Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

ETRANGER

1re Civ., 17 novembre 2021, n° 20-17.139, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Exclusion – Obligation de quitter le territoire – Mesure non exécutée

Un étranger ne peut pas être placé en rétention administrative sur le fondement d'une interdiction de retour sur le territoire français alors que l'obligation de quitter ce territoire, qui date de plus d'un an, n'a pas été exécutée.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Metz, 6 janvier 2020), le 27 octobre 2018, le préfet a prononcé à l'égard de M. [I], de nationalité serbe, une obligation de quitter le territoire français et une interdiction de retour pendant trente-six mois.

Le 2 janvier 2020, il l'a placé en rétention administrative en exécution de cette interdiction.

2. Le 3 janvier 2020, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [I] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 512-1, III, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 552-1 du même code.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [I] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de décider de la prolongation de la mesure, alors « que le placement en rétention administrative n'est possible en application des dispositions du I de l'article L. 551-1 et du 6° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à l'égard de l'étranger qui a violé une interdiction de retour et qui doit, en conséquence, être reconduit à la frontière ; que la violation de l'interdiction de retour suppose que l'étranger revienne en France après avoir exécuté une obligation de quitter le territoire français ; qu'en jugeant, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, que serait parfaitement légale la décision du 2 janvier 2020 de placer M. [I] en rétention administrative fondée sur l'interdiction de retour pour une durée de 38 mois dont était assortie l'obligation de quitter le territoire français sans délai édictée par l'arrêté préfectoral du 27 octobre 2018, après avoir pourtant constaté que M. [I] n'avait jamais exécuté cette obligation de quitter le territoire français, ce qui excluait nécessairement toute méconnaissance d'une interdiction de retour, la première présidente de la cour d'appel a violé les articles L. 551-1, I et L. 561-2, I, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 551-1, I, et L. 561-2, I, 6°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018 -187 du 20 mars 2018 :

4. Selon ces textes, l'étranger qui doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français et qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement peut être placé en rétention administrative.

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, (CJUE, 26 juillet 2017, C-225/16, Ouhrami, point 49), que, jusqu'au moment de l'exécution volontaire ou forcée de l'obligation de retour et, par conséquent, du retour effectif de l'intéressé dans son pays d'origine, un pays de transit ou un autre pays tiers, au sens de l'article 3, point 3, de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, le séjour irrégulier de l'intéressé est régi par la décision de retour et non pas par l'interdiction d'entrée, laquelle ne produit ses effets qu'à partir de ce moment, en interdisant à l'intéressé, pendant une certaine période après son retour, d'entrer et de séjourner de nouveau sur le territoire des États membres.

6. Pour rejeter la requête de M. [I] en contestation de la décision de placement en rétention, l'ordonnance retient que celui-ci a, le 27 octobre 2018, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour pour une durée de trente-six mois, et que la mesure de rétention, fondée sur cette interdiction, est légale et justifiée.

7. En statuant ainsi, alors que l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas été exécutée, ce qui excluait toute méconnaissance d'une interdiction de retour, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable l'appel formé par M. [I], l'ordonnance rendue le 6 janvier 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Metz ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : Mme Caron-Deglise et M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles L. 551-1, I, et L. 561-2, I, 6°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018 -187 du 20 mars 2018.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 5 juillet 2012, pourvoi n° 11-19.250, Bull. 2012, I, n° 158 (cassation partielle sans renvoi).

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