Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

ASSURANCE RESPONSABILITE

3e Civ., 17 novembre 2021, n° 20-16.771, (B)

Cassation partielle

Assurance obligatoire – Travaux de bâtiment – Articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances – Domaine d'application – Secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur – Conditions particulières du contrat – Clause d'exclusion de garantie – Connaissance de clause – Preuve – Charge

Il résulte des articles 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et L. 112-3 du code des assurances que, si la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, lorsque l'assureur dénie sa garantie en invoquant une clause des conditions particulières du contrat d'assurance qui exclut de la garantie souscrite l'activité accomplie par le constructeur, il lui incombe de rapporter la preuve que cette clause a été portée à la connaissance de l'assuré et qu'il l'a acceptée.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [X] et associés, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Géranium, et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles, MMA IARD et Géranium.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 janvier 2020), le 27 mars 1999, M. et Mme [R] ont conclu avec la société Géranium, assurée auprès de la société MMA IARD, un contrat de fourniture des matériaux nécessaires à la construction d'une maison à ossature bois.

3. Ils ont confié à M. [O], assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), les travaux de montage et de couverture zinguerie.

4. Se plaignant de malfaçons, M. [R] et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (la MAIF), son assureur de protection juridique, ont assigné M. [O], la société Géranium et son assureur en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi principal et le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. Par son second moyen, M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie à l'encontre de la société Axa, alors :

« 2°/ que seules les clauses de la police d'assurance qui ont été acceptées par l'assuré et sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que les conditions particulières du 14 mars 2000 n'avaient pas été signées par l'assuré, d'autre part, que les parties s'accordaient sur le fait que celles du 27 avril 2000 n'étaient pas applicables rationae temporis au litige, compte tenu de la date de début des travaux litigieux ; qu'en faisant pourtant application de la clause excluant du champ de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois », au motif qu'elle figurait dans les conditions particulières du 14 mars 2000 comme dans celles du 27 avril 2000, dont elle n'a pas suffisamment constaté qu'elles étaient opposables à l'assuré, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

4°/ que les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour faire application de la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [?] maisons à ossature en bois » qu'elle était, « selon toute vraisemblance » (arrêt attaqué, p. 11), stipulée dans la septième page de l'attestation d'assurance dont elle constatait qu'elle n'était pas produite aux débats, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

7. Par leur moyen, M. [R] et la MAIF font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la société Axa, alors :

« 2°/ que seules les clauses de la police d'assurance qui ont été acceptées par l'assuré et sont en vigueur au jour de la survenance des faits justifiant le déclenchement de la garantie lui sont opposables, qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que les conditions particulières du 14 mars 2000 n'avaient pas été signées par l'assuré, d'autre part, que les parties s'accordaient sur le fait que celles du 27 avril 2000 n'étaient pas applicables rationae temporis au litige, compte tenu de la date de début des travaux litigieux ; qu'en faisant pourtant application de la clause excluant du champ de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [...] maisons à ossature en bois », au motif qu'elle figurait dans les conditions particulières du 14 mars 2000 comme dans celles du 27 avril 2000, sans constater que les conditions particulières du 14 mars 2000 avaient été acceptées par M. [O], qui le contestait et ne les avaient pas signées, ce qui excluait leur opposabilité à M. [R] et à la Maif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour faire application de la clause excluant de la garantie les « travaux ou ouvrages suivants : [...] maisons à ossature en bois » qu'elle était, « selon toute vraisemblance », stipulée dans la septième page de l'attestation d'assurance dont elle constatait qu'elle n'était pas produite aux débats, la cour d'appel s'est prononcée par motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 112-3 du code des assurances et 455 du code de procédure civile :

8. Il résulte des deux premiers de ces textes que, si la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur, lorsque l'assureur dénie sa garantie en invoquant une clause des conditions particulières du contrat d'assurance qui exclut de la garantie souscrite l'activité accomplie par le constructeur, il lui incombe de rapporter la preuve que cette clause a été portée à la connaissance de l'assuré et qu'il l'a acceptée.

9. Selon le troisième, tout jugement doit être motivé.

10. Pour rejeter les demandes de M. [O], ainsi que celles de M. [R] et de la MAIF à l'encontre de la société Axa, l'arrêt retient qu'un seul contrat d'assurance « multirisque artisan du bâtiment » a pris effet au 1er janvier 2000, portant le numéro 1261424004, que le contrat du 27 avril 2000, seul signé par M. [O], est un avenant à ce contrat, prenant effet au 26 avril 2000 et le remplaçant, qu'aux termes des conditions particulières de cet avenant comportant sept pages, il est stipulé en page trois que ne relèvent pas des activités garanties les maisons à ossature bois et que le contrat initial du 14 mars 2000 et prenant effet au 1er janvier 2000, non signé par M. [O], comporte, en tout état de cause, en page trois de ses conditions particulières, la même clause de non-couverture de l'activité de travaux concernant des maisons à ossature bois.

