Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

SECURITE SOCIALE

Soc., 4 novembre 2020, n° 18-24.451, n° 18-24.454, n° 18-24.461, n° 18-24.462, n° 18-24.463, n° 18-24.464, n° 18-24.478, n° 18-24.482, n° 18-24.483, n° 18-24.484 et suivants, (P)

Rejet

Assujettissement – Généralités – Affiliation des salariés au régime français de sécurité sociale – Cas – Travailleurs détachés – Emploi en France par une entreprise française – Conditions – Détermination – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 18-24.451, C 18-24.454, K 18-24.461, M 18-24.462, N 18-24.463, P 18-24.464, D 18-24.478, G 18-24.482, J 18-24.483, K 18-24.484, N 18-24.486, Q 18-24.488, R 18-24.489, S 18-24.490, T 18-24.491 et E 18-24.502 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 26 juillet 2018), MM. C..., M..., F..., T..., N..., D..., H..., W..., O..., P... et TZ... B..., VV..., L..., AP..., X..., E..., de nationalité polonaise et domiciliés en Pologne, ont été mis à disposition de la société Bouygues travaux publics (la société Bouygues TP) ou de la société Welbond armatures par la société de travail temporaire Atlanco Limited, entreprise de droit chypriote (la société Atlanco), entre le mois de mars 2010 et le mois de juin 2011, pour exercer une activité salariée sur le chantier de construction d'un réacteur nucléaire de nouvelle génération sur le site de Flamanville.

3. L'institution compétente de l'État chypriote, sur le territoire duquel est situé le siège de l'employeur, a retiré les certificats E101 et A1 qu'elle avait précédemment délivrés pour les salariés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Bouygues TP fait grief à l'arrêt de dire que la société Atlanco a effectué du travail dissimulé, de condamner cette dernière à verser aux salariés une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et à régulariser leur situation ainsi que de dire que la solidarité financière de la société Bouygues TP est engagée au titre du travail dissimulé et de la condamner au paiement de cette indemnité forfaitaire, alors :

« 1°/ que, au sens du droit de l'Union, exercent des activités alternantes, peu importe la fréquence de l'alternance, les personnes qui exercent de manière successive des activités dans au moins deux États membres pour le compte d'employeurs différents ; que la société utilisatrice soutenait que les salariés employés par la société Atlanco exerçaient des activités alternantes dans au moins deux États membres de l'Union européenne, de sorte que la législation applicable en matière de droit du travail était celle du siège social de l'employeur, soit le droit chypriote, et non celle de l'État dans lequel les salariés exerçaient leur activité ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à relever que les contrats d'emploi conclus entre la société utilisatrice et la société de travail temporaire le 31 mars 2010 indiquaient que les salariés sont en détachement pour en déduire que la législation applicable en matière de droit du travail est le droit français, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si, au regard des éléments extrinsèques à ces contrats, ils n'étaient pas soumis au régime de l'alternance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14, 2) du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971, 13 du règlement n° 883/2004/ CE et L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ;

2 °/ que le juge, interprétant la commune intention des parties, est tenu de restituer à l'acte litigieux son exacte qualification, sans s'en tenir à la lettre de celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que la lettre des contrats de travail impliquait l'application du régime du détachement sans jamais rechercher quelle avait été l'intention commune des parties et si celles-ci n'avaient pas souhaité se placer sous le régime de l'alternance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 14, 2) du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971, l'article 13 du règlement n° 883/2004/ CE et les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ;

