Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

APPEL CIVIL

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 20-15.757, n° 20-15.758, n° 20-15.759, n° 20-15.760, n° 20-15.761, n° 20-15.762, n° 20-15.763, n° 20-15.764, n° 20-15.765, n° 20-15.766 et suivants, (B)

Annulation

Appelant – Conclusions – Dispositif – Mentions obligatoires – Nouvelle interprétation de la Cour de cassation – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.757, 20-15.758, 20-15.759, 20-15.760, 20-15.761, 20-15.762, 20-15.763, 20-15.764, 20-15.765, 20-15.766, 20-15.767, 20-15.768, 20-15.769, 20-15.770, 20-15.771, 20-15.772, 20-15.773, 20-15.774, 20-15.775, 20-15.776, 20-15.778, 20-15.779, 20-15.780, 20-15.781, 20-15.782, 20-15.783, 20-15.784, 20-15.785, 20-15.786, 20-15.787 ont été joints par ordonnance du président de la chambre sociale du 9 septembre 2020.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 20 décembre 2019), MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ] ont, chacun, en leur qualité d'anciens salariés de la société Prevent Glass, par déclaration commune transmise sur le Réseau privé virtuel avocats (RPVA), interjeté appel de jugements du conseil des prud'hommes de Fontainebleau du 18 juillet 2018 dans une affaire les opposant à M. [O], liquidateur de la société International Corporate Investors GmbH (ICI GmbH), à la SCP Christophe Ancel prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Prevent Glass, à la société Prevent Dev GmbH et à la société Volkswagen Aktiengesellschaft et en présence de l'association AGS CGEA IDF Est UNEDIC (AGS).

3. Par ordonnance du 2 juillet 2019 rendue dans chacun des dossiers d'appel, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer et a rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel présentée par les sociétés intimées.

4. Ces ordonnances ont été déférées à la cour d'appel.

Enoncé du moyen

5. MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ] font grief aux arrêts d'infirmer l'ordonnance déférée du conseiller de la mise en état rejetant l'incident tendant au constat de la caducité de la déclaration d'appel et, statuant à nouveau, de prononcer cette caducité et constater l'extinction de l'appel et le dessaisissement de la cour, alors « que les conclusions d'appelant exigées par l'article 908 du code de procédure civile sont celles remises au greffe et notifiées dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel ; que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l'article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 ; que les conclusions qui présentent, au sein de leur dispositif, les prétentions de première instance qui ont été rejetée par les chefs du jugement critiqués au sein de la déclaration d'appel, déterminent l'objet du litige, peu important que ce dispositif ne comporte pas la mention spécifique d'une demande d'infirmation ou de réformation, que la discussion sur les prétentions et moyens ne développe aucune critique spécifiquement dirigée contre le jugement et que n'ait pas été respectée l'obligation d'énoncer, en amont de la discussion sur les prétentions et moyens, les chefs du jugement critiqués ;

qu'en retenant que les conclusions déposés par l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige aux motifs inopérants qu'elles ne critiquaient pas la décision du premier juge, qu'elles ne faisaient référence à cette dernière et qu'elles comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'annulation ou à l'infirmation du jugement, la cour d'appel a violé les articles 901, 908 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

7. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office lacaducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d‘appel si les conditions en sont réunies.

8. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d'appel ayant été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié) pour la première fois dans un arrêt publié, son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

9. Pour infirmer les ordonnances du conseiller de la mise en état et déclarer caduques les déclarations d'appel, les arrêts retiennent d'une part que la régularité de la déclaration d'appel ne dispense pas l'appelant d'adresser dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile des conclusions répondant aux exigences fondamentales en ce qu'elles doivent nécessairement tendre, par la critique du jugement, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel et déterminer l'objet du litige, d'autre part, que les conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile ne critiquent pas la décision des premiers juges constatant la prescription de l'action et comportent un dispositif qui ne conclut pas à l'annulation ou à l'infirmation totale ou partielle du jugement.

10. En statuant ainsi, la cour d' appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 4 septembre 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure, énoncée au § 6, instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours et aboutissant à priver MM. [K], [CI], [ZS], [UI], [LM], [TZ], [JA], [BG], [FL], [D], [M], [W], [F], [C], Mme [MO], MM. [AU], [LW], [B], [YP], [T], Mme [J], MM. [PK] et [DM] [G], [N], [Z], [PU], [L], [IH], [VB] et [YZ] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts n° RG 19/07541, 19/07571, 19/07572, 19/07574, 19/07576, 19/07577, 19/07579, 19/07580, 19/07582, 19/07542, 19/07543, 19/07544, 19/07545, 19/07547, 19/07563, 19/07566, 19/07568, 19/07548, 19/07593, 19/07549, 19/07550, 19/07553, 19/07554, 19/07552, 19/07556, 19/07560, 19/07557, 19/07131, 19/07125, 19/07561, rendus le 20 décembre 2019, entre les parties, par le pôle 6 chambre 1 de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Bénabent ; SAS Cabinet Colin - Stoclet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 542, 954 et 914 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020, (rejet).

