Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 10 novembre 2021, n° 19-24.302, n° 20-15.096, (B)

Rejet

Employeur – Modification de la situation juridique de l'employeur – Licenciement – Licenciement par l'employeur sortant – Mise en cause du repreneur – Mise en cause par le salarié – Demande tendant à la poursuite du contrat de travail – Possibilité

Le salarié licencié en méconnaissance d'un dispositif conventionnel organisant la poursuite du contrat de travail avec l'entreprise qui devient titulaire du marché, dans les mêmes conditions que celles résultant d'une application légale des transferts des contrats de travail, peut à son choix, demander au repreneur, nonobstant le licenciement dont il a fait l'objet lors de la perte du marché, la reprise de son contrat de travail, le licenciement étant alors privé d'effet, ou demander à l'entrepreneur sortant qui a pris l'initiative de la rupture du contrat la réparation du préjudice en résultant.

Employeur – Modification de la situation juridique de l'employeur – Licenciement – Licenciement par l'employeur sortant – Licenciement illégal – Réparation – Modalités

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-24.302 et 20-15.096 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2019), la société Airelle effectuait jusqu'au printemps 2010, pour le compte des compagnies aériennes, les navettes en autobus, destinées au transport des équipages et des passagers, entre les terminaux et les avions, sur l'aéroport de [7]. Elle appliquait à son personnel la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires des transports, ce personnel au nombre de soixante-quatorze salariés étant majoritairement composé de chauffeurs d'autobus.

3. Elle a engagé en septembre 2009 une procédure de licenciement collectif pour motif économique avec mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et a résilié les contrats commerciaux qui la liaient aux compagnies aériennes, en adaptant la date d'échéance de ces contrats au rythme des reclassements opérés puis, au 31 mars 2010, a complètement cessé son activité de navettes.

4. Le comité d'entreprise de la société Airelle et l'union locale CGT (UL-CGT) de la zone aéroportuaire de [7] ont saisi un tribunal de grande instance afin de voir juger que la société Airelle, soumise aux dispositions de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien, et la société Flybus ayant repris l'activité de prestation assurée précédemment par la société Airelle sur le site de l'aéroport, devaient mettre en oeuvre les dispositions de l'annexe VI de cette convention collective instaurant un transfert de personnel entre entreprises d'assistance en escale.

5. Par arrêt rendu le 5 janvier 2012, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la société Airelle était de droit soumise aux dispositions de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien et de son annexe relative au transfert de personnel résultant de l'avenant conclu le 11 juin 2002, et a jugé que la procédure de transfert conventionnel était applicable aux contrats de travail des salariés de la société Airelle affectés sur les marchés de celle-ci à la date d'expiration des relations contractuelles entre la société Airelle et les compagnies aériennes. Elle a ajouté que la société Flybus devait reprendre dans les conditions définies par l'annexe les contrats de travail des personnels de la société Airelle affectés aux marchés repris, tout en ordonnant à cette dernière, sous astreinte, d'adresser à la société Flybus la liste des divers marchés passés par elle avec les compagnies aériennes et résiliés, ainsi que la liste des salariés affectés sur ces marchés. Elle a enfin ordonné aux deux sociétés d'établir et de communiquer à l'UL-CGT de Roissy la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus aurait dû reprendre les contrats de travail, par application de l'annexe de la convention collective.

6. Le 24 avril 2012, la société Airelle a été placée en liquidation amiable et M. [T] désigné comme liquidateur.

7. Par arrêt du 25 septembre 2013 (Soc., 25 septembre 2013, pourvois n° 12-16.979, 12-14.980, 12-13.697, Bull. 2013, V, n° 218), la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel, mais seulement en ce qu'il a débouté le syndicat CGT de sa demande tendant à ordonner à la société Flybus de proposer aux salariés un avenant à leur contrat de travail, a dit n'y avoir lieu à renvoi et a ordonné à la société Flybus de proposer un avenant aux salariés figurant sur la liste des personnels de la société Airelle dont la société Flybus a vocation à reprendre les contrats de travail au regard des dispositions de l'annexe VI.