3°/ qu'en tout état de cause, à considérer que le régime du détachement soit applicable, si le certificat E101 délivré par l'institution désignée par l'autorité compétente d'un Etat membre, au titre de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, lie tant les institutions de sécurité sociale de l'État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu'il est constaté par celles-ci que les conditions de l'activité du travailleur concerné n'entrent manifestement pas dans le champ d'application matériel de cette disposition du règlement n° 1408/71, le retrait de ce certificat ne démontre pas à lui seul le défaut d'affiliation du travailleur détaché au régime de sécurité sociale de l'Etat membre dans lequel son employeur a son siège social et dans lequel il n'exécute pas sa prestation de travail ; qu'en l'espèce, en déduisant qu'il n'est pas justifié de l'application de la loi de sécurité sociale chypriote aux salariés de la société Atlanco mis à la disposition de la société Bouygues TP pour effectuer un travail en France, de la seule circonstance selon laquelle ''le CLEISS, autorité officielle habilitée à diligenter les procédures de retrait des formulaires, a fait une démarche en ce sens le 5 juillet 2011 auprès des autorités chypriotes qui a abouti à un retrait de tous les certificats ab initio ce qui met à néant les déclarations effectuées'', la cour d'appel a violé l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, et 19 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ;

4°/ qu'en appréciant de manière globale la situation des salariés mis à disposition de la société Bouygues TP quant à l'existence des certificats E101, quand celle-ci faisait valoir que tous les salariés ayant été mis à sa disposition pour travailler sur le site de Flamanville n'étaient pas concernés par le retrait des certificats E101, que les motifs du retrait de ces certificats n'étaient pas connus, de sorte que l'irrégularité de la situation des salariés ne pouvait être déduite de la seule absence de ces documents et que les salariés mis à disposition après le 1er mai 2010 bénéficiaient à tout le moins d'une demande de certificat E101, peu important que le certificat n'ait pas été émis avant le début de l'exécution du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé aux distinctions ainsi indiquées n'a pas recherché si certains salariés n'étaient pas concernés par la procédure de retrait des certificats E 101, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ;

5°/ qu'en ayant ainsi relevé que tous les certificats E101 avaient été retirés par l'autorité chypriote, à la demande des autorités françaises, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Bouygues TP en ce qu'elle faisait valoir que les salariés mis à disposition après le 1er mai 2010 bénéficiaient à tout le moins d'une demande de certificat E101 qui suffisait à justifier leur rattachement à la législation de sécurité sociale chypriote en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en raison du retrait des certificats E101 par l'autorité compétente, le juge a le pouvoir et le devoir d'apprécier la situation concrète et réelle dans laquelle les travailleurs sont détachés pour exécuter un travail en France, par l'entreprise de travail temporaire ayant son siège social dans un autre Etat membre, que ceux-ci exercent leur mission dans le cadre d'un détachement au sens du droit de l'Union européenne ou en alternance dans deux États membres au moins, afin de déterminer la législation de sécurité sociale qui leur est applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que les certificats E101 émis par l'autorité chypriote avaient été retirés par celle-ci et en a déduit que la législation de sécurité sociale chypriote n'était pas applicable aux salariés mis à la disposition de la société Bouygues TP pour effectuer un travail en France, sans apprécier, ainsi qu'il lui était pourtant demandé, la situation concrète et réelle de cette mise à disposition ni rechercher si elle justifiait l'affiliation ce ceux-ci au régime de sécurité sociale chypriote, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ;

7°/ qu'en relevant que ''la défaillance de la société Atlanco devant la cour d'appel ne lui permet plus de défendre et de justifier de la régularité de son rattachement au droit de la sécurité sociale chypriote notamment par la justification du travail en alternance des travailleurs polonais dans d'autres pays de l'Union européenne, les sociétés utilisatrices étant dans l'incapacité de faire cette preuve'', ce dont il s'évince que la société Bouygues TP était dans l'impossibilité matérielle de justifier de l'affiliation des travailleurs mis à sa disposition au régime de sécurité sociale chypriote et, partant, n'avait pas une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de désavantage par rapport à ces derniers, la cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles L. 8221-5 et L. 8222-5 du code du travail ;

8°/ que l'immatriculation d'une société étrangère dépourvue de siège en France ne s'impose qu'autant qu'existe un établissement en France et donc une activité stable ; qu'en déduisant l'existence d'une situation de travail dissimulé résultant d'un défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés en considération du seul fait que ''faute de justifier du rattachement des travailleurs intérimaires à Chypre, la société Atlanco se devait de respecter la législation française exigeant son immatriculation au registre du commerce français'', sans expliquer en quoi la société Atlanco, dont le siège est à Chypre, aurait été soumise à une obligation d'immatriculation en France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 8221-3 du code du travail, ensemble l'article L. 8222-5 du même code ;

