Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

CONSTRUCTION IMMOBILIERE

3e Civ., 10 novembre 2021, n° 20-19.323, (B)

Rejet

Maison individuelle – Contrat de construction – Construction avec fourniture de plan – Notice annexée au contrat – Mention manuscrite – Travaux mis à la charge du maître de l'ouvrage – Imprécision du chiffrage des travaux – Effets à l'égard du maître de l'ouvrage – Détermination

La mention, dans la notice descriptive annexée au contrat de construction de maison individuelle, du coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, a pour but d'informer celui-ci du coût global de la construction et de lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourra mener à son terme.

Il en résulte que le constructeur doit supporter le dépassement du prix des travaux qu'il n'a pas chiffrés de manière réaliste.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-16.359), par contrat de construction de maison individuelle du 19 janvier 2011, la société civile immobilière Les Brayonnades (la SCI) a confié à la société Maison et jardin la construction de deux maisons.

2. La réception des ouvrages est intervenue le 14 juin 2012.

3. La SCI a assigné la société Maison et jardin aux fins d'indemnisation de malfaçons et de remboursement du prix de certains travaux dont elle s'était réservé l'exécution.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre dernières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Maison et jardin au versement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice esthétique affectant le lot B et de rejeter sa demande tendant à la voir condamner à reprendre le désordre au titre de la « queue de billard », formulée pour le cas où sa demande indemnitaire à hauteur de 25 000 euros à ce titre ne serait pas accueillie, alors « que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts ; que pour rejeter la demande de la SCI Les Brayonnades aux fins de reprise de la « queue de billard » du carrelage, la cour retient que les travaux consistant à démolir le mur de la porte d'entrée, à piquer la dalle existante pour reconstruire un nouveau mur, à reprendre les chaînages verticaux et horizontaux, la façade, le doublage intérieur, le plafond de la pièce, et à procéder à la dépose et la pose d'un nouveau carrelage, avec toutes les conséquences immatérielles de ces travaux sur ce bien loué, étaient hors de proportion et dès lors injustifiés pour réparer l'atteinte esthétique mineure et que c'était en ce sens que l'expert avait relevé que ce défaut d'exécution était « irrattrapable », l'engagement de travaux de démolition et de reconstruction étant selon l'expert hors de proportion avec le préjudice ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte de telles constatations que l'exécution en nature du contrat était possible, cependant que peu importait son coût pour le débiteur, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. Appréciant souverainement les modalités de la réparation du préjudice, la cour d'appel a retenu que l'atteinte esthétique mineure subie par l'ouvrage était intégralement réparée par l'allocation d'une somme dont elle a déterminé le montant.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Maison et jardin au versement d'une somme de 10 223,31 euros au titre des travaux indispensables non chiffrés, alors « que le contrat de construction d'une maison individuelle visé par l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation doit comporter notamment le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et devant faire l'objet, de la part du maître de l'ouvrage, d'une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge ; qu'est annexée à ce contrat une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, et indiquant le coût desdits éléments dont le coût n'est pas compris dans le prix ; qu'à défaut pour le constructeur de respecter cette obligation, il doit assumer la charge de ces travaux ; qu'en déduisant des sommes sollicitées par la SCI Les Brayonnades, les chiffrages de la notice descriptive dont elle relevait qu'ils étaient sous-estimés, la cour a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

9. La mention, dans la notice descriptive annexée au contrat de construction de maison individuelle, du coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, a pour but d'informer celui-ci du coût global de la construction et de lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourra mener à son terme. Il en résulte que le constructeur doit supporter le dépassement du prix des travaux qu'il n'a pas chiffrés de manière réaliste.

10. La cour d'appel, qui a retenu que des travaux réservés par le maître d'ouvrage étaient insuffisamment chiffrés dans la notice descriptive, en a exactement déduit que le constructeur devait prendre en charge leur coût, déduction faite de celui mentionné dans la notice.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros, alors « qu'en affirmant péremptoirement et par une clause de style, donnant au justiciable le sentiment de ne pas avoir été « effectivement entendu », qu'il n'était pas établi que la SCI Les Brayonnades avait subi un préjudice indépendant non réparé par l'allocation des sommes alloués au titre des travaux indispensables non chiffrés, quand la SCI Les Brayonnades se prévalait de façon circonstanciée de la tracasserie et des désagréments occasionnés par les carences du constructeur non pas à l'occasion de la conclusion des contrats mais lors de la réalisation des ouvrages, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

13. Appréciant souverainement l'existence des préjudices invoqués, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer spécialement sur les éléments qu'elle décidait d'écarter, a retenu qu'ils n'étaient pas établis.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-13.931, Bull. 2014, III, n° 104 (cassation partielle).

3e Civ., 17 novembre 2021, n° 20-17.218, (B)

Rejet

Maison individuelle – Contrat de construction – Garanties légales – Garantie de livraison – Prix – Dépassement – Obligations du garant – Eléments d'appréciation – Détermination

Les obligations du garant de livraison du constructeur de maison individuelle ne s'apprécient pas par rapport à la notion d'achèvement des immeubles vendus à terme ou en l'état futur d'achèvement de l'article R. 261-1, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 17 janvier 2019, pourvois n° 17-27.185 et 17-20.616), M. [X] a conclu des contrats de construction de maison individuelle avec fourniture du plan avec la société Maison CBL (la société CBL).