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 20-11.875, (B)

Cassation

Procédure à jour fixe – Assignation – Dépôt d'une copie au greffe – Copie incomplète – Sanction – Nullité pour vice de forme – Condition – Nécessité d'un grief

Selon l'article 922 du code de procédure civile, dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.

Encourt la cassation, une cour d'appel qui, pour déclarer l'appel caduc, constate la remise au greffe avant la date de l'audience d'une copie incomplète de l'assignation à jour fixe délivrée, sans constater sa nullité, alors que l'assignation remise au greffe était affectée d'un vice de forme susceptible d'entraîner sa nullité sur la démonstration d'un grief par l'intimé.

Procédure à jour fixe – Acte d'appel – Caducité – Cas – Violation de l'article 922 code de procédure civile – Défaut de remise complète de la copie de l'assignation au greffe – Vice de forme – Nécessité d'un grief

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2019), à la suite d'un commandement valant saisie immobilière, la SCP [Y] [L], devenue la Selarl MJ & associés, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aciéries du Val de Saône, a poursuivi la vente d'un bien immobilier appartenant à Mme [F] et a assigné cette dernière devant un juge de l'exécution aux fins d'ordonner la vente forcée du bien et fixer sa créance.

2. Un jugement d'orientation d'un juge de l'exécution a notamment débouté Mme [F], ordonné la vente forcée de l'immeuble et retenu la créance du liquidateur à la somme de 200 000 euros en principal.

3. Mme [F] a relevé appel de ce jugement.

4. Une ordonnance d'un premier président d'une cour d'appel a autorisé l'appelante à faire délivrer l'assignation pour l'audience du 6 novembre 2019.

Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [F] fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel en date du 3 mai 2019, alors « que, dans une procédure à jour fixe, seule l'absence de remise d'une copie de l'assignation au greffe de la cour d'appel par voie électronique avant la date fixée pour l'audience est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, l'irrégularité affectant le contenu de cette formalité ne constituant pas une cause de caducité ; qu'en jugeant pourtant caduque la déclaration d'appel de Mme [F] du 3 mai 2019 au seul motif que la copie de l'assignation qui lui avait été remise par Mme [F] par voie électronique avant la date de l'audience était incomplète, la cour d'appel a violé l'article 922 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 922 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.

8. Pour constater la caducité de l'appel, l'arrêt retient que Mme [F] a remis au greffe avant la date de l'audience une copie incomplète de l'assignation à jour fixe délivrée le 29 mai 2019 en ce qu'elle ne comprend, outre la page mentionnant les modalités de sa signification à l'intimée, que les trois premières pages sur les sept que compte cet acte. Il ajoute que cette copie ne comprend notamment pas le dispositif de l'assignation. Il relève, en outre, que la copie remise au greffe de la cour d'appel étant incomplète, celle-ci n'est pas valablement saisie.

9. En statuant ainsi, alors que l'assignation remise au greffe était affectée d'un vice de forme susceptible d'entraîner sa nullité sur la démonstration d'un grief par l'intimée, la cour d'appel, qui ne pouvait ainsi prononcer la caducité de la déclaration d'appel sans constater, le cas échéant, au préalable, la nullité de cet acte, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article 922 du code de procédure civile.

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 20-13.568, (B)

Cassation partielle

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Cas – Conclusions de l'appelant – Défaut de notification des conclusions à l'intimé – Irrégularité de forme affectant la notification – Conditions – Annulation de l'acte – Preuve d'un grief

Il résulte des articles 114 et 911 du code de procédure civile que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai requis, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l'invoque, du grief que lui a causé l'irrégularité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 octobre 2019), la société Le Bateau Lavoir (la société) a interjeté appel d'une ordonnance du juge-commissaire d'un tribunal de commerce ayant statué sur une déclaration de créance de M. [F].

2. La déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant ont été signifiées à M. [F] à un domicile élu dont l'adresse était erronée.

3. M. [F] a soulevé la caducité de la déclaration d'appel, faute de signification régulière des conclusions d'appelant dans le délai requis.

Sur le moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :

« 1°/ que l'irrégularité d'un acte ne peut être sanctionnée qu'au titre des irrégularités de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile ou des irrégularités de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile, sans pouvoir l'être au titre de l'inexistence de l'acte ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile ;

2°/ que l'erreur, quant à l'adresse du destinataire, constitue une irrégularité de forme, de sorte que la nullité ne peut être prononcée que si le demandeur établit l'existence d'un grief, constaté par le juge dans l'exercice de son pouvoir souverain ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, sans constater que la preuve d'un grief était rapportée eu égard aux circonstances, les juges du fond ont violé l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 114 et 911 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l'invoque, du grief que lui a causé l'irrégularité.

6. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que la signification d'un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de

signification tant de la déclaration d'appel que des conclusions subséquentes avant l'expiration des délais imposés par les articles 908 et 911 du code de procédure civile et qu'il n'y a pas à rechercher si l'irrégularité a causé ou non un grief à l'intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d'un vice de forme mais de l'absence de signification des actes.