9°/ que l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne consacre le principe de la liberté de prestation de services ; que la Cour de justice de l'Union européenne a pu juger que l'intervention durant trois années sur le territoire d'un État membre pour les besoins d'un chantier ne relève pas d'une activité stable mais d'une prestation de services (CJUE, 11 décembre 2003, KR..., aff. C-215/01) ; qu'en s'abstenant, en l'espèce, d'examiner si la société Atlanco avait exercé une activité stable au sens du droit de l'Union européenne avant de retenir qu'elle aurait dû procéder à son d'immatriculation au registre du commerce et que le défaut d'accomplissement de cette formalité constitue une situation de travail dissimulé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du droit européen. »

Réponse de la Cour

5. Les dispositions du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) n° 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, et du titre II du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale constituent un système complet et uniforme de règles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de l'Union européenne au régime de la sécurité sociale d'un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités (CJCE, 24 mars 1994, Van Poucke/Rijksinstituut voor de Sociale Verzekeringen der Zelfstandigen e.a., C-71/93, point 22 ; CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97, point 20).

6. Ce système repose sur le principe de coopération loyale qui impose à l'institution de sécurité sociale compétente de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l'application des règles relatives à la détermination de la législation applicable et, partant de garantir l'exactitude des mentions figurant dans le certificat délivré (CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97, point 51).

7. Ce principe implique également celui de confiance mutuelle (CJUE, 6 février 2018, Altun e.a., C-359/16, point 40).

8. Selon les articles 13 § 2, sous a), du règlement n° 1408/71 et 11 § 3, sous a), du règlement n° 883/2004, la règle générale est celle de l'application de la législation de l'État d'exercice de l'activité salariée.

9. Il résulte de l'article 14, point 1, sous a), et point 2, du règlement n° 1408/71 et des articles 12 § 1 et 13 § 1 du règlement n° 883/2004 que font exception à cette règle, les situations de travail détaché et d'exercice normal d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres.

10. Conformément à l'article 14, point 1, sous a) du règlement n° 1408/71, aux articles 11 § 1 et 12 bis, point 1, sous b), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/2009 de la Commission, du 9 février 2009, à l'article 12 §1 du règlement n° 883/2004, aux articles 15 § 1 et 16 § 2 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004, l'institution désignée vérifie si une situation de détachement est caractérisée en sorte que la législation applicable est celle de l'État membre de cette institution ou détermine, dans une situation d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, quelle est la législation applicable.

11. Cette institution est, dans le cas d'une situation de détachement, celle de l'État où l'employeur exerce normalement son activité.

12. Dans le cas d'une situation d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres, ladite institution est celle de l'État membre de résidence de la personne concernée.

13. Selon les articles 11 § 1, 12 bis, points 2 et 4, du règlement n° 574/72, l'article 19 § 2 du règlement n° 987/2009, à la demande de la personne concernée ou de l'employeur, l'institution compétente de l'État membre dont la législation est applicable atteste, par la délivrance des certificats A1/E101, que cette législation est applicable.

14. Il résulte des textes précités que la caractérisation de situations de détachement ou d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres au sens des règlements de coordination ressort uniquement à la compétence soit de l'institution compétente de l'État membre dans lequel l'employeur exerce normalement son activité, dans le cas où une situation de détachement est alléguée, soit, dans le second cas, de l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence.

15. Le système complet et uniforme de conflit de lois ainsi institué par les titres II des règlements de coordination, en l'absence de fraude et lorsque État membre de résidence et État membre où est exercée l'activité salariée ne coïncident pas, ne confère aux institutions compétentes de ce dernier État ou à ses juridictions nationales aucune compétence pour procéder à une telle caractérisation afin de retenir l'application d'une loi autre que celle de cet État.

16. Dès lors, en l'absence de certificat E101/A1 résultant d'un refus de délivrance ou d'un retrait par l'institution compétente, seule trouve à s'appliquer la législation de l'État membre où est exercée l'activité salariée.

