SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-15.449, (P)

Rejet

Accidents successifs – Incapacité imputable au nouvel accident – Calcul du taux utile – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 février 2019), M. K... (l'assuré), alors salarié agricole, affilié en cette qualité, au titre des accidents du travail, au régime de protection sociale des salariés agricoles, a été victime, le 4 mars 2006, d'un accident du travail pour lequel la caisse de mutualité sociale agricole Mayenne-Orne-Sarthe (la caisse) lui a attribué une rente de 25 % pour un taux d'incapacité permanente partielle de 50 %. Ayant quitté son emploi salarié pour exercer une activité d'exploitant agricole relevant de l'assurance accident du travail des exploitants agricoles (ATEXA), il a été victime d'un second accident du travail, le 13 septembre 2014, pour lequel la caisse lui a attribué une rente de 22,5 % pour un taux d'incapacité permanente partielle de 45 %.

2. Après rejet de son recours amiable, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale en sollicitant la prise en compte du taux d'incapacité permanente du premier accident du travail pour le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors :

« 1°/ que pour déterminer la partie du taux de l'accident considérée inférieure ou supérieure à 50 %, en cas d'accidents successifs, le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident du travail prend en compte la somme de tous les taux d'incapacité permanente reconnus à l'assuré ; qu'en refusant ce cumul à la victime d'un premier accident du travail alors qu'il était salarié agricole et d'un second alors qu'il était non-salarié agricole, la cour d'appel a violé, par ajout d'une condition d'unicité de régime qu'il ne prévoit pas, l'article D. 752-26, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ qu'une différence de traitement doit être justifiée par des raisons d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en ne recherchant pas si la distinction entre les assurés mono ou multi-régimes s'expliquait par un motif légitime voulu par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité devant la loi, tel qu'il résulte de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte du quatrième alinéa de l'article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1123 du 19 juillet 2007, applicable au litige, qu'en cas d'accidents successifs, le calcul du taux utile afférent à la rente du dernier accident prend en compte la somme de tous les taux d'incapacité permanente reconnus à l'assuré relevant de l'article L. 752-1 du même code, c'est-à-dire à l'assuré relevant du régime ATEXA, de sorte que seules les incapacités permanentes résultant d'accidents du travail pris en charge au titre de ce régime peuvent être considérées, au sens de ce texte, comme résultant d'accidents successifs et prises en compte pour le calcul du taux utile.

5. Ayant constaté que l'accident dont l'assuré avait été victime le 4 mars 2006 avait été pris en charge au titre du régime des salariés agricoles, la cour d'appel, qui a rappelé que la distinction entre les régimes des salariés agricoles et des non-salariés agricoles procédait de la loi, a à bon droit retenu que le taux d'incapacité permanente partielle qui a été attribué à l'assuré au titre de l'accident du 4 mars 2006 ne pouvait être pris en compte pour le calcul du taux utile applicable à la rente concernant l'accident survenu le 13 septembre 2014.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre (président) - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles L. 752-1 et D. 752-26, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1123 du 19 juillet 2007, du code rural et de la pêche maritime.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-18.584, (P)

Rejet

Maladies professionnelles – Dispositions générales – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Avis – Demande – Condition

Dès lors que la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles, l'organisme social n'est pas tenu, en cas de refus de prise en charge, d'instruire cette demande selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau.

Par suite, doit être approuvé l'arrêt qui, après avoir relevé que la maladie déclarée par la victime ne figurait pas au tableau n° 30, dont elle invoquait exclusivement le bénéfice, en déduit exactement que la caisse n'était pas tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 mars 2019), M. K... (la victime) a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe Seine-Maritime (la caisse), le 2 février 2016, une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial du 26 janvier 2016 faisant état d'une « exposition à l'amiante de plus de 30 ans. Dyspnée d'effort avec au scanner thoracique un nodule sous-pleural » et visant le tableau n° 30 des maladies professionnelles.