8. Le 3 octobre 2013, les sociétés Airelle et Flybus ont sollicité conjointement la désignation d'un expert, procédure prévue par l'article 7 de la convention collective, pour qu'il les accompagne dans la mise en oeuvre de l'arrêt de cassation, notamment concernant la détermination des salariés dont le contrat de travail devait être repris par la société Flybus et la mise en oeuvre des critères de priorité posés par la convention collective.

L'expert a rendu son rapport le 22 novembre 2013 établissant la liste des salariés transférables, parmi lesquels figurait M. [H] qui avait été licencié le 1er février 2010 pour motif économique.

9. Après avoir conclu le 16 janvier 2014 un avenant au contrat de travail avec la société Flybus, ce salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation solidaire des sociétés Airelle et Flybus à lui payer diverses sommes, notamment, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi correspondant à sa perte de rémunération entre le 1er février 2010 et le 16 janvier 2014, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des pourvois principaux des sociétés et de M. [T], ès qualités, et le second moyen du pourvoi principal de la société Flybus, ci-après annexés

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du pourvoi principal de la société Airelle et de M. [T], ès qualités

Enoncé du moyen

11. La société et M. [T], ès qualités, font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les déboute de leur demande d'appel en garantie à l'encontre de la société Flybus, alors :

« 1°/ que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que la notion de procès équitable requiert qu'une juridiction d'appel qui a prétendu motiver sa décision en se référant aux motifs de la décision qui lui est déférée, ait réellement examiné les questions essentielles qui lui étaient soumises et ne se soit pas contentée d'entériner purement et simplement la motivation des premiers juges ; qu'en confirmant le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de son recours en garantie à l'encontre de la société Flybus, cependant que la motivation de sa décision ne fait apparaître aucun examen des prétentions et moyens des parties et du bien-fondé de la motivation des premiers juges sur ce chef de demande, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455, 561 et 563 du code de procédure civile et de l'article 6-1 de le Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'elle faisait valoir que, d'une part, le non-respect du texte conventionnel, pour la période postérieure à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 janvier 2012, était imputable à la société Flybus et son refus de mettre en oeuvre la procédure d'expertise destinée à permettre de déterminer les salariés transférables et que, d'autre part, la perte de salaire subie par le salarié résultait exclusivement du refus de la société Flybus de mettre en oeuvre la procédure conventionnelle postérieurement à cet arrêt ; qu'en la déboutant de son appel en garantie au motif, à le supposer adopté, qu'elle avait rompu illicitement le contrat de travail du salarié, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice subi par le salarié n'était pas exclusivement imputable au comportement adopté par la société Flybus à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 janvier 2012, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

3°/ que dès lors qu'elle constatait que la société Flybus avait commis une faute à l'origine du préjudice subi par le salarié, il incombait à la cour d'appel de statuer sur son appel en garantie de la société et de déterminer la part de responsabilité respective des sociétés Airelle et Flybus ; qu'en la déboutant quand elle l'avait condamnée in solidum avec la société Flybus, à indemniser le préjudice subi par le salarié, de son appel en garantie à l'égard de la société Flybus, au motif que les deux sociétés avaient l'une et l'autre commis des fautes à l'origine du préjudice subi, cependant qu'il lui incombait de déterminer la part de responsabilité de chacune, la cour d'appel a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil ;

4°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et suppose que la chose demandée soit la même ; que son appel en garantie portait sur la faute commise par la société Flybus à la suite et dans l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 janvier 2012, de sorte que cette décision, qui statuait sur le comportement des parties antérieurement à son prononcé, ne pouvait par définition avoir une quelconque autorité de la chose jugée sur cet appel en garantie ; qu'en jugeant que son appel en garantie de la société Airelle se heurtait à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 janvier 2012, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. »

Réponse de la Cour

12. En dépit de la formule générale du dispositif qui confirme le jugement, l'arrêt n'a pas statué sur l'appel en garantie de la société Airelle à l'encontre de la société Flybus, dans la mesure où il ne résulte pas des motifs de l'arrêt que la cour d'appel a examiné ce chef de demande.

13. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est donc pas recevable.

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié

Enoncé du moyen

14. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne solidairement les sociétés Airelle et Flybus à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le licenciement d'un salarié prononcé par l'employeur sortant à l'occasion du transfert d'une entité économique imposant la reprise conventionnelle du contrat de travail par l'employeur entrant est privé d'effet ; que la rupture du contrat intervenue en violation des dispositions conventionnelles imposant la poursuite de la relation contractuelle née avec l'employeur sortant par l'employeur entrant est privée de cause réelle et sérieuse et justifie l'octroi d'une indemnité de ce chef ; que le salarié peut demander la condamnation solidaire de l'auteur du licenciement illégal et du repreneur au paiement de la réparation du préjudice en résultant s'ils ont de concert fait échec à l'application des dispositions conventionnelles imposant le transfert du contrat ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait constaté que la société Airelle avait illégalement mis fin à la relation contractuelle en violation des dispositions conventionnelles régissant le transfert d'employeurs et que la société Flybus, nouveau titulaire du marché, avait également méconnu les dispositions conventionnelles l'obligeant à reprendre à son service le personnel affecté aux marchés depuis au moins quatre mois en réintégrant le salarié après quatre ans d'attente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 2.1. de l'annexe VI de la convention collective nationale des transports aériens – personnel au sol dans sa rédaction issue de l'avenant n° 65 du 11 juin 2002. »

Réponse de la Cour

15. Il résulte de l'annexe VI de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959, relative au transfert de personnel entre entreprises d'assistance en escale, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 65 du 11 juin 2002, qu'une entreprise qui devient titulaire du marché d'assistance en escale ou d'un contrat commercial d'assistance s'engage à reprendre le personnel affecté à cette activité dans les mêmes conditions que celles résultant d'une application légale des transferts des contrats de travail.

16. Le salarié licencié en méconnaissance de ce dispositif conventionnel relatif à la poursuite du contrat de travail peut, à son choix, demander au repreneur, nonobstant le licenciement dont il a fait l'objet lors de la perte du marché, la reprise de son contrat de travail, le licenciement étant alors privé d'effet, ou demander à l'entrepreneur sortant qui a pris l'initiative de la rupture du contrat la réparation du préjudice en résultant.

17. Ayant constaté que le salarié avait été réintégré le 16 janvier 2014 au sein de la société Flybus qui avait repris le marché auquel il était attaché, et ayant condamné in solidum les entreprises sortante et entrante à lui verser une somme correspondant au préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait prétendre à la réparation du préjudice résultant de son licenciement.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Annexe VI de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959, relative au transfert de personnel entre entreprises d'assistance en escale, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 65 du 11 juin 2002.

Rapprochement(s) :

Dans l'hypothèse d'un transfert légal, dans le même sens que : Soc., 20 mars 2002, pourvoi n° 00-41.651, Bull. 2002, V, n° 94 (cassation partielle).

Soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263, (B)

Cassation

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Contrôle et surveillance des salariés – Procédés de surveillance – Validité – Condition

En application de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD), les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel, de l'identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégorie de destinataires de données, de l'existence d'un droit d'accès aux données les concernant, d'un droit de rectification et d'un droit d'opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d'exercice de ces droits.

Selon l'article L. 442-6 du code du travail, applicable à Mayotte, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2006 au 1er janvier 2018, le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.

En application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Encourt la cassation l'arrêt qui énonce que la loi du 21 janvier 1995 autorise l'utilisation de système de vidéo-surveillance dans des lieux ou des établissements ouverts au public particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol afin d'y assurer la sécurité des biens et des personnes, ce qui est le cas d'une pharmacie dans le contexte d'insécurité régnant à Mayotte et ajoute que les salariés ont été informés de la mise en place de ce système par note de service, en sorte que l'utilisation des enregistrements de vidéo-surveillance comme mode de preuve est licite alors que le système de vidéo-surveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l'entreprise permettait également de contrôler et de surveiller l'activité des salariés et avait été utilisé par l'employeur afin de recueillir et d'exploiter des informations concernant personnellement le salarié, ce dont il résulte que l'employeur aurait dû informer les salariés et consulter le comité d'entreprise sur l'utilisation de ce dispositif à cette fin et qu'à défaut, ce moyen de preuve tiré des enregistrements de la salariée était illicite et, dès lors, les prescriptions et les dispositions des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invocables.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou, 14 mai 2019), Mme [L] a été engagée par la société Pharmacie mahoraise (la société), le 7 janvier 2003, en qualité de caissière.