17. Cette conclusion s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable au regard des caractéristiques propres des règlements de coordination et de l'absence de toute difficulté particulière d'interprétation ou de tout risque de divergence de jurisprudence à l'intérieur de l'Union en sorte qu'il n'y a pas lieu de poser de question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne.

18. Il en résulte que, après avoir constaté que les salariés employés par la société Atlanco et mis à disposition des sociétés Bouygues TP et Welbond armatures exerçaient une activité salariée sur le territoire français, à Flamanville, et que les certificats A1/E101 délivrés par l'institution compétente chypriote avaient été retirés, la cour d'appel, sans avoir à procéder à des recherches que ces constatations rendaient inopérantes et sans méconnaître le principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a exactement retenu que ces salariés étaient soumis à la législation française.

19. D'où il suit que le moyen, inopérant en ses huitième et neuvième branches en ce que celles-ci critiquent des motifs surabondants relatifs au défaut d'immatriculation au registre du commerce, n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

20. La société Bouygues TP fait grief à l'arrêt de dire que sa solidarité financière est engagée au titre du travail dissimulé réalisé par la société Atlanco et de la condamner au paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles L. 8222-1, 1° du code du travail et L. 114-15-1 du code de sécurité sociale que ne peut être engagée la solidarité financière du donneur d'ordre, qui doit vérifier, lors de la conclusion du contrat en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code, lorsque ce donneur d'ordre détient un justificatif attestant du dépôt de la demande d'obtention du certificat E101 prévu à l'article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a retenu la solidarité financière des sociétés utilisatrices sur le fondement de l'article L. 8222-5 du code du travail, a également reproché à la société Bouygues TP d'avoir laissé intervenir les salariés mis à sa disposition ''en contravention avec les stipulations des contrats d'emploi sur l'exigence de demandes de tels formulaires [E101]'' ; qu'en constatant ainsi un manquement de cette société à son obligation découlant de l'article L. 8222-1, 1° du code du travail, quand ce texte lui faisait simplement obligation de détenir les demandes de certificats E101 et non nécessairement les certificats E101 eux même, la cour d'appel a violé les textes précités ;

2°/ que la solidarité financière du maître de l'ouvrage ou du donneur d'ordre ne peut être retenue, sur le fondement de l'article L. 8222-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que dans l'hypothèse d'un travail dissimulé réalisé par un sous-traitant ou un subdélégataire ; qu'en retenant, en l'espèce, la solidarité financière de la société utilisatrice à l'égard de la société de travail temporaire auteur du travail dissimulé, quand cette dernière n'était ni le sous-traitant ni le subdélégataire de la première, la cour d'appel a violé le texte précité ;

3°/ que l'article L. 8222-5, alinéa 2, du code du travail prévoit que le maître de l'ouvrage ou le donneur d'ordre qui n'exécute pas son obligation d'injonction envers le sous-traitant ou le subdélégataire réalisant un travail dissimulé est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 8222-2, dans les conditions fixées à l'article L. 8222-3 ; qu'en condamnant la société utilisatrice au paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, au titre de la solidarité financière avec la société de travail temporaire ayant réalisé le travail dissimulé, quand le paiement de cette indemnité n'est pas prévu par l'article L. 8222-5, alinéa 2, du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte ;

4°/ que l'article L. 8222-5 du code du travail fait obligation au donneur d'ordre d'enjoindre à son cocontractant de faire cesser sans délai la situation considérée comme irrégulière par un agent de contrôle mentionné à l'article L. 8271-7, dès lors qu'il en est informé par celui-ci ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) a relevé l'absence de certificats E101 pour les salariés mis à la disposition de la société Bouygues TP par la société Atlanco et qu'elle a donné le 25 mai 2011 injonction à la société utilisatrice de faire cesser cette situation, la cour d'appel a expressément constaté que cette dernière a agi à l'égard de son cocontractant en lui ayant adressé une ''vaine sommation (...) le 31 mai (...) de lui adresser par retour de courrier les formulaires E101 ou A1 lorsqu'il s'agissait de renouvellement ainsi que la copie de la déclaration de détachement auprès de la DDTEP'', ce dont il se déduisait qu'elle avait exécuté l'obligation mise à sa charge par l'article précité ; qu'en décidant l'inverse, pour retenir la solidarité financière de la société utilisatrice à l'égard de la société de travail temporaire auteur du travail dissimulé, la cour d'appel a violé ces dispositions légales ;

