, pendant la période intercalaire, d'un immeuble détenu par une société à prépondérance immobilière dont les titres font l'objet d'un engagement de revente ne revêt pas un effet définitif justifiant la déchéance prématurée du régime de l'article 1115 du code général des impôts, dès lors qu'avant l'expiration du délai légal, elle procède à l'acquisition d'un bien immobilier et demeure une société à prépondérance immobilière ; en jugeant que le bénéfice de l'exonération de l'article 1115 du code général des impôts suppose une conservation continue du caractère immobilier du bien concerné entre son acquisition et sa revente, cependant qu'une telle condition n'est pas au nombre des causes produisant un effet définitif justifiant de la déchéance du régime de faveur avant l'expiration du délai légal de revente des titres d'une société à prépondérance immobilière, la cour d'appel a violé l'article 1115 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir exactement énoncé, par motifs propres et adoptés, que le bénéfice du régime de faveur institué par l'article 1115 du code général des impôts suppose la conservation du caractère immobilier du bien concerné entre son acquisition et sa revente et que l'administration fiscale n'est pas tenue d'attendre l'expiration du délai de cinq ans pour constater la déchéance de ce régime fondée sur un autre motif que le non-respect du délai imparti pour revendre, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en cédant le seul bien immobilier de son patrimoine, le 29 septembre 2011, la société Omnium de Paris a fait perdre à ses parts sociales leur nature immobilière et que la société Hellier du Verneuil ne pouvait dès lors plus prétendre au bénéfice du régime de faveur institué par l'article 1115 du code général des impôts.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1115 du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité pour un bien qualifié d'immeuble lors de son acquisition de conserver sa nature immobilière lors de sa revente avant l'expiration du délai légal, à rapprocher : Com., 24 novembre 1981, pourvoi n° 80-13.395, Bull. IV, 1981, n° 408 (rejet).

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