2. La caisse ayant refusé de prendre en charge cette affection au titre de la législation professionnelle, au motif que les nodules et l'adénopathie n'étaient pas inscrits au tableau n° 30, M. K... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les deux moyens réunis

Enoncé du moyen

3. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ que l'organisme social doit instruire la demande de prise en charge d'une maladie professionnelle sans être tenu par le tableau visé par la déclaration ; que, si l'enquête fait apparaître que la maladie médicalement constatée n'est pas désignée dans le tableau visé par la déclaration, la caisse ne peut décider de son origine professionnelle qu'après l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et l'évaluation de l'incapacité permanente de la victime ; que, le tribunal des affaires de sécurité sociale avait justement retenu « que le médecin conseil a indiqué, à juste titre, que la pathologie déclarée ne ressortait pas du tableau 30 mais qu'il n'en demeure pas moins qu'il existe une déclaration de maladie professionnelle que la caisse se devait d'instruire et qu'en l'absence d'inscription de cette pathologie à un tableau la caisse doit d'instruire le dossier au regard des alinéas quatre et cinq de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, qu'il appartenait donc à la caisse de saisir un comité de régional de reconnaissance des maladies professionnelles dans le délai de trois mois de la déclaration sauf à notifier la nécessité d'un délai complémentaire ce qu'elle n'a pas fait » ; que, pour infirmer ce jugement, la cour d'appel retient que la victime « n'ayant pas soumis de demande à la caisse au titre d'une maladie hors tableau, aucun différend ne l'opposait à cet organisme sur la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale - il en résulte que la caisse n'était pas tenue de faire estimer l'incapacité permanente de l'assuré par son service médical et de saisir, le cas échéant, un CRRMP, la maladie déclarée par la victime ne figurant pas dans le tableau n° 30, c'est à juste titre que la caisse a refusé sa prise en charge » ; qu'en estimant que la caisse devait instruire la demande de prise en charge de la maladie professionnelle uniquement au regard du tableau visé par la déclaration, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que dans ses conclusions, l'assuré social faisait valoir « qu'à tout le moins, la victime est bien fondée à solliciter de la juridiction qu'elle enjoigne à la CPAM la saisine d'un CRRMP afin qu'il se prononce sur le lien essentiel et direct entre la maladie et le travail » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Dès lors que la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles, l'organisme social n'est pas tenu, en cas de refus de prise en charge, d'instruire cette demande selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau.

5. L'arrêt relève que la maladie déclarée par la victime ne figurait pas au tableau n° 30, dont elle invoquait exclusivement le bénéfice.

6. De ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen que celles-ci rendaient inopérant, a exactement déduit que la caisse n'était pas tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-18.244, (P)

Cassation partielle

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Absence de réclamation de l'employeur – Effet

L'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute.

Il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle.

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Opposabilité à l'employeur – Contestation de l'opposabilité de la prise en charge par l'employeur – Demande dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur – Recevabilité (non)

Faute inexcusable de l'employeur – Action de la victime – Caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Contestation par l'employeur – Indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 avril 2019), M. G... (la victime), ancien salarié de la société des Chantiers de l'Atlantique devenue la société Alstom Shipswork (l'employeur), a déclaré, le 24 août 2011, une pathologie prise en charge sur le fondement du tableau 30 bis des maladies professionnelles, après avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse), qui lui a attribué une rente calculée sur un taux d'incapacité permanente partielle de 67 %.

2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Examen du moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision en date du 16 avril 2012 portant prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée par la victime, puis de la débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance au titre de la faute inexcusable, alors « que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'en déclarant inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. G..., quand ils n'étaient saisis que de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par ce dernier, les juges du fond ont violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, ensemble les articles L. 452-1 à L. 452-3 du même code ».

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :

4. Ce texte régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute.

5. Il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que l'accident, la maladie ou la rechute n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de l'accident, de la maladie ou de la rechute par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle.

6. Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie et débouter la caisse de son action récursoire, l'arrêt retient qu'en l'absence de caractérisation par la caisse de la pathologie du tableau n°30 bis, et alors que la caisse ne soutient pas dans ses écritures que la décision de prise en charge du 16 avril 2012 avait acquis un caractère définitif à l'égard de l'employeur, il y a lieu de déclarer inopposable à celui-ci la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par la victime au titre de la législation professionnelle. Il ajoute que l'inopposabilité à l'employeur découlant de cette irrégularité de fond prive la caisse de tout recours récursoire en récupération sur l'employeur des compléments de rente et indemnités versés.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie exclusivement d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Alstom Shipworks la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 24 août 2011 par M. G..., et débouté la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique de sa demande tendant à voir condamner l'employeur à lui rembourser les sommes avancées par elle, l'arrêt rendu le 24 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Alain Bénabent -

Textes visés :

Article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur l'indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à rapprocher : 2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 18-26.782, Bull. 2020, (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-20.058, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Reconnaissance du caractère professionnel de l'accident – Réserves de l'employeur – Objet – Circonstances de temps et de lieu de l'accident ou existence d'une cause totalement étrangère au travail

Selon l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Viole ce texte la cour d'appel, qui déclare opposable à l'employeur une décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur, qui, au stade de la recevabilité des réserves, n'était pas tenu d'apporter la preuve de leur bien fondé, avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable.

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Reconnaissance du caractère professionnel de l'accident – Réserves de l'employeur – Moment – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 mai 2019), la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle un accident survenu le 9 janvier 2012 déclaré avec réserves par la société Adia, aux droits de laquelle vient la société Adecco (l'employeur).

2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale, aux fins d'inopposabilité de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors :

« 1°/ que constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en validant et déclarant opposable à la société Adecco la décision de prise en charge d'emblée par la caisse de l'accident, tout en constatant que cet employeur contestait l'existence d'un accident du travail en invoquant l'absence de témoin oculaire, l'improbabilité que personne n'ait vu M. C... se blesser alors qu'il travaillait en atelier à proximité de nombreux salariés, et le fait que celui-ci avait pu terminer sa journée de travail normalement, sans en informer quiconque au sein de l'entreprise utilisatrice, pour conclure que ledit accident avait pu se produire dans le cadre de la vie privée, ce qui constituait des réserves portant sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte susvisé, qu'elle a donc violé par fausse application ;

2°/ que constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que l'exigence de réserves motivées ne saurait être interprétée comme imposant à l'employeur de rapporter, à ce stade de la procédure, la preuve de faits de nature à démontrer que l'accident n'a pu se produire au temps et au lieu du travail ; qu'en affirmant, pour valider et déclarer opposable à la société Adecco la décision de prise en charge d'emblée par la caisse de l'accident, que les réserves ne peuvent pas être prises en compte lorsque l'employeur n'apporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, pour retenir qu'il n'y a pas lieu de suspecter la véracité de la déclaration du salarié dès lors que l'employeur se limite à instiller un doute sur la véracité des déclarations dudit salarié au prétexte de l'absence de témoin oculaire, de l'improbabilité que personne n'ait vu M. C... se blesser dès lors que celui-ci travaille en atelier à proximité de nombreux salariés et qu'il a pu terminer sa journée de travail normalement, ces éléments ne constituant pas des indices laissant supposer légitimement que l'accident ne serait pas intervenu aux temps et lieu de travail ou serait lié à une cause étrangère au travail, la cour d'appel qui a fait peser sur la société Adia la preuve de faits de nature à démontrer que l'accident n'avait pu se produire aux temps et lieu de travail, a violé derechef pour fausse application le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :

4. Selon ce texte, en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

5. Pour rejeter le recours, ayant constaté que dans son courrier de réserves l'employeur relevait notamment qu'il n'y avait pas de témoin de l'accident, alors que la victime travaillait en atelier, et que celle-ci a fini normalement sa journée de travail sans que personne de l'entreprise n'ait été mise au courant de l'incident, l'arrêt retient que les faits relatés sur la déclaration d'accident du travail sont crédibles, le certificat médical établi le jour des faits faisant état d'un lumbago aigu confirmé par un certificat médical ultérieur, en sorte qu'il n'y avait pas lieu de suspecter la véracité de la déclaration et de procéder à une enquête. Il ajoute que les réserves ne peuvent pas être prises en compte lorsque l'employeur n'apporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail mais se limite à instiller un doute sur la véracité des déclarations du salarié. Il précise que la circonstance de l'absence de témoin est insuffisante à constituer une réserve motivée et qu'il est indifférent que la victime ait achevé sa journée de travail normalement, la lésion pouvant ne pas entraîner un arrêt immédiat du travail.

L'arrêt en déduit que les réserves exprimées par l'employeur n'étant pas suffisamment motivées, la caisse était dispensée de la nécessité d'organiser une enquête sur les circonstances de l'accident.

6. En statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur, qui, au stade de la recevabilité des réserves, n'était pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé, avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare le recours recevable, l'arrêt rendu le 22 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare inopposable à la société Adecco la décision de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu à M. C... le 9 janvier 2012.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 23 janvier 2014, pourvoi n° 12-35.003, Bull. 2014, II, n° 20 (rejet), et les arrêts cités.

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