5°/ qu'en retenant ainsi la solidarité financière de la société utilisatrice, la cour d'appel a laissé sans réponse les conclusions de celle-ci aux termes desquelles elle soutenait avoir tout mis en oeuvre pour faire cesser la situation considérée comme irrégulière par l'ASN, ayant mis fin à la mise à disposition des travailleurs le 24 juin 2011, après avoir vainement enjoint à son cocontractant de lui fournir les certificats E101, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en procédant à une appréciation globale de l'ensemble des dossiers qui lui étaient soumis, sans tenir compte de la situation particulière de chaque salarié, notamment des dates de fin de missions de chacun des 16 salariés demandeurs mis à la disposition de la société Bouygues TP, dont certaines étaient antérieures à l'injonction faite par l'ASN le 25 mai 2011, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de motifs, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

21. Aux termes de l'article L. 8222-5, alinéas 1 et 2, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le maître de l'ouvrage ou le donneur d'ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l'article L. 8271-7 ou par un syndicat ou une association professionnels ou une institution représentative du personnel, de l'intervention d'un sous-traitant ou d'un subdélégataire en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation. À défaut, il est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 8222-2, dans les conditions fixées à l'article L. 8222-3.

22. Sont mentionnées à l'article L. 8222-2, 3°, du code du travail les rémunérations, les indemnités et les charges dues par celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.

23. Ces articles L. 8222-2 et L. 8222-5 du code du travail figurent dans le chapitre de ce code intitulé « Obligations et solidarité financière des donneurs d'ordre et des maître d'ouvrage » qui instaure, par les dispositions qu'il prévoit, au bénéfice du Trésor, des organismes de sécurité sociale et des salariés, une garantie de l'ensemble des créances dues par l'employeur qui exerce un travail dissimulé à la charge des personnes qui recourent aux services de celui-ci afin de prémunir ces créanciers du risque d'insolvabilité du débiteur principal.

24. Il résulte de l'objet et de l'économie desdites dispositions que ce mécanisme de garantie est applicable aux créances indemnitaires pour travail dissimulé des salariés employés par des entreprises de travail temporaire.

25. Aussi, les articles L. 8222-2, 3°, et L. 8222-5, alinéas 1 et 2, du code du travail, doivent être interprétés en ce sens qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice, informée de l'intervention de salariés, employés par une entreprise de travail temporaire, en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 de ce code, d'enjoindre aussitôt à celle-ci de faire cesser sans délai cette situation. À défaut, elle est tenue solidairement avec l'entreprise de travail temporaire au paiement des indemnités pour travail dissimulé.

26. Après avoir constaté que les sociétés Bouygues TP et Welbond armatures, informées le 25 mai 2011 de l'intervention de la société Atlanco en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, se sont abstenues, en l'absence de certificats A1/E101, de lui enjoindre aussitôt de faire cesser cette situation en accomplissant les formalités prescrites par ces articles, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a exactement retenu que les sociétés Bouygues TP et Welbond armatures étaient solidairement tenues, avec la société Atlanco, au paiement des indemnités pour travail dissimulé.

