Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

TESTAMENT

1re Civ., 5 novembre 2020, n° 20-16.879, (P)

Déchéance et cassation partielle

Incapacité de recevoir – Domaine d'application – Médecin ayant traité une personne au cours de sa dernière maladie – Qualité d'exécuteur testamentaire – Compatibilité

L'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, ne fait pas obstacle ce que le médecin qui aura traité une personne pendant la maladie dont elle meurt soit désigné en qualité d'exécuteur testamentaire.

Déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme O..., prise en sa qualité de séquestre de la succession de B... H... au titre du prix de vente des bijoux, soulevée en défense

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Le pourvoi est dirigé contre Mme O..., prise en ses qualités d'administrateur provisoire de la succession de B... H... et de séquestre de ladite succession au titre du prix de vente des bijoux, la fondation [...], Mme R... et M. F... JX....

2. Le mémoire ampliatif remis au greffe de la Cour de cassation est seulement dirigé contre Mme O..., prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession de B... H..., la fondation [...], Mme R... et M. F... JX....

3. La déchéance du pourvoi est dès lors encourue en ce qu'il est formé contre Mme O..., prise en sa qualité de séquestre de la succession de B... H... au titre du prix de vente des bijoux.

Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme O..., prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession de B... H..., contestée par la défense

Vu l'article 32 du code de procédure civile :

4. Il résulte des productions qu'une ordonnance du 19 juillet 2018 a mis fin à la mission de Mme O... en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession.

5. Le pourvoi en cassation, en tant qu'il est dirigé contre Mme O... en cette qualité, est par conséquent irrecevable pour être formé contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 18-15.713), B... H... est décédée le 7 avril 1999, en l'état d'un testament du 15 octobre 1990 instituant en qualité de légataire universel la fondation [...] (la fondation) et de divers codicilles, dont deux des 20 et 22 février 1994 désignant M. W... en qualité d'exécuteur testamentaire, deux du 12 avril 1994 léguant à ce dernier le contenu de son appartement et à son épouse des bijoux, et un du 3 décembre 1995 réitérant ce dernier legs.

7. Mme R... et M. F... JX..., petits-neveux de B... H..., ont assigné la fondation pour contester ses droits dans la succession. M. et Mme W... sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et la quatrième qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de dire nuls les codicilles des 20 et 22 février 1994 et 3 décembre 1995 et de rejeter leurs demandes tendant à voir juger que M. W... est exécuteur testamentaire et que Mme W... bénéficie d'un legs particulier de bijoux, alors « que l'incapacité de recevoir qui frappe le médecin ayant traité le de cujus pendant la maladie dont celui-ci est mort ne s'applique pas à l'hypothèse dans laquelle l'assistance a été prodiguée, hors tout cadre contractuel, en raison des liens affectifs unissant le médecin et le de cujus ; qu'en affirmant qu'il importait peu que les ordonnances établies par M. W... au profit de B... H... aient été établies en raison des liens d'amitié ayant existé entre ces derniers, quand une telle circonstance était pourtant de nature à exclure l'incapacité de recevoir de M. W..., la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

10. Après avoir relevé qu'entre le 8 décembre 1993 et le 7 avril 1999, date du décès de B... H..., M. W..., qui était le seul médecin qu'elle voyait régulièrement et avait pris en charge sa santé dans tous ses aspects, avait établi quarante-deux prescriptions médicales afin de ralentir la lente dégradation de son état de santé, la dernière datant du jour de son décès, l'arrêt retient souverainement que celui-ci lui avait prodigué des soins pendant la maladie dont elle est décédée.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que M. W... était frappé d'une incapacité de recevoir au sens de l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007,de sorte qu'il ne pouvait profiter des dispositions testamentaires faites en sa faveur pendant le cours de cette maladie, et que l'incapacité de recevoir s'étendait à son épouse, en sa qualité de personne interposée au sens de l'article 911 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, peu important que les soins prodigués à B... H... l'aient été à titre gratuit en raison des liens d'amitié que M. W... lui portait.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. M. et Mme W... font le même grief à l'arrêt, alors « que l'incapacité de recevoir qui frappe le médecin ayant traité le de cujus pendant la maladie dont celui-ci est mort ne concerne que les libéralités consenties par le de cujus au profit de son médecin ; qu'en décidant d'annuler, à raison de l'incapacité de recevoir dont serait frappé M. W..., les codicilles des 20 et 22 février 1994 par lesquels B... H... avait désigné M. W... comme exécuteur testamentaire, sans pour autant lui consentir aucune libéralité, la cour d'appel a violé l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006, applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 909 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 :

14. Aux termes de ce texte, les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie.

15. Après avoir énoncé que M. W... avait, entre le 8 décembre 1993 et le 7 avril 1999, prodigué à B... H... des soins pendant la maladie dont elle est décédée, l'arrêt retient que les codicilles des 20 et 22 février 1994 doivent être déclarés nuls et que celui-ci ne peut revendiquer la qualité d'exécuteur testamentaire.

16. En statuant ainsi, alors que ces deux codicilles, qui se bornaient à désigner M. W... en qualité d'exécuteur testamentaire, ne contenaient aucune libéralité à son profit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme O... prise en sa qualité de séquestre de la succession de B... H... au titre du prix de vente des bijoux ;

DECLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme O... prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule les codicilles des 20 et 22 février 1994 et rejette les demandes de M. et Mm W... tendant à ce qu'il soit jugé que M. W... est exécuteur testamentaire de B... H... ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 909 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.