Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 17 novembre 2021, n° 20-20.821, (B)

Rejet

Liquidation judiciaire – Créanciers – Déclaration notariée d'insaisissabilité – Cessation d'activité de l'entrepreneur – Conséquences

Selon l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015 applicable en la cause, la déclaration notariée d'insaisissabilité que peut faire publier la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration.

Organes – Liquidateur – Déclaration d'insaisissabilité – Opposabilité – Durée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 juillet 2020), M. [M], entrepreneur individuel, a, le 19 novembre 2013, déclaré insaisissables ses droits sur une maison d'habitation lui appartenant ainsi qu'à son épouse commune en biens. Cette déclaration a été publiée le 28 novembre 2013 au service de la publicité foncière et le 23 juin 2014 au répertoire des métiers.

2. Après avoir fait publier au répertoire des métiers la cessation de son activité professionnelle le 9 février 2015, M. [M] a déclaré la cessation de ses paiements. Sa liquidation judiciaire a été ouverte le 30 juin 2015.

La société [N] et Associés, aux droits de laquelle se trouve la société Egide, a été désignée en qualité de liquidateur.

3. M. [M] lui ayant opposé les dispositions de la déclaration notariée d'insaisissabilité, le liquidateur l'a assigné en inopposabilité de celle-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer opposable à la liquidation judiciaire de M. [M] la déclaration d'insaisissabilité du 19 novembre 2013, alors « qu' aux termes de l'article 526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, qui est d'interprétation stricte, « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel » ; qu'il s'en évince que la perte de la qualité d'exploitant professionnel de M. [M] du fait de sa radiation au répertoire des métiers intervenue le 9 février 2015 soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire en date du 30 juin 2015 a nécessairement eu pour conséquence d'entraîner la cessation des effets de la déclaration notariée d'insaisissabilité ; qu'en décidant cependant que lorsqu'une procédure collective a été régulièrement ouverte au bénéfice de l'exploitant, fut il radié du registre professionnel la déclaration d'insaisissabilité du bien litigieux est opposable au liquidateur judiciaire en dépit du fait que le débiteur a radié son activité quelques mois avant le dépôt de bilan motif pris que l'article susvisé vise à protéger certains biens de l'exploitant dans le cadre de son activité professionnelle à l'égard de ses créanciers professionnels, la cour d'appel a violé l'article 526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015, applicable en la cause, la déclaration notariée d'insaisissabilité que peut faire publier la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Il en résulte que les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard (président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Gouz-Fitoussi -

Textes visés :

Article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015.

Com., 17 novembre 2021, n° 20-14.420, n° 20-14.582, (B)

Rejet

Liquidation judiciaire – Patrimoine – Revendication – Action en revendication – Revendication à l'encontre du sous-acquéreur – Conditions – Mauvaise foi du sous-acquéreur

La cour d'appel qui, en raison de la revente, par une société soumise à une procédure collective, de marchandises qui lui ont été vendues avec réserve de propriété, est saisie d'une demande de revendication formée par le vendeur contre le sous-acquéreur lui aussi soumis à une procédure collective, statue sur le fondement des dispositions de droit commun de l'article 2276 du code civil, et non sur celles de l'article L. 624-16 du code de commerce. Par conséquent, la cour d'appel doit rechercher non si ces marchandises se retrouvaient en nature dans le patrimoine du sous-acquéreur lors de l'ouverture de sa procédure collective, mais si celui-ci était entré en leur possession de mauvaise foi.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-14.420 et 20-14.582 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2020, RG n° 18/27059), par trois jugements du 4 mai 2017, un tribunal de commerce a mis en redressement judiciaire les sociétés Agora distribution, Lilnat, et Vetura, sociétés appartenant au groupe Tati, la première assurant la fonction de centrale d'achat au profit des autres.

3. Par un jugement du 26 juin 2017, le plan de cession de la société Agora distribution à la société groupe Philippe Ginestet, qui s'est ensuite substitué les sociétés Tati diffusion et Tati mag, a été arrêté.

4. Par des jugements du 20 juillet 2017, le redressement judiciaire des sociétés Agora distribution, Lilnat et Vetura a été converti en liquidation judiciaire, M. [H], exerçant au sein de la société MJS Partners, et la société MJA étant désignés en qualité de liquidateurs.

5. N'ayant obtenu qu'une satisfaction partielle à la revendication qu'elle avait exercée auprès des administrateurs de la société Agora distribution, la société Luance, après avoir déclaré une créance de 156 430,28 euros au passif de la société Lilnat et vainement présenté, le 5 juillet 2017, une demande de revendication aux administrateurs judiciaires de cette société a, par une requête du 28 août 2017, saisi le juge-commissaire pour revendiquer en nature les biens visés dans ses factures et vendus avec réserve de propriété.

