Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2021

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 10 novembre 2021, n° 19-24.696, (B) (R)

Rejet

Tiers payeur – Protocole assureurs-organismes sociaux – Domaine d'application – Etendue – Véhicules soumis à l'obligation d'assurance – Appréciation souveraine

Le règlement d'application pratique et les annexes, en leur version applicable au litige, du protocole assureurs-organismes sociaux du 24 mai 1983, relatif au recouvrement des créances des organismes de protection sociale auprès des entreprises d'assurances, prévoient qu'il s'applique aux accidents survenus à compter du 6 avril 2000 et « occasionnés par des véhicules soumis à l'obligation d'assurance (articles L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des assurances), ainsi que par des bicyclettes, même lorsqu'elles sont tenues à la main ».

C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'une cour d'appel a décidé que l'accord liant les parties s'appliquait aux accidents causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurance.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 mai 2019), [Y] [B], salarié de la société de transport Michel, a été victime, le 7 mai 2007, d'un accident mortel alors qu'il participait, sur le site exploité par la société Saint-Gobain [Localité 6] (Saint-Gobain PAM), au chargement de tuyaux en fonte d'un poids de huit tonnes chacun et qu'il se trouvait entre deux camions stationnés en parallèle lorsque le tuyau, que le cariste soulevait, a roulé sur les fourches de son engin de levage et l'a heurté en tombant.

2. La société Saint-Gobain PAM a été déclarée coupable du délit d'homicide involontaire pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire respecter par les chauffeurs des camions assurant le transport des tuyaux les mesures de sécurité en vigueur dans l'entreprise.

3. La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle (la caisse) a assigné la société Saint-Gobain PAM et ses assureurs de responsabilité, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, sur le fondement des articles L. 454-1 et D. 454-1 du code de la sécurité sociale, aux fins de condamnation solidaire à lui payer le montant des débours exposés par elle à l'occasion de l'accident et des indemnités de frais de gestion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement, de dire que le protocole d'accord conclu entre assureurs et organismes sociaux doit trouver à s'appliquer en l'espèce et de la débouter de son recours exercé contre la société Saint-Gobain PAM et ses assureurs selon les règles du droit commun, alors « que le protocole d'accord du 14 mai 1983 conclu entre les organismes sociaux et les entreprises d'assurances, faisant obstacle à ce que la caisse exerce son recours selon les règles du droit commun, ne s'applique qu'en présence d'un accident de la circulation au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; que n'est pas un accident de la circulation au sens de ce texte, l'accident impliquant un élément d'équipement d'un véhicule terrestre à moteur étranger à sa fonction de circulation ; qu'en retenant toutefois qu'il n'y avait pas lieu de vérifier si, au moment de l'accident, le chariot élévateur circulait ou était à l'arrêt et utilisé comme machine outil, les juges du fond ont violé les articles L. 454-1 et D. 454-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et L. 211-1 et R. 221-5 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. Le protocole d'accord assureurs-organismes sociaux conclu le 24 mai 1983 est relatif au recouvrement des créances des organismes de protection sociale auprès des entreprises d'assurances à la suite d'accidents causés par des véhicules terrestres à moteur et par des bicyclettes.

6. Son règlement d'application pratique et ses annexes, en leur version applicable au litige, prévoient qu'il s'applique aux accidents survenus à compter du 6 avril 2000 et « occasionnés par des véhicules soumis à l'obligation d'assurance (articles L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des assurances), ainsi que par des bicyclettes, même lorsqu'elles sont tenues à la main ».

7. Le protocole d'accord assureurs-organismes sociaux conclu le 24 mai 1983 est relatif au recouvrement des créances des organismes de protection sociale auprès des entreprises d'assurances à la suite d'accidents causés par des véhicules terrestres à moteur et par des bicyclettes.

8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a décidé que l'accord liant les parties s'appliquait aux accidents causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurance.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le second moyen

10. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que le protocole conclu entre assureurs et organismes sociaux doit trouver à s'appliquer en l'espèce et de la débouter de son recours exercé contre la société Saint-Gobain PAM selon les règles du droit commun, alors « que le protocole d'accord du 14 mai 1983 conclu entre les organismes sociaux et les entreprises d'assurances, faisant obstacle à ce que la caisse exerce son recours selon les règles du droit commun, n'a vocation qu'à régir les relations entre la caisse et les assureurs de l'auteur de l'accident ; qu'en déboutant la caisse de son recours en tant qu'il était dirigé contre la société Saint-Gobain [Localité 6], auteur de l'accident, motif pris de l'applicabilité du protocole, les juges du fond ont violé les articles L. 454-1 et D. 454-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. Les sociétés Saint-Gobain PAM, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau.

12. Cependant, le moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

13. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

14. Le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat.

15. C'est, par suite, sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, pour statuer sur la demande de la caisse dirigée contre le tiers responsable, a pris en compte le protocole litigieux, lequel constituait un fait juridique pouvant être invoqué à son profit par ce tiers.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des assurances ; protocole assureurs-organismes sociaux du 24 mai 1983, relatif au recouvrement des créances des organismes de protection sociale auprès des entreprises d'assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 5 octobre 2006, pourvoi n° 04-11.581, Bull. 2006, II, n° 251 (cassation sans renvoi).

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