Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

SOCIETE EN NOM COLLECTIF

Com., 18 novembre 2020, n° 18-21.797, (P)

Rejet

Associés – Revendication de la qualité d'associé – Conjoint d'un associé – Conditions – Consentement unanime des associés

Il résulte de la combinaison des articles 1832-2, alinéa 3, du code civil et L. 221-13 du code de commerce que la revendication de la qualité d'associé par le conjoint d'un associé en nom, bien que ne constituant pas une cession, est subordonnée au consentement unanime des autres associés, qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 juin 2018), Mme W... et M. F... se sont mariés sans contrat de mariage préalable le [...] avant d'adopter, le 20 mars 1992, le régime de la communauté universelle.

2. Pendant le mariage, les époux ont constitué plusieurs sociétés et notamment la société en nom collectif Brûlerie corrézienne, dont 50 % des parts étaient détenues dans le dernier état par M. K....

3. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 décembre 2007, Mme W... a notifié à la société Brûlerie corrézienne son intention d'être personnellement associée à hauteur de la moitié des parts détenues par son époux, associé en nom, sur le fondement de l'article 1832-2 du code civil, puis elle a assigné M. F... et cette société aux fins, notamment, de se voir reconnaître la qualité d'associée.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mme W... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas la qualité d'associée et de cogérante de la société Brûlerie corrézienne, alors « que de l'impossibilité absolue d'exécuter à la fois les dispositions définitives du jugement déféré et l'arrêt d'appel à intervenir résulte une indivisibilité du litige qui contraint l'appelant, à peine d'irrecevabilité, à mettre en cause tous les intimés ; qu'en affirmant, pour juger recevable l'appel de M. F..., que la circonstance que les sociétés parties en première instance n'aient pas interjeté appel ne saurait le priver de la faculté de relever appel de la décision, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le jugement déféré, en ce qu'il avait reconnu à Mme W... la qualité d'associée et de cogérante de la SNC Brûlerie corrézienne, n'était pas définitif à l'égard de la société, partie en première instance, ce dont il résultait que l'arrêt d'appel, infirmatif à l'égard de Mme W..., était incompatible avec le jugement définitif à l'égard de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 324 et 553 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance.

7. Le tribunal ayant fait droit à la demande de Mme W... et celle-ci ne pouvant tout à la fois être déclarée associée vis-à-vis de la SNC Brûlerie corrézienne, et non associée de M. F..., il s'ensuit que le litige entre ces différentes parties est indivisible et que l'appel formé par M. F... contre la seule Mme W... a, en application du texte susvisé, produit ses effets à l'égard de la société Brûlerie corrézienne, partie en première instance, bien qu'elle n'ait pas été intimée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Mme W... fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que, comme elle le soutenait, il résulte des dispositions de l'article 1832-2 du code civil, auxquelles ne peuvent être opposées celles de l'article L. 221-13 du code de commerce, qu'en l'absence de clause spécifique d'agrément, la société à qui est notifiée l'intention du conjoint d'être personnellement associé, ne peut s'y opposer ; que, dès lors, en subordonnant la reconnaissance de la qualité d'associé de Mme W... « au consentement unanime des associés, à l'exception de son conjoint », la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 1832-2 du code civil, et, par fausse application, celles de l'article L. 221-13 du code de commerce ;

2°/ que, subsidiairement, lorsqu'une société en nom collectif est constituée de deux associés, l'accord d'un associé à l'agrément en qualité d'associé du conjoint de l'autre, lequel a notifié son intention d'être personnellement associé, suffit à donner au conjoint cette qualité ; qu'en déboutant Mme W... de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité d'associée de la SNC Brûlerie corrézienne après avoir constaté que dans un courrier officiel du 17 février 2016 le conseil de M. K..., unique associé de M. F..., conjoint de Mme W..., avait indiqué ne pas s'opposer à la demande de celle-ci d'être associée, mais que ce courrier ne pouvait être considéré comme un consentement car intervenu, sans délibération, huit ans après la demande de Mme W..., la cour d'appel a refusé par un motif inopérant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1832-2 du code civil et L. 221-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de la combinaison des articles 1832-2, alinéa 3, du code civil et L. 221-13 du code de commerce que la revendication de la qualité d'associé par le conjoint d'un associé en nom, bien que ne constituant pas une cession, est subordonnée au consentement unanime des autres associés, qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Lorsque le consentement d'un seul associé est requis, ce consentement est, à défaut de délibération, adressé à la société et annexé au procès-verbal prévu par l'article R. 221-2 du code de commerce.

11. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a énoncé que, malgré l'absence de clause insérée à cet effet dans les statuts, les dispositions de l'article L. 221-13 du code de commerce s'imposent, et qu'après avoir constaté que M. K..., associé de M. F... au sein de la société Brûlerie corrézienne, n'avait jamais été informé de la revendication faite par Mme W... et n'avait été convoqué à aucune assemblée générale portant sur cette demande, elle a retenu que la lettre officielle du conseil de M. K... adressé au conseil de Mme W... ne pouvait être considérée comme un consentement satisfaisant aux exigences de l'article L. 221-13 susvisé et a, en conséquence, rejeté la demande de Mme W... tendant à se voir reconnaître la qualité d'associée de la société.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1832-2, alinéa 3, du code civil ; article L. 221-13 du code de commerce.

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