6. Une ordonnance du 19 mars 2018 ayant rejeté sa requête, la société Luance a formé un recours.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° 20-14.420 et sur le moyen du pourvoi n° 20-14.582, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-14.582, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

8. Les liquidateurs de la société Lilnat font grief à l'arrêt d'ordonner la restitution en nature des biens revendiqués, alors « que l'une des conditions de la revendication, par un créancier, auprès du sous-acquéreur de mauvaise foi en liquidation judiciaire, est la possession desdits biens, autrement dit, leur existence en nature dans le patrimoine de la société au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective ; que la cour d'appel, pour statuer comme elle l'a fait, n'a pas constaté l'existence des biens revendiqués au jour du jugement d'ouverture ; que ce faisant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-16 du code de commerce ensemble l'article 2276 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Saisie, en raison de la revente des marchandises par la société Agora distribution à la société Lilnat, d'une demande de revendication en nature fondée sur les dispositions de droit commun de l'article 2276 du code civil et non sur celles de l'article L. 624-16 du code de commerce, la cour d'appel devait rechercher, non pas si les marchandises se retrouvaient en nature dans le patrimoine de la société Lilnat, sous-acquéreur, lors de l'ouverture de sa procédure collective, mais si cette société était entrée en leur possession de mauvaise foi.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article L. 624-16, alinéa 2, du code de commerce ; article 2276 du code civil.

Com., 17 novembre 2021, n° 19-50.067, (B) (R)

Cassation partielle sans renvoi

Procédure (dispositions générales) – Organes de la procédure – Tribunal – Tribunal de commerce spécialement désigné – Compétence

Selon l'article L. 721-8 du code de commerce, des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire lorsque le débiteur répond à certains critères relatifs au nombre de salariés ou au montant net du chiffre d'affaires.

Ce texte, qui ne prive pas le tribunal de commerce non spécialement désigné du pouvoir juridictionnel de connaître de ces procédures lorsque les seuils qu'il prévoit ne sont pas atteints, détermine une règle de répartition de compétence entre les juridictions appelées à connaître des procédures, dont l'inobservation est sanctionnée par une décision d'incompétence, et non par une décision d'irrecevabilité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 novembre 2019), par un jugement du 2 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne, après s'être déclaré compétent, a ouvert le redressement judiciaire de la société Laurent père et fils (la société Laurent).

Les sociétés MJ Alpes et Berthelot ont été désignées mandataires judiciaires.

Les sociétés AJ UP et FHB ont été nommées administrateurs judiciaires.

Le ministère public a fait appel du jugement.

2. Par un jugement du 4 décembre 2019, la société Laurent a été mise en liquidation judiciaire, les sociétés MJ Alpes et Berthelot étant désignées liquidateurs.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. Les sociétés MJ Alpes, AJ UP et FHB, ès qualités, font grief à l'arrêt de dire recevables les demandes du ministère public tendant à ce que soit relevée d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Etienne et à ce que ce tribunal soit déclaré incompétent pour connaître de la situation de la société Laurent, relevant de la compétence d'un tribunal de commerce spécialisé, alors « que les exceptions de procédure, telles qu'une exception d'incompétence, doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, même lorsque les règles invoquées sont d'ordre public ; que le tribunal de commerce compétent pour connaître de l'ouverture d'une procédure collective est en principe celui du ressort dans lequel le débiteur exploite son activité artisanale ou commerciale ; que, par exception, notamment lorsque l'entreprise réalise un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros, le tribunal compétent est le tribunal de commerce spécialisé dans le ressort duquel se situe l'activité du débiteur ; qu'en l'espèce, les sociétés AJ Up et MJ Alpes, ès qualités respectivement d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Laurent père et fils, soutenaient que l'exception d'incompétence selon laquelle seul le tribunal de commerce spécialisé de Lyon pouvait connaître de l'ouverture de la procédure collective de la société Laurent père et fils, plutôt que le tribunal de commerce de Saint-Étienne, était irrecevable dès lors qu'elle n'avait pas été soulevée dès la première instance et in limine litis ; que la cour d'appel a néanmoins considéré que le ministère public invoquait le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne, ce qui constituait une fin de non-recevoir et non une exception de procédure, pouvant dès lors être invoquée en tout état de cause ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne pour connaître de l'ouverture de la procédure collective de la société Laurent père et fils, en raison du montant de son chiffre d'affaires, constituait une exception de procédure et non une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé les articles 74, 75 et 122 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 721-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 721-8 du code de commerce et l'article 74 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire lorsque le débiteur répond à certains critères relatifs au nombre de salariés ou au montant net du chiffre d'affaires. Ce texte ne prive pas le tribunal de commerce non spécialement désigné du pouvoir juridictionnel de connaître de ces procédures lorsque les seuils qu'il prévoit ne sont pas atteints mais détermine une règle de répartition de compétence entre les juridictions appelées à connaître des procédures, dont l'inobservation est sanctionnée par une décision d'incompétence et non par une décision d'irrecevabilité.