2. Une garantie de livraison a été souscrite auprès de la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (la société CGI BAT).

3. Se plaignant de l'inachèvement des maisons, M. [X] a obtenu, par jugement du 21 juillet 2008, la condamnation de la société CBL à faire exécuter les travaux nécessaires pour livrer les maisons en état d'achèvement au sens de l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation.

4. Une décision du 19 janvier 2009 a condamné la société CGI BAT à faire terminer les travaux en vue de la livraison, y compris les réparations ordonnées par le jugement du 21 juillet 2008.

5. Après une expertise ordonnée le 27 février 2012, M. [X] a, de nouveau, assigné la société CGI BAT en demandant la « déconstruction-reconstruction » des maisons et la réalisation des travaux nécessaires à la livraison de maisons strictement conformes aux stipulations contractuelles.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et le second moyen, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, cinquième, sixième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

7. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de déconstruction-reconstruction des maisons et de condamnation de la CGI BAT à faire achever et livrer des maisons strictement conformes aux contrats, plans et notices descriptives, alors :

« 1°/ que le contrat oblige les parties ; qu'à l'appui de sa demande de démolition et de reconstruction, M. [X] indiquait que les maisons, sur plusieurs points, ne correspondaient pas à ce qui avait été prévu au contrat de construction ; qu'en retenant qu'« il convient donc d'examiner la réalité et la gravité des non-conformités invoquées par M. [X] pour déterminer si, en raison de leur caractère substantiel, elles rendent les maisons impropres à leur utilisation », la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard de l'utilisation des maisons et non au regard de leur conformité aux stipulations contractuelles, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable ;

5°/ que pour rejeter la demande relative à l'absence d'arase, la cour d'appel a estimé qu'elle ne présentait pas de caractère substantiel ; qu'elle n'a ce faisant pas tiré les conséquences de ses propres constatations, dont il résultait que le contrat prévoyait une arase et que cette arase n'avait pas été réalisée ; qu'elle a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

6°/ qu''en retenant, pour rejeter la demande de M. [X] en démolition et reconstruction des immeubles, que les non-conformités résultant de l'absence de construction sur terre-plein ne pouvaient être retenues dès lors qu'elles ne compromettaient pas l'utilisation des ouvrages, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant en se déterminant au regard de l'utilisation des maisons et non au regard de leur conformité aux stipulations contractuelles, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable ;

7° / que la cour d'appel a constaté que la villa n° 1 était encaissée de 10 cm de plus au regard de ce qui était convenu au contrat et que des pompes de relevage, non prévues, avaient dues être installées pour évacuer les eaux qui ne pouvaient, en raison du défaut d'altimétrie, s'écouler par gravitation ; qu'en rejetant la non-conformité tiré du défaut d'altimétrie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et a violé l'article 1184 du code civil ;

8°/ que le défaut d'altimétrie, rendant nécessaire l'installation de pompes de relevage pour évacuer les eaux, justifie la démolition de la maison mal implantée pour la reconstruire selon ce qui était prévu au contrat ; qu'il en va de même de la construction sur vide sanitaire quand une construction sur terre-plein avait été prévue et de l'absence du chaînage horizontal convenu ; qu'en retenant que ces non-conformités n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier la démolition des maisons, la cour d'appel a violé le principe de proportionnalité. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a constaté que, si l'arase étanche était prévue au contrat, les injections périphériques qu'avaient préconisées l'expert avaient été réalisées pour remédier aux risques de remontée d'humidité du sol par capillarité et qu'aucune trace d'humidité n'avait été relevée au sol ou sur les parois.

9. Elle a relevé que, si l'expert avait mentionné que la dalle de la villa n° A était encaissée de dix centimètres environ par rapport à ce qui avait été projeté, le contrat prévoyait que l'installation d'une pompe de relevage pourrait être nécessaire et que, dans ce cas, un avenant devrait être proposé au maître de l'ouvrage pour déterminer la plus-value en résultant. Elle a ajouté que, s'il n'était pas justifié de la signature de cet avenant, les pompes de relevage avaient effectivement été installées et qu'il n'était pas démontré qu'elles n'étaient pas en état de marche en raison d'un problème de conformité électrique.

10. Ayant déduit de ces constatations et énonciations que les non-conformités invoquées par M. [X] étaient soit non établies, soit dénuées de gravité, et que le respect des règles de l'art et de la réglementation en vigueur était assuré après réalisation des travaux ordonnés, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants tirés de l'appréciation des obligations du garant de livraison par rapport à la notion d'achèvement de l'article R. 261-1, alinéa 1er, du code de la construction et de l'habitation, a pu en déduire que la demande tendant à la démolition et à la reconstruction des maisons, qui se heurtait au principe de proportionnalité des réparations au regard de l'absence de conséquences dommageables des non-conformités constatées, devait être rejetée.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 261-1, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation.

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