Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 17 novembre 2021, n° 20-14.848, (B)

Rejet

Licenciement – Indemnités – Indemnité compensatrice de préavis – Attribution – Cas – Licenciement pour absence prolongée du salarié perturbant le fonctionnement de l'entreprise – Licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse – Portée

Il résulte de l'article L. 1234-5 du code du travail que lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents nonobstant son arrêt de travail pour maladie au cours de cette période.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 janvier 2020), M. [U] a été engagé le 10 juin 2003, par la société Wurth France (la société) en qualité de VRP exclusif dans le cadre de la division « Bois ».

2. Il a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 18 janvier 2014 prolongé de manière successive pendant 18 mois, soit jusqu'au 31 août 2015.

3. Le 24 juillet 2015 il a été licencié pour absences prolongées ayant entraîné une perturbation de l'entreprise et la nécessité d'un remplacement définitif.

4. Le 9 décembre 2015 il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, alors « que le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis s'il est dans l'impossibilité de l'effectuer ; qu'en jugeant que le salarié avait droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, même s'il était, du fait de son inaptitude, dans l'impossibilité de l'effectuer ainsi qu'aux congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 1234-5 du code du travail que lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents.

8. La cour d'appel, qui a constaté que l'existence d'une désorganisation d'un service essentiel de l'entreprise n'était pas établie par l'employeur, en sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en a exactement déduit que le salarié avait droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis nonobstant son arrêt de travail pour maladie au cours de cette période.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Ricour - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1234-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'attribution d'une indemnité compensatrice de préavis au salarié qui n'a pas été dispensé du préavis par l'employeur et n'a pas été en mesure de l'effectuer en raison d'un arrêt de travail pour maladie, à rapprocher : Soc., 9 octobre 2001, pourvoi n° 99-43.518, Bull. 2001, V, n° 308 (rejet) ; Soc., 26 novembre 2008, pourvoi n° 07-42.403, Bull. 2008, V, n° 234 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Soc., 28 avril 2011, pourvoi n° 09-40.708, Bull. 2011, V, n° 102 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-22.276, Bull. 2017, V, n° 207 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.604, (B)

Cassation partielle

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation – Caractère définitif – Effets – Examen d'une demande de résiliation judiciaire antérieure – Possibilité (non) – Fondement – Portée

Le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement. Lorsque l'annulation est devenue définitive, le salarié a droit, d'une part, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, au paiement d'une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation, d'autre part, au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, et de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Ces dispositions font obstacle à ce que la juridiction prud'homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 octobre 2019), M. [B], salarié de la société Soprema depuis le 3 novembre 2008 et titulaire d'un mandat de conseiller prud'homme, a saisi la juridiction prud'homale, le 15 janvier 2010, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

En cours de procédure, le 1er avril 2010, il a été licencié pour faute par son employeur après obtention d'une autorisation administrative à cette fin.

L'autorisation administrative de licenciement a été annulée par un jugement du tribunal administratif en date du 12 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel le 24 février 2014.

Le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi contre la décision d'annulation par décision du 26 janvier 2015.

2. Le salarié a alors demandé à la juridiction prud'homale, toujours saisie de la demande de résiliation judiciaire, de prononcer cette résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, de dire que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de le condamner à verser à celui-ci les sommes de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 234 726 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, alors :

« 1°/ que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement en sorte que la juridiction prud'homale ne peut se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, en l'état d'un licenciement notifié au salarié sur le fondement d'une autorisation administrative, même annulée, a néanmoins prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et décidé que celle-ci produit les effets d'un licenciement nul, a violé les articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ en tout état de cause, que le contrat de travail du salarié protégé, qui a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail avant d'être licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement et ne peut donc pas prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur, ni à ce que la résiliation du contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul ; qu'en l'espèce, quand il est constant que le salarié a été licencié sur le fondement d'une autorisation administrative après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et n'a pas sollicité sa réintégration dans l'entreprise, la cour d'appel, en ayant néanmoins jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et condamné l'employeur à verser au salarié, outre des dommages et intérêts pour licenciement nul une indemnité pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il fait valoir qu'il est nouveau et incompatible avec la thèse soutenue devant la cour d'appel.

5. Cependant, ce moyen, qui est de pur droit, n'est pas incompatible avec l'argumentation développée en cause d'appel.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause :

7. Il résulte de ces textes que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement et que lorsque l'annulation est devenue définitive, le salarié a droit, d'une part, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, au paiement d'une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation, d'autre part, au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, et de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ces dispositions font obstacle à ce que la juridiction prud'homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture.

8. L'arrêt retient que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas demandé sa réintégration dans l'entreprise à la suite de l'annulation de l'autorisation de licenciement par le jugement du tribunal administratif rendu le 12 mars 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [B], dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul et condamne la société Soprema à payer à M. [B] la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et celle de 234 726 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, l'arrêt rendu le 29 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail ; article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Soc., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-14.529, Bull. 2017, V, n° 177 (cassation).

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