2. Licenciée pour faute grave, par lettre du 19 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches

Énoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé, de la débouter de ses demandes et de la condamner à payer à la société une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 2° / que l'employeur doit informer et consulter le comité d'entreprise de tout dispositif de contrôle de l'activité des salariés, quand bien même à l'origine, ce dispositif n'aurait pas été exclusivement destiné à opérer un tel contrôle ; qu'à défaut, les preuves obtenues par le biais de ce dispositif sont illicites ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que la salariée ne pouvait exciper de l'illicéité des enregistrements recueillis grâce au système de vidéosurveillance installé dans les locaux de la pharmacie, faute de consultation préalable des représentants du personnel, en ce que ni la loi, ni la jurisprudence n'imposaient une telle obligation, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, alinéa 3, du code du travail applicable à Mayotte, en vigueur à l'époque du litige ;

4°/ que l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés ; qu'en l'espèce, la note de service du 27 novembre 2015, signée par les salariés, se bornait à indiquer « par cette note de service je tiens à vous rappeler comme je l'avais fait précédemment lors d'une réunion que nous avons un système de vidéosurveillance dans le but est notre sécurité et la prévention des atteintes aux biens et aux personnes.

L'emplacement des cinq caméras doit être connu de tous les salariés à savoir : 3 caméras au rez-de-chaussée (espace parapharmacie, espace bébé et espace ordonnance) ; 2 caméras à l'étage (bureau et réserve) » ; qu'en jugeant les salariés suffisamment informés de la présence du système de vidéosurveillance installé dans les locaux de la pharmacie par cette note de service, quand il résultait de celle-ci que l'information des salariés sur ce dispositif était postérieure à sa mise en place, la cour d'appel a violé l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa version applicable, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 dudit code ;

5°/ que l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés ; que l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable, prévoit que les employés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en oeuvre du système litigieux, de l'identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégorie de destinataires de données, de l'existence d'un droit d'accès aux données les concernant, d'un droit de rectification et d'un droit d'opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d'exercice de ces droits ; qu'en l'espèce, la note de service du 27 novembre 2015, signée par les salariés, se bornait à indiquer « par cette note de service je tiens à vous rappeler comme je l'avais fait précédemment lors d'une réunion que nous avons un système de vidéosurveillance dans le but est notre sécurité et la prévention des atteintes aux biens et aux personnes.

L'emplacement des cinq caméras doit être connu de tous les salariés à savoir : 3 caméras au rez-de-chaussée (espace parapharmacie, espace bébé et espace ordonnance) ; 2 caméras à l'étage (bureau et réserve)" ; qu'en revanche, cette note ne précisait pas l'identité du responsable du traitement ou de son représentant, la finalité de contrôle poursuivie par ce traitement, ou les destinataires ou catégories de destinataire des données, pas plus qu'elle n'exposait aux salariés l'existence et les modalités d'exercice de leurs droits d'accès, de rectification et d'opposition pour motif légitime ; qu'en jugeant, par motifs propres, les salariés suffisamment informés du système de vidéosurveillance installé dans les locaux de la pharmacie par cette note de service et, par motifs adoptés, que l'information des salariés n'était soumise à aucune condition de forme, la cour d'appel a violé l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa version applicable, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, l'article L. 442-6 du code du travail, applicable à Mayotte, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2006 au 1er janvier 2018 et les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Aux termes du premier de ces textes, les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel, de l'identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l'existence d'un droit d'accès aux données les concernant, d'un droit de rectification et d'un droit d'opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d'exercice de ces droits.