11. L'arrêt ajoute que, si l'attestation d'assurance du 13 septembre 2000 ne comporte pas la page, figurant dans les conditions particulières, énumérant les travaux qui ne relèvent pas des activités garanties, elle comprend en réalité sept pages, dont seulement les six premières sont produites, la septième correspondant selon toute vraisemblance à cette énumération.

12. L'arrêt en déduit que M. [O] ne peut se prévaloir de cette attestation pour soutenir que la clause litigieuse lui est inopposable.

13. En se déterminant ainsi, alors que les parties contestaient que le contrat du 27 avril 2000, prenant effet au 26 avril 2000, était applicable ratione temporis, par des motifs, d'une part, impropres à établir que M. [O] avait eu connaissance des conditions particulières du contrat du 14 mars 2000 et les avait acceptées, d'autre part, dubitatifs équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des deux premiers textes susvisés et n'a pas satisfait aux exigences du troisième.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] ainsi que M. [R] et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France de leurs demandes à l'encontre de la société Axa France IARD, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boulloche ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article L. 112-3 du code des assurances.

3e Civ., 10 novembre 2021, n° 20-19.220, (B)

Rejet

Assurance obligatoire – Travaux de bâtiment – Délibération n° 591 de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie du 1er décembre 1983 – Application – Exclusion de garantie – Etendue – Détermination

Le contrat d'assurance de responsabilité, souscrit en application de l'obligation prévue par l'article 1 de la délibération n° 591 du 1er décembre 1983 de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, qui doit couvrir toute personne ayant conçu, dirigé ou exécuté des travaux de bâtiment et dont la responsabilité décennale peut être engagée, ne peut exclure d'autres dommages que ceux résultant, au moins en partie, d'une des causes limitativement énumérées en son article 6.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 19 mars 2020), en 2005, la société civile immobilière Euclia a confié à la société Althys constructions, assurée auprès de la société d'assurance Mutuelle des transports assurances (la société MTA), la construction d'une maison en Nouvelle-Calédonie.

2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 19 octobre 2006.

3. En 2012, la SCI a vendu la maison à M. [O] et Mme [R].

4. Se plaignant de défauts d'étanchéité, ceux-ci ont déposé une requête pour faire condamner les sociétés Euclia, Althys et MTA à les indemniser de leurs préjudices.

5. Après l'introduction de l'instance, la société MTA a été placée en liquidation judiciaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [K], pris en sa qualité de liquidateur de la société MTA, fait grief à l'arrêt de dire que cette société doit garantir la condamnation in solidum des sociétés Euclia et Althys constructions à régler à M. [O] et Mme [R] certaines sommes au titre de la reprise des désordres, au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens et de prononcer l'admission d'office de la créance de M. [O] et de Mme [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société MTA, à hauteur de ces sommes, alors :

« 1°/ qu'aucune disposition de la délibération n° 591 du 1er décembre 1983 relative à l'assurance obligatoire des travaux de bâtiment, qui comporte en son article 6 une liste non limitative d'exclusions de garantie possibles, n'interdit de prévoir, dans un contrat d'assurance de responsabilité décennale, des exclusions de garantie portant sur certains désordres de nature décennale ; qu'en relevant, pour écarter l'application des stipulations du contrat d'assurance qui excluaient de la garantie, en l'absence de rachat, les désordres relatifs à des défauts d'étanchéité, que cette exclusion, portant sur des désordres de nature décennale, devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé la délibération susvisée ;

2°/ que, contrairement à la franchise ou à la déchéance, les exclusions de garantie prévues par un contrat d'assurance de responsabilité décennale sont opposables aux tiers bénéficiaires des indemnités ; qu'en considérant, pour écarter l'application des stipulations du contrat d'assurance qui excluaient de la garantie, en l'absence de rachat, les désordres relatifs à des défauts d'étanchéité, que ces stipulations étaient inopposables aux tiers, la cour d'appel a violé la délibération n° 591 du 1er décembre 1983. »

Réponse de la Cour

7. Le contrat d'assurance de responsabilité, souscrit en application de l'obligation prévue par l'article 1er de la délibération n° 591 du 1er décembre 1983 de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, qui doit couvrir toute personne ayant conçu, dirigé ou exécuté des travaux de bâtiment et dont la responsabilité décennale peut être engagée, ne peut exclure d'autres dommages que ceux résultant, au moins en partie, d'une des causes limitativement énumérées en son article 6.

8. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu que la clause excluant les désordres résultant de défauts d'étanchéité était réputée non écrite et que l'assureur, qui ne pouvait, ainsi, l'opposer aux tiers lésés, devait garantir les dommages de nature décennale résultant de tels défauts affectant les travaux de son assurée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SAS Cabinet Colin - Stoclet ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Richard -

Textes visés :

Délibération n° 591 du 1er décembre 1983 de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 14-29.790, Bull. 2016, III, n° 20 (cassation).

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