6. Pour déclarer recevables les demandes du ministère public tendant à obtenir de la cour d'appel qu'elle relève d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Etienne, et qu'elle déclare ce tribunal incompétent pour connaître de la situation de la société Laurent, au motif qu'elle serait de la compétence d'un tribunal de commerce spécialisé, l'arrêt, après avoir relevé que le ministère public avait requis, devant le tribunal, l'ouverture de la procédure collective sans solliciter le dessaisissement au profit d'un tribunal spécialisé, retient que le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Etienne sur le fondement de l'article L. 721-8 du code de commerce constitue non une exception d'incompétence, mais une fin de non-recevoir relevant de l'article 125 du code de procédure civile, au demeurant d'ordre public, pouvant être soulevée en tout état de cause.

7. En statuant ainsi, alors que la contestation par le ministère public de la compétence du tribunal de commerce de Saint Etienne pour connaître de la procédure collective de la société Laurent devait s'analyser, non en une fin de non-recevoir, mais en une exception d'incompétence, et que le ministère public, qui avait conclu au fond en première instance, n'était pas recevable à la soulever pour la première fois devant elle, la cour d'appel, qui, en application de l'article 76, alinéa 2, du code de procédure civile, n'aurait pu relever d'office l'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il déclare recevables les contestations par le ministère public de la compétence et du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Etienne, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel se prononce sur le chiffre d'affaires de la société Laurent pour retenir la compétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

9. Ainsi que le proposent les demandeurs au pourvoi incident, il est aussi fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui précède que la contestation du ministère public s'analysait en une exception d'incompétence qui était irrecevable à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevables les demandes du ministère public tendant à obtenir de la cour d'appel qu'elle déclare le tribunal de commerce de Saint-Etienne incompétent pour connaître de la situation de la société Laurent père et fils et qu'elle relève d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Etienne, en ce que, retenant un chiffre d'affaires inférieur à 40 000 000 euros, il dit que le tribunal de commerce de Saint-Etienne, pourvu du pouvoir juridictionnel de statuer, est compétent pour suivre la procédure collective de la société Laurent père et fils, et en ce qu'il déboute le ministère public de son appel visant au renvoi de la procédure devant le tribunal de commerce spécialisé de Lyon, l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable le ministère public en ses demandes tendant au renvoi de la procédure devant le tribunal de commerce de Lyon.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 721-8 du code de commerce.

Soc., 10 novembre 2021, n° 20-14.529, (B)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Période d'observation – Créanciers – Arrêt des poursuites individuelles – Effets – Déclaration de créance – Reprise de l'instance – Office du juge

Dès lors que, dans le cadre d'une instance en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective, une cour d'appel constate que les organes de la procédure étaient dans la cause, il lui appartenait de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif de la procédure collective, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2019), M. [M] a été engagé en qualité de conseiller clientèle puis de chef d'équipe au sein d'une agence de location de véhicule, exploitée en dernier lieu par la société Vavavoom (la société).

Le 22 décembre 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

3. Par jugement du 1er septembre 2017, le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et l'a condamné à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture.

L'employeur a interjeté appel le 6 octobre 2017.

4. La société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 9 novembre 2017, la société [H] étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 625-3 du code de commerce :

6. Il résulte de ce texte que les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective étant poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés, la demande en paiement d'une créance résultant d'un contrat de travail, antérieure au jugement d'ouverture est recevable dès lors que la juridiction prud'homale en est saisie avant l'ouverture de la procédure, et qu'après celle-ci, elle doit, après mise en cause des organes de la procédure, statuer sur son bien fondé et, le cas échéant, constater l'existence de la créance et en fixer le montant au passif de la procédure collective.

7. Pour déclarer irrecevables les demandes du salarié en paiement, l'arrêt retient que du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société, le salarié ne pouvait que réclamer la fixation de sa créance à son passif, à l'exclusion de toute condamnation visant cette personne morale.

8. En statuant ainsi, alors qu'ayant constaté que le liquidateur judiciaire de la société était dans la cause, il lui appartenait de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes en paiement d'un préavis, du salaire impayé en raison d'une mise à pied et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Pietton - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 625-1 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 4 avril 2006, pourvoi n° 05-10.416, Bull., 2006, IV, n° 87 (cassation).

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