5. Selon le deuxième, le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.

6. L'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

7. Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt énonce que la matérialité des faits qui lui sont reprochés est corroborée par les enregistrements vidéo de la pharmacie et que c'est vainement, qu'elle argue de l'illicéité de ce mode de preuve. Il précise que la loi du 21 janvier 1995 autorise en effet l'utilisation de système de vidéosurveillance dans des lieux ou des établissements ouverts au public particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol afin d'y assurer la sécurité des biens et des personnes et que c'est bien le cas d'une pharmacie dans le contexte d'insécurité régnant à Mayotte.

8. Il ajoute que tous les salariés ont été informés de la mise en place de ce système par la note de service diffusée le 27 novembre 2015 qu'ils ont signée, y compris l'intéressée, en sorte que l'utilisation des enregistrements de vidéosurveillance comme mode de preuve est licite.

9 En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le système de vidéosurveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l'entreprise, permettait également de contrôler et de surveiller l'activité des salariés et avait été utilisé par l'employeur afin de recueillir et d'exploiter des informations concernant personnellement la salariée, ce dont il résultait que l'employeur aurait dû informer les salariés et consulter le comité d'entreprise sur l'utilisation de ce dispositif à cette fin et qu'à défaut, ce moyen de preuve tiré des enregistrements de la salariée était illicite et, dès lors, les prescriptions énoncées au paragraphe 6 du présent arrêt invocables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données ; article L. 442-6 du code du travail, applicable à Mayotte, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2006 au 1er janvier 2018 ; articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité d'un procédé de vidéosurveillance, à rapprocher : Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-23.482, Bull. 2012, V, n° 2 (cassation), et l'arrêt cité. Sur l'obligation pour l'employeur d'informer et de consulter le comité d'entreprise préalablement à l'utilisation d'un dispositif de contrôle des salariés, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.792, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 17 novembre 2021, n° 20-10.734, (B)

Cassation partielle

Employeur – Pouvoir de direction – Etendue – Organisation de l'entreprise – Horaires de travail – Travail à temps partiel – Horaires individualisés – Mention de la répartition entre les jours de la semaine – Nécessité – Défaut – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Alliance MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société 491.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 octobre 2018), M. [O] a été engagé par la société 491 (la société) à compter du 1er septembre 2006 par contrats à durée déterminée à temps partiel, puis par un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009, en qualité de rédacteur.

3. Il a été licencié par lettre du 1er avril 2016.

4. La société a été placée en liquidation amiable, le 7 septembre 2016, et M. [W] désigné en qualité de liquidateur.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 9 décembre 2016, de demandes en requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à temps plein, application de la convention collective nationale des journalistes et paiement de diverses sommes.

6. La société 491 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 mai 2019 et la société Alliance MJ désignée en qualité de liquidateur. Après sa clôture et radiation du registre du commerce et des sociétés, la société Ajup a été désignée mandataire ad hoc par ordonnance du 30 avril 2020, puis M. [W] a été désigné en qualité de nouveau mandataire ad hoc par ordonnance du 29 décembre 2020 pour la représenter dans la présente procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009 en contrat de travail à temps complet et de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, de fixer en conséquence sa créance au passif de la liquidation amiable de la société, représentée par M. [W] en sa qualité de liquidateur amiable, et la condamner à diverses sommes à titre de rappels de prime de treizième mois, et de primes d'ancienneté relatives aux années 2013, 2014, et 2015, outre les congés payés afférents, et de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le contrat de travail de M. [O] se bornait à mentionner " un horaire mensuel de 86,67 heures " et à indiquer que " ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié.