7. En statuant ainsi, alors que les actes de la procédure, signifiés à une adresse erronée, étaient affectés d'un vice de forme susceptible d'entraîner leur nullité sur la démonstration, par M. [F], du grief qu'il lui causait, la cour d'appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel sans que les actes de signification aient été annulés dans les conditions prévues par l'article 114 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que les époux [H] [F] ne sont pas intervenants volontaires à la présente procédure, l'arrêt rendu le 10 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 114 et 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-17.999, Bull. 2014, II, n° 213 (cassation).

2e Civ., 4 novembre 2021, n° 19-24.811, (B)

Cassation

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Convocation par le greffe – Mentions obligatoires – Exclusion – Conséquences de l'absence de comparution

Selon l'article 937 du code de procédure civile, le greffier de la cour d'appel convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le demandeur est avisé par tous moyens des lieux, jour et heure de l'audience. La convocation vaut citation.

Il ne résulte ni de ce texte, ni d'aucune autre disposition ou principe que la convocation à l'audience que le greffier de la cour d'appel adresse à l'appelant, en application du texte précité, lorsque celle-ci statue en matière de procédure sans représentation obligatoire, doit contenir une information sur les conséquences de l'absence de comparution de cette partie.

Procédure sans représentation obligatoire – Convocation des parties à l'audience – Convocation par le greffe – Date de l'audience – Délai maximum – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,14 septembre 2018), M. [Z] (l'allocataire), domicilié en Algérie, a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de contester une décision rejetant sa demande d'attribution de la majoration tierce personne, du complément de retraite et de révision de sa pension vieillesse.

Par jugement en date du 15 juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale, après avoir constaté que l'allocataire, régulièrement convoqué, n'était ni comparant, ni représenté, l'a débouté de ses demandes.

2. M. [Z] a relevé appel du jugement.

Sur le moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le déclarer non fondé en son appel, alors, « que la notification d'une convocation devant une juridiction doit informer clairement le destinataire sur les conséquences de l'absence de comparution à l'audience ; que dans le cas d'espèce, la convocation adressée à M. [Z], en date du 10 novembre 2015 pour l'audience du 28 mai 2018, énonçait simplement : « les parties peuvent comparaître personnellement ou se faire représenter » et « le représentant doit, s'il n'est pas avocat, justifier d'un pourvoi spécial » ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6, §1, de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 937 du code de procédure civile, le greffier de la cour d'appel convoque le défendeur à l'audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Le demandeur est avisé par tous moyens des lieux, jour et heure de l'audience.

La convocation vaut citation.

5. Il ne résulte ni de ce texte, ni d'aucune autre disposition ou principe que la convocation à l'audience que le greffier de la cour d'appel adresse à l'appelant, en application du texte précité, lorsque celle-ci statue en matière de procédure sans représentation obligatoire, doit contenir une information sur les conséquences de l'absence de comparution de cette partie.

6. En l'espèce, selon les productions, une convocation pour une audience devant se tenir le 28 mai 2018 a été adressé à M. [Z], contenant notamment la mention suivante : le greffier en chef, conformément à l'article 683 du code de procédure civile... vous convoque à l'audience...

Le cas échéant, aviser votre représentant de la date de l'audience, et rappelant les dispositions des articles R.142-20 du code de la sécurité sociale et 931 du code de procédure civile.

7. En l'état des mentions dépourvues d'ambiguïté de cette convocation, dont elle constatait qu'elle avait été régulièrement remise à M. [Z], selon les modalités de notification des actes à l'étranger prévues aux articles 683 et suivants du code de procédure civile, et que l'appelant n'avait pas comparu et n'était pas représenté, c'est sans méconnaître l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel a statué.

8. Le grief n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le déclarer non fondé en son appel, alors, « que dans sa lettre en date du 14 octobre 2015, saisissant la cour d'appel de Paris, M. [Z] avait sollicité l'aide juridictionnelle ; qu'il avait renouvelé cette demande par une lettre en date du 8 février 2016, adressée au greffe de la cour d'appel ; que la cour d'appel ne pouvait se contenter de constater que l'appelant ne comparaissait pas et n'était pas représenté ; qu'elle devait s'interroger sur l'existence et le sort de la demande d'aide juridictionnelle ; que la cour d'appel a, de plus fort, violé l'article 6, 1° de la Convention européenne des sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

10. En application du premier de ces textes, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant.

11. Il résulte du second de ces textes que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat.

12. Pour déclarer M. [Z] non fondé dans son appel, l'arrêt retient qu'en ne comparaissant pas en personne et en ne se faisant pas représenter pour soutenir son appel, l'appelant laisse la cour dans l'ignorance des critiques qu'il aurait pu former.

13. En statuant ainsi, alors que M. [Z] avait sollicité, avant la date de l'audience, par lettre du 14 octobre 2015, l'aide juridictionnelle et qu'il incombait, dès lors, à la cour d'appel de s'assurer du traitement de cette demande par le bureau d'aide juridictionnelle établi auprès d'elle, celle-ci a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet -

Textes visés :

Article 937 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-15.209, Bull. 2015, II, n° 183 (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.