Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 24 novembre 2021, n° 20-20.962, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Protocole d'accord préélectoral – Validité – Stipulations contraires à l'ordre public – Contestation – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 2314-6 du code du travail que lorsque le protocole d'accord préélectoral répond aux conditions prévues à cet article, il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu'en ce qu'il contiendrait des stipulations contraires à l'ordre public, notamment en ce qu'elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral.

Toutefois un syndicat, qui, soit a signé un tel protocole, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Protocole d'accord préélectoral – Validité – Stipulations contraires à l'ordre public – Contestation – Compétence judiciaire – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Quentin, 30 septembre 2020), en vue de la mise en place du comité social et économique de la société Supplay (la société) qui exerce dans le secteur du travail temporaire, le 1er juillet 2019 a été signé un protocole d'accord préélectoral entre la société d'une part, les syndicats CGT-Intérim, UNSA, CFE-CGC et CFDT d'autre part.

2. Le premier tour des élections s'est déroulé le 14 novembre 2019 et les résultats ont été proclamés le même jour.

3. Par requête du 2 décembre 2019, le syndicat CGT-Intérim a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler le protocole d'accord préélectoral ainsi que le premier tour des élections des membres au comité social et économique, titulaires et suppléants, pour l'ensemble des collèges.

L'employeur et les deux organisations syndicales représentées ont soulevé l'irrecevabilité de ces demandes, présentées par un syndicat ayant signé le protocole et participé aux élections en présentant des candidats sans réserve.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal de l'employeur et du pourvoi incident de la fédération FCS UNSA, pris en leur première branche, rédigés en des termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

4. La société et la fédération FCS UNSA font grief au jugement de rejeter les fins de non-recevoir, d'annuler le protocole d'accord préélectoral en date du 1er juillet 2019, d'annuler le premier tour des élections au comité social et économique de la société, des membres titulaires et suppléants, pour l'ensemble des collèges électoraux, alors « qu'un syndicat qui, sans émettre de réserve, a signé un protocole préélectoral et présenté des candidats aux élections professionnelles ne peut en demander l'annulation après la proclamation des résultats ; qu'en l'espèce, le juge a constaté que le syndicat CGT Interim avait signé et présenté des candidats Iors du premiers tours des élections sans émettre de réserve », ce dont il résultait qu'il n'était ni recevable ni fondé dans sa demande d'annulation postérieure ; qu'en considérant cependant que le protocole d'accord préélectoral et le premier tour les élections du comité social et économique régulièrement organisées devaient être annulées, le tribunal judiciaire n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 2314-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-6 du code du travail :

5. Aux termes de ce texte, sauf dispositions législatives contraires, la validité du protocole d'accord préélectoral conclu entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées est subordonnée à sa signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.

6. Il en résulte que lorsque le protocole d'accord préélectoral répond à ces conditions, il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu'en ce qu'il contiendrait des stipulations contraires à l'ordre public, notamment en ce qu'elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral. Toutefois un syndicat, qui, soit a signé un tel protocole, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public.

7. Pour déclarer recevable l'action du syndicat CGT Intérim alors qu'il n'était pas contesté que le protocole d'accord préélectoral signé le 1er juillet 2019 répondait aux conditions de validité fixées par l'article L. 2314-6 du code du travail, le jugement, après avoir constaté que le syndicat CGT Intérim a signé le protocole d'accord et présenté des candidats lors du premier tour des élections sans émettre de réserves, retient que les demandes du syndicat sont fondées sur le fait que le protocole ne respecte pas un principe général du droit électoral.

8. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal de l'employeur et des pourvois incidents de la fédération FCS UNSA et du syndicat SNES CFE-CGC, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée du délai pour agir, le jugement rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE le syndicat CGT Intérim irrecevable en ses demandes.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SARL Cabinet Briard ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2314-6 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de recevabilité de la contestation d'un accord préélectoral par un syndicat, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-20.841, Bull. 2019, (cassation). Sur la détermination des conditions de la compétence du juge judiciaire pour la contestation d'un accord préélectoral, à rapprocher : Soc., 4 juillet 2012, pourvoi n° 11-60.229, Bull. 2012, V, n° 214 (cassation) ; Soc., 13 février 2013, pourvoi n° 11-25.696, Bull. 2013, V, n° 38 (1) (rejet).

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