Le présent contrat ne prévoit pas d'heures complémentaires » de sorte qu'il n'indiquait pas la répartition de la durée mensuelle de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'en refusant d'appliquer la présomption de temps complet qui en résultait, au prétexte que l'article L. 3121-48 du code du travail permet la mise en place d'horaires individualisés, que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, M. [O] ne justifiait pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail ni de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant de déroger à cette liberté d'organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d'après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offraient au salarié la possibilité d'adapter son organisation, que le contrat de travail fixait une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 h correspondant à un temps de travail moyen de 20 h par semaine, soit pour 4 h par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, de sorte que M. [O] ne pouvait prétendre que son contrat de travail ne faisait pas état d'une répartition de son temps de travail, et que les stipulations mêmes de cette clause laissaient nécessairement une très grande liberté au salarié dans l'organisation de son travail de sorte que celui-ci ne pouvait faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8.Selon ce texte, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

9. Il en résulte que, sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

10. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et de ses demandes pécuniaires en découlant, l'arrêt, après avoir cité les dispositions légales se rapportant à la mise en place du dispositif d'horaires individualisés, constate que le contrat de travail du salarié stipule, s'agissant du temps de travail, que l'intéressé percevra une rémunération mensuelle brute de 780,03 euros pour un horaire mensuel de 86,67 heures. Ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié.

Le présent contrat ne prévoit pas d'heures complémentaires.

11. Il ajoute que dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, le salarié ne justifie pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail, qu'il ne justifie pas non plus de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant à quelque moment que ce soit de déroger à cette liberté d'organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d'après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offrent au salarié la possibilité d'adapter son organisation. Il relève que le contrat de travail fixe une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 heures correspondant à un temps de travail moyen de 20 heures par semaine, soit pour 4 heures par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, en sorte que le salarié ne peut prétendre que son contrat de travail ne fait pas état d'une répartition de son temps de travail. Il estime que les stipulations mêmes de cette clause laissent nécessairement une très grande liberté au salarié dans l'organisation de son travail, ce dont il déduit que celui-ci ne peut faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, à intervenir sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en se fondant sur l'absence de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009 en contrat de travail à temps complet et de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et en ce qu'il fixe en conséquence la créance de M. [O] au passif de la liquidation amiable de la société 491, représentée par M. [W] en sa qualité de liquidateur amiable, et la condamne à lui payer les sommes de 2 476,17 euros à titre de rappel sur la prime de treizième mois, 247,61 euros au titre des congés payés afférents, 1 498,18 euros au titre des primes d'ancienneté relatives aux années 2013, 2014, et 2015, 149,81 euros au titre des congés payés afférents, et 7 013,13 euros au titre de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le dispositif des horaires individualisés dans un contrat de portage salarial, à rapprocher : Soc., 17 février 2010, pourvoi n° 08-40.671, Bull. 2010, V, n° 41 (2) (cassation partielle).

Soc., 17 novembre 2021, n° 20-17.526, (B)

Cassation partielle

Modification – Modification imposée par l'employeur – Modification du contrat de travail – Exclusion – Cas – Contrats de travail à durée déterminée conclus pour des durées différentes – Contrats requalifiés en un contrat à durée indéterminée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 mai 2020), M. [T] [G], dit [T] [S], a été engagé à compter de 1988, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs, par la société Nulle part ailleurs production pour exercer les fonctions d'imitateur au cours de l'émission dénommée successivement « les arènes de l'info », puis « les guignols de l'info » et enfin « les guignols ».

2. Un terme a été mis à l'émission « les guignols » à l'issue de la saison 2017-2018.

Par lettre du 31 mai 2018, la société a informé le salarié de la fin de son contrat.