27. D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu de poser une question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 13, § 2, sous a), et 14, points 1, sous a), et 2, du règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, modifié par le règlement (CE) n° 592/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 ; articles 11, § 1, et 12 bis, points 1, sous b), 2 et 4, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972, modifié par le règlement (CE) n° 120/2009 de la Commission du 9 février 2009 ; articles 11, § 3, sous a), 12, § 1, et 13, § 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; articles 15, § 1, 16, § 2, et 19, § 2, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ; articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8222-2, 3°, et L. 8222-5, alinéas 1 et 2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, du code du travail.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-19.018, (P)

Rejet

Assujettissement – Personnes assujetties – Etablissement public de coopération intercommunale – Elus locaux membres – Effets – Cotisations – Assiette – Détermination – Portée

Les contributions qu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) verse pour le financement de garanties de retraite supplémentaire et de prévoyance souscrites par un élu entrent dans l'assiette des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, à moins qu'elles ne répondent, pour tout ou partie de leur montant, aux conditions d'exonération fixées par le sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Ayant relevé que les élus locaux étaient affiliés au régime général de la sécurité sociale en leur qualité de personnes rattachées à ce régime et fait ressortir l'absence de caractère obligatoire, pour ces derniers, des prestations de retraite supplémentaire litigieuses, l'arrêt en a exactement déduit que les contributions versées pour leur financement n'entraient pas dans le champ d'application du sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'elles devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations dues par l'EPCI.

Cotisations – Assiette – Contributions destinées au financement des régimes complémentaires de retraite et de prévoyance – Contributions versées par une collectivité territoriale ou un EPCI pour les élus – Contributions facultatives

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 mai 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 et 2014, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié, le 16 septembre 2015, à l'établissement public Roannais agglomération (l'EPCI) un redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, de la contribution de cet établissement aux régimes de retraite par rente auxquels ont adhéré ses élus qui perçoivent une indemnité de fonction.

2. L'EPCI a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'EPCI fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale détermine l'assiette de la contribution à la cotisation sociale généralisée des revenus d'activité et de remplacement ; qu'en se fondant sur cette disposition pour justifier le redressement litigieux, dont elle relevait pourtant qu'il portait sur l'intégration des contributions de l'EPCI aux retraites Fonpel et Carel des élus locaux dans l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, seuls les revenus d'activité professionnelle sont assujettis aux cotisations de sécurité sociale ; que ces dispositions ne sont pas applicables aux élus locaux, qui n'exercent pas d'activité professionnelle au sens de ce texte ; que l'article L. 382-31 du même code prévoit l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale des seules « indemnités de fonction » versées aux élus ; qu'en jugeant que cet article avait pour effet d'assimiler les élus locaux à des travailleurs en ce qui concernait la détermination du régime sociale de leurs revenus et avantages en nature et en argent, pour en déduire que les contributions des collectivités et établissements publics aux fonds Fonpel et Carel étaient assujetties aux cotisations de sécurité sociale, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions des articles L. 242-1 et L. 382-31 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que les contributions versées par les collectivités aux retraites Fonpel et Carel des élus locaux ne constituent pas des « indemnités de fonction » au sens de l'article L. 382-31 du code de la sécurité sociale ; qu'en fondant toutefois le redressement litigieux sur ces dispositions, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article L. 382-31 du même code. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont considérées comme rémunérations, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

5. En application des cinquième et sixième alinéas de ce texte, sont toutefois exclues de l'assiette des cotisations sociales, d'une part, les contributions mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'un accord national interprofessionnel mentionné à l'article L. 921-4, destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX ou versées en couverture d'engagements de retraite complémentaire souscrits antérieurement à l'adhésion des employeurs aux institutions mettant en oeuvre les régimes institués en application de l'article L. 921-4 et dues au titre de la part patronale en application des textes régissant ces couvertures d'engagements de retraite complémentaire, d'autre part, les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, lorsqu'elles revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux, sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat.

6. Selon l'article L. 382-31, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les élus des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72 de la Constitution dans lesquelles s'applique le régime général de sécurité sociale, ainsi que les délégués de ces collectivités territoriales membres d'un établissement public de coopération intercommunale, sont affiliés au régime général de sécurité sociale pour l'ensemble des risques.

7. Selon l'article L. 2123-27 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable au litige, les élus qui perçoivent une indemnité de fonction en application des dispositions de ce code ou de toute autre disposition régissant l'indemnisation de leurs fonctions peuvent constituer une retraite par rente à la gestion de laquelle doivent participer les élus affiliés.

