Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

SECURITE SOCIALE, REGIMES COMPLEMENTAIRES

2e Civ., 5 novembre 2020, n° 19-17.164, (P)

Rejet

Risques couverts – Risques décès, risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, risques d'incapacité ou d'invalidité – Garantie – Versement des prestations immédiates ou différées – Cessation de la relation de travail – Effets – Maintien des garanties à titre gratuit – Bénéficiaires – Salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur

L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine.

Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.

Dès lors, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, ayant relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation d'un contrat collectif d'assurance complémentaire santé souscrit par une société avant sa mise en liquidation judiciaire, ordonne à l'assureur de maintenir ce contrat postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société souscriptrice, selon les modalités prévues par ce contrat et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, après avoir retenu que ces dispositions ne prévoient aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés à la suite de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mars 2019), la société Déménagements transports Pupier (la société DTP) a souscrit, le 1er décembre 2012, un contrat collectif d'assurance complémentaire santé au bénéfice de ses salariés auprès de la société Groupama Gan vie (l'assureur).

2. Par jugement du 17 mai 2016, la société DTP a été placée en liquidation judiciaire, avec désignation de M. V... en qualité de liquidateur.

3. M. V..., es qualités, a sollicité de l'assureur la mise en oeuvre, au bénéfice des salariés licenciés de la société DTP, du dispositif de maintien des garanties prévu par l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

4. L'assureur ayant soutenu que le régime de portabilité des droits ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'adhérent, M. V..., ès qualités, l'a assigné devant un tribunal de commerce.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de maintenir le contrat complémentaire santé versé aux débats, référencé sous Régime n° 158 - Contrat n° 9545/0 et ses additifs tel que signé le 11 janvier 2013, souscrit par la société DTP le 11 janvier 2013, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et d'assurer la portabilité des droits correspondants au profit des anciens salariés de la société DTP consécutivement à la liquidation judiciaire selon les modalités prévues par les contrats souscrits et les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, alors « que l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance-chômage, selon les conditions qu'il détermine ; que, toutefois, le maintien des garanties est subordonné à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsque l'entreprise souscriptrice est placée en liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la loi ne subordonnait la portabilité des droits au profit des salariés licenciés qu'à « l'existence et l'application d'un contrat collectif de complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu et ne crée qu'une seule exclusion au bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde » (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), s'il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance souscrite par la société DTP, ce que contestait la société Groupama Gan Vie qui faisait valoir que le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l'employeur et les salariés demeurant dans l'entreprise, et non sur l'assureur, qui ne pouvait s'appliquer en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

6. L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine.

7. Ces dispositions, qui revêtent un caractère d'ordre public en application de l'article L. 911-14 du code de la sécurité sociale, n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l'existence d'un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.

8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'il n'était pas justifié de la résiliation du contrat collectif d'assurance en cause, puis retenu que les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale ne prévoyant aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d'une liquidation judiciaire de leur ancien employeur, il n'y avait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et énoncé, enfin, que les observations de l'assureur sur le financement de la couverture mutuelle des salariés licenciés ne se rapportaient pas à un critère ou à une condition d'application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Gelbard-Le Dauphin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi ; articles L. 911-1 et L. 911-14 du même code.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 janvier 2018, pourvoi n° 17-10.636, Bull. 2018, II, n° 7 (rejet), et l'avis cité.

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