3. Le 18 mai 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, alors « que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que le salarié ne peut obtenir des rappels de salaire au titre des périodes d'intercontrats, que s'il établit s'être, durant lesdites périodes, tenu à la disposition de l'employeur ; que, pour allouer au salarié un complément de salaire au titre des mois de septembre à décembre 2015, la cour d'appel a préalablement retenu que « suite à [la] requalification [des contrats à durée déterminée du salarié en contrat à durée indéterminée], l'employeur n'était pas fondé à opposer au salarié des modifications unilatérales du contrat quant à sa durée de travail et sa rémunération » ce dont elle a déduit que « les périodes au cours desquelles ces dernières ont été modifiées de manière unilatérale, sans que la circonstance que cela ait pu résulter de l'agencement des CDD successifs sur cette période ne soit exonératoire de l'interdiction pour l'employeur de modifier les termes du contrat, conduisent à déclarer fondées en leur principe les demandes du salarié à ce titre » ; qu'en statuant ainsi, considérant que la demande du salarié au titre de périodes non travaillées entre ses contrats à durée déterminées serait « fondées dans leur principe » dès lors que les contrats à durée déterminée successifs n'auraient pu modifier la durée du travail et la rémunération du salarié, la cour d'appel a violé L. 1245-1 et L. 1245-2 dans leur rédaction alors applicable du code du travail, ensemble les articles 1134 alinéa 1er, devenu l'article 1103 du code civil, et 1315, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et 1134, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. La requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

6. Il appartient au juge d'apprécier la valeur et la portée des modifications apportées par les parties aux dispositions relatives à la rémunération ou à la durée du travail résultant de la conclusion des contrats à durée déterminée concernés par cette requalification.

7. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et qu'il convient d'apprécier la valeur et la portée, sur la rémunération du salarié, des différents contrats conclus par les parties. Il ajoute que par suite de cette requalification l'employeur n'était pas fondé à opposer au salarié des modifications unilatérales du contrat quant à sa durée de travail et sa rémunération. Il en déduit que, sous réserve de ce que le salarié justifie de s'être tenu à disposition de l'employeur, les périodes au cours desquelles ces dernières ont été modifiées de manière unilatérale, sans que la circonstance que cela ait pu résulter de l'agencement des contrats de travail à durée déterminée sur cette période ne soit exonératoire de l'interdiction pour l'employeur de modifier les termes du contrat, conduisent à déclarer fondées en leur principe les demandes du salarié à ce titre.

8. En statuant ainsi, alors que la conclusion de contrats de travail à durée déterminée, même compris dans la période objet de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, ne constitue pas une modification unilatérale du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaire d'avril 2017 à mai 2018 inclus, outre les congés payés afférents, sous réserve de la déduction des cotisations sociales, alors « que pour faire droit à la demande du salarié, la cour d'appel s'est exprimée ainsi : « il demeure que les circonstances objectives de modification du format de l'émission et des conditions de travail ont correspondu à une réduction de la rémunération antérieure, alors que l'employeur ne pouvait pas modifier celle-ci sans l'accord du salarié, étant rappelé que par la convention d'exclusivité précitée » ; qu'en n'achevant pas sa phrase, la cour d'appel a statué par des motifs inintelligibles ou à tout le moins insuffisants et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

11. Pour condamner l'employeur à payer une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2017 à mai 2018, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient que les circonstances objectives de modification du format de l'émission et des conditions de travail ont correspondu à une réduction de la rémunération antérieure, alors que l'employeur ne pouvait pas modifier celle-ci sans l'accord du salarié, dont la demande est dès lors fondée en son principe, étant rappelé que par la convention d'exclusivité précitée.

12. En statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Nulle part ailleurs production à payer à M. [T] [G] les sommes de 78 875 euros, à titre de rappel de salaire brut, sous réserve de cotisations sociales outre les congés payés incidents de 7 887,50 euros, sous même réserve de 146 408,12 euros brut au titre du rappel de salaire d'avril 2017 à mai 2018 inclus, sous réserve de la déduction des cotisations sociales outre les congés payés afférents de 14 640,81 euros brut sous même réserve, de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, l'arrêt rendu le 13 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 1245-1, L. 1221-1 et 1134, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'incidence de la requalification de contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée sur les autres clauses que celles relatives au terme des contrats, à rapprocher : Soc., 5 octobre 2017, pourvoi n° 16-13.581, Bull. 2017, V, n° 172 (cassation partielle), et les arrêts cités. Sur les conséquences du renouvellement d'un contrat à durée déterminée, à l'exclusion de toute modification unilatérale par l'employeur, à rapprocher : Soc., 1er février 2000, pourvoi n° 97-44.100, Bull. 2000, V, n° 47 (2) (rejet).

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