La constitution de cette rente incombe pour moitié à l'élu et pour moitié à la commune.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que les contributions qu'un établissement public de coopération intercommunale verse pour le financement de garanties de retraite supplémentaire et de prévoyance souscrites par un élu entrent dans l'assiette des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, à moins qu'elles ne répondent, pour tout ou partie de leur montant, aux conditions d'exonération fixées par le sixième alinéa de l'article L. 242-1.

9. L'arrêt retient que les élus locaux, qui sont affiliés au régime général de la sécurité sociale en leur qualité de personnes rattachées à ce régime, bénéficient d'un choix d'adhésion à une retraite complémentaire par rente Fonpel ou Carel. Il relève que ce régime de retraite est facultatif, que la contribution de l'EPCI ne découle pas d'une obligation législative ou réglementaire, ni d'un accord interprofessionnel imposant de financer un régime de retraite complémentaire obligatoire pour ses élus, et que la contribution en cause dépend exclusivement du choix de l'élu d'adhérer ou non à ce régime.

10. De ces constatations, faisant ressortir l'absence de caractère obligatoire, pour leurs bénéficiaires, des prestations de retraite supplémentaire litigieuses, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, que les contributions versées pour leur financement n'entraient pas dans le champ d'application du sixième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'elles devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations dues par l'EPCI.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Melka-Prigent ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-16.016, (P)

Cassation partielle

Assurances sociales – Tiers responsable – Recours de la victime – Indemnité complémentaire – Evaluation – Capital constitutif de la pension d'invalidité – Calcul – Barème de la sécurité sociale – Application – Caractère impératif (non)

Si l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, les modalités fixées par cet arrêté ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 février 2019), le 4 mai 2012, Mme R..., qui marchait sur un trottoir, a été heurtée par un véhicule assuré auprès de la société Mutuelle assurances des instituteurs de France (l'assureur).

2.L'assureur a mandaté un expert, M. U..., lequel a déposé son rapport le 11 juillet 2013.

3.Par ordonnance du 28 mai 2014, le juge des référés a ordonné une expertise médicale, confiée à M. E... qui a déposé son rapport le 6 août 2015.

4.Les 25 et 30 mai 2016, Mme R... a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme R... fait grief à l'arrêt de chiffrer le préjudice subi au titre de ses pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle à la seule somme de 124 527,39 euros et de juger qu'après déduction de la créance de l'organisme social il lui revient la seule somme de 50 051,67 euros et de la débouter du surplus de ses demandes, alors que « pour déterminer le capital représentatif de la rente servie par la CPAM à la victime, pour en déduire le montant de son préjudice, les juges du fond doivent faire application du barème figurant en annexe 1 de l'arrêté du 11 février 2015 modifiant l'arrêté du 27 décembre 2011 modifié relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en refusant de faire application de ce barème, la cour d'appel a violé les textes précités » ;

Réponse de la Cour

7. Si l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, les modalités fixées par cet arrêté ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat.

8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, pour déterminer le capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie à la victime, qui devait être imputé sur l'indemnisation allouée, a fait application du même barème que celui qu'elle retenait pour capitaliser les pertes de gains professionnels futurs.

9. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

10. Mme R... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à l'évaluation du préjudice subi au titre de son déficit fonctionnel temporaire à la somme de 616 euros, alors qu' « une partie est recevable à formuler pour la première fois en cause d'appel une demande qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et peut ajouter à celles-ci toutes les demande qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, Mme R... expliquait qu'elle demandait l'augmentation du montant de l'indemnisation qui lui avait été accordée en première instance au titre du déficit fonctionnel temporaire, car elle y incluait désormais une demande de réparation de son « préjudice d'agrément temporaire » dont elle n'avait pas demandé réparation devant le tribunal ; qu'en déclarant cette demande, qui constituait le complément de ses demandes de première instance tendant à la réparation de ses préjudices poursuivait la même fin, irrecevable la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 546, 564 et 565 du code de procédure civile :

11. Il résulte du premier de ces textes qu'une partie qui n'a pas obtenu totalement satisfaction en première instance est recevable à former appel. Il résulte des deuxième et troisième que sont recevables, comme n'étant pas nouvelles, les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

12. Pour déclarer Mme R... recevable en son appel mais irrecevable à contester le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire pour lequel elle avait entièrement obtenu gain de cause en première instance, et confirmer le jugement sur la somme de 506 euros allouée à ce titre, l'arrêt retient que devant le tribunal de grande instance, Mme R... sollicitait l'allocation d'une somme qui lui a été intégralement allouée par le jugement, qu'elle n'invoque ni erreur de calcul ni aggravation de ce chef de préjudice et qu'elle est dès lors dépourvue d'intérêt à demander la réformation du jugement.

13. En statuant ainsi, alors que la demande présentée en cause d'appel, qui tendait à la même fin d'indemnisation du préjudice résultant de l'accident que celle soumise au premier juge, et était dès lors recevable, la cour d'appel, qui a confondu les règles relatives à la recevabilité de l'appel et celles relatives à la recevabilité de la demande, a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. Mme R... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de doublement des intérêts au taux légal, alors « que l'assureur est tenu de faire une offre définitive d'indemnisation à la victime dans les cinq mois qui suivent la date à laquelle il a été informé de la date de consolidation de son état ; que la contestation, par la victime, des conclusions de l'expertise qui a fixé la date de consolidation ne dispense pas l'assureur de son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que Mme R... avait contesté les conclusions de l'expertise du Dr U... datée du 11 juillet 2013, qui avait fixé la date de consolidation de ses blessures au 4 mai 2013, pour juger que la date à laquelle l'assureur en avait eu connaissance n'avait pas fait courir le délai de 5 mois dont il disposait pour formuler une offre d'indemnisation définitive à la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :

15. Il résulte de ces textes que lorsque l'offre définitive, qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, n'a pas été faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

16. Pour rejeter la demande de Mme R... de doublement du taux de l'intérêt légal, l'arrêt retient que si la consolidation avait été fixée au 4 mai 2013 par l'expert U... mandaté par l'assureur dans son rapport du 11 juillet 2013, Mme R... a contesté les éléments de ce rapport par lettre du 26 août 2013 adressée à l'assureur qui lui a proposé, à sa demande, de faire réaliser une seconde expertise amiable, ce à quoi la victime n'a pas donné suite et qui a conduit à la mise en oeuvre, en référé, d'une expertise judiciaire confiée à M. E..., lequel a déposé un rapport définitif le 6 août 2015, en fixant une date de consolidation de l'état de la victime différente de celle retenue par M. U....

17. L'arrêt ajoute que dans ces conditions, le délai de cinq mois prévu par l'article L. 211-9 n'a commencé à courir que du jour où l'assureur a eu connaissance du rapport de M. E... et que l'offre définitive adressée par l'assureur le 28 septembre 2015 l'a été dans ce délai et n'était pas manifestement insuffisante ni dérisoire.

18. En statuant ainsi, alors que la circonstance que la victime avait contesté la date de consolidation retenue par l'expert ne dispensait pas l'assureur de faire une offre d'indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme R... recevable en son appel mais irrecevable à contester, devant la cour, le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire pour lequel elle a entièrement obtenu gain de cause en première instance, en ce qu'il confirme le jugement qui a fixé à 506 euros le préjudice de Mme R... au titre du déficit fonctionnel temporaire, en ce qu'il déboute Mme R... de sa demande au titre du doublement des intérêts au taux légal et en ce qu'il condamne la société Maif à payer à Mme R... la somme totale de 64 157,67 euros en réparation de ses préjudices sous déduction, le cas échéant, des provisions déjà versées, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article R. 376-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Soc., 7 octobre 1987, pourvoi n° 84-14.977, Bull. 1987, V, n° 528 (rejet) ; 2e Civ., 25 janvier 1989, pourvoi n° 87-19.392, Bull. 1989, II, n° 23 (cassation).

2e Civ., 12 novembre 2020, n° 19-21.525, (P)

Rejet

Caisse – URSