Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

VENTE

3e Civ., 12 novembre 2020, n° 19-22.376, (P)

Cassation

Immeuble – Accessoires – Action en réparation des dommages causés à l'immeuble – Exercice – Conditions – Intérêt direct et certain

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 janvier 2019), M. E... XK... et son épouse ont vendu à T... A... et Mme J... une maison d'habitation qu'ils avaient fait édifier en confiant la réalisation d'une partie des travaux à M. U... XK..., assuré auprès de la société Axa courtage, maintenant dénommée Axa France IARD (la société Axa).

2. Un jugement a condamné in solidum M. et Mme XK..., d‘une part, et la société Axa, d'autre part, à payer à Mme J... et à P... A..., venue aux droits de T... A... décédé (les consorts A... J...), des sommes au titre de la réparation de désordres atteignant l'immeuble et de l'indemnisation d'un préjudice de jouissance.

3. M. et Mme XK... ont assigné en garantie la société Axa.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir M. et Mme XK... de l'intégralité des condamnations prononcées contre eux, alors « que les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en

réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la société Axa France IARD, assureur de responsabilité décennale de M. U... XK..., constructeur de la maison des époux XK..., a fait valoir que ces derniers avaient été condamnés envers les consorts J... A..., acquéreurs de leur maison, sur le fondement de la garantie décennale en leur qualité de vendeurs réputés constructeurs, qu'ils pouvaient donc agir contre elle sur le seul fondement de l'article 1792 du code civil et que le délai d'épreuve décennal pendant lequel elle devait sa garantie avait expiré le 3 décembre 2012, faute d'avoir été interrompu par les époux XK... ; que pour écarter la forclusion invoquée, la cour a retenu que le recours en garantie des époux XK... contre la compagnie Axa France IARD, assureur de M. U... XK..., était fondé sur la responsabilité de droit commun dès lors qu'ils avaient la qualité de constructeurs ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, nonobstant la vente de leur maison aux consorts J... A..., ils n'avaient pas conservé contre la société Axa France Iard, prise en tant qu'assureur de M. U... XK..., dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

5. Selon ce texte, tout constructeur d'ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

6. D'une part, si l'action en garantie décennale se transmet en principe avec la propriété de l'immeuble aux acquéreurs, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Tel est le cas lorsqu'il a été condamné à réparer les vices de cet immeuble (3e Civ., 20 avril 1982, pourvoi n° 81-10.026, Bull. 1982, III, n° 95 ; 3e Civ., 9 février 2010, pourvoi n° 08-18.970).

7. D'autre part, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (3e Civ., 13 avril 1988, pourvoi n° 86-17.824, Bull. 1988, III, n° 67).

8. Enfin, le délai de la garantie décennale étant un délai d'épreuve, toute action, même récursoire, fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception (3e Civ., 15 février 1989, pourvoi n° 87-14.713, Bull. 1989, III, n° 36).

9. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa, l'arrêt retient que M. et Mme XK... ont été condamnés à indemniser leurs acquéreurs sur le fondement de l'article 1792-1 2° du code civil, en qualité de constructeurs et non de maîtres de l'ouvrage, qualité qu'ils ont perdue par la vente de celui-ci, et qu'ils agissent comme constructeurs contre la société Axa, assureur de l'entreprise qui a réalisé la maçonnerie et avec laquelle ils étaient liés contractuellement, de sorte que leur recours en garantie est fondé sur la responsabilité de droit commun.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé,

si, en dépit de la vente de leur maison, M. et Mme XK... n'avaient pas conservé contre l'assureur de l'entreprise, dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Bech - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles 1792 et 1792-1, 2°, du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 13 avril 1988, pourvoi n° 86-17.824, Bull. 1988, III, n° 67 (rejet) ; 3e Civ., 15 février 1989, pourvoi n° 87-14.713, Bull.1989, III, n° 36 (rejet) ; 3e Civ., 11 décembre 1991, pourvoi n° 90-17.489, Bull. 1991, III, n° 314 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

3e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-14.601, (P)

Rejet

Promesse de vente – Immeuble – Cession d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier – Promesse synallagmatique – Promesse d'une durée supérieure à dix-huit mois – Constatation par acte authentique – Défaut – Effets – Nullité – Nature – Nullité relative

Les dispositions de l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation ayant pour objet la seule protection du promettant qui immobilise son bien pendant une longue durée, la nullité encourue en raison de leur non-respect est relative.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 7 février 2019), par acte sous seing privé du 10 mai 2013, M. F... a donné à bail à M. et Mme Q... un appartement pour une durée de trois ans.

2. Par un protocole devant être annexé au contrat de bail, les parties étaient convenues de la vente de l'appartement, selon certaines modalités et conditions, dans un délai maximum de vingt-quatre mois.

Par acte du 23 mai 2015, elles ont prorogé les effets du protocole jusqu'au 15 mai 2016.

3. Par acte du 3 novembre 2016, M. F... a, après commandement de payer les loyers, assigné M. et Mme Q... en résiliation du bail, expulsion et paiement de diverses sommes.

4. M. et Mme Q... ont sollicité reconventionnellement la nullité du protocole.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du protocole, de constater la résiliation du bail, de les condamner solidairement à payer diverses sommes au titre des arriérés de loyers et des indemnités d'occupation et d'ordonner leur expulsion, alors :

« 1°/ que la promesse de vente, unilatérale ou synallagmatique, qui a pour objet la cession, par une personne physique, d'un immeuble, et dont la validité est supérieure à dix-huit mois, est nulle et de nul effet si elle n'est pas constatée par un acte authentique ; qu'une telle promesse de vente constitue donc un acte solennel ; que la nullité de l'acte qui a été établi sans observer la solennité à laquelle il est assujetti, est absolue, de sorte qu'elle peut être demandée par toute personne intéressée ; qu'en décidant le contraire quand elle constate que la promesse synallagmatique de vente de l'espèce qui a été souscrite par M. K... F... et par M. et Mme Y... Q... W... pour une durée supérieure à vingt-quatre mois, a donné lieu à l'établissement d'un simple acte sous seing privé, et non pas, comme la solennité résultant de l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation l'exigeait, à l'établissement d'unacte authentique, la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien et 1180 actuel du code civil, ensemble l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que la promesse de vente, unilatérale ou synallagmatique, qui a pour objet la cession, par une personne physique, d'un immeuble, et dont la validité est supérieure à dix-huit mois, est nulle et de nul effet si elle n'est pas constatée par un acte authentique ; que la formalité de l'acte authentique, qui comporte la soumission du contrat à l'enregistrement, est destinée à protéger les intérêts du fisc et par conséquent, l'intérêt public ; qu'il s'ensuit que la nullité prévue par l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation est absolue, de sorte qu'elle peut être demandée par toute personne intéressée ; qu'en décidant le contraire quand elle constate que la promesse synallagmatique de vente de l'espèce qui a été souscrite par M. K... F... et par M. et Mme Y... Q... W... pour une durée supérieure à vingt-quatre mois, a donné lieu à l'établissement d'un simple acte sous seing privé, et non pas, comme la solennité résultant de l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation l'exigeait, à un acte authentique, la cour d'appel a violé les articles 1304 ancien, 1179 actuel et 1180 actuel du code civil, ensemble l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a retenu que le protocole s'analysait en une promesse synallagmatique de vente d'une durée supérieure à dix-huit mois et qu'il était soumis à l'article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation.

7. Elle a énoncé à bon droit que, dès lors que les dispositions de ce texte ont pour objet la seule protection du promettant qui immobilise son bien pendant une longue durée, la nullité encourue en raison de leur non-respect est relative.

8. Elle en a exactement déduit que seul M. F... pouvait invoquer la nullité du protocole et que la demande de M. et Mme Q... devait être rejetée.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Abgrall - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 290-1 du code de la construction et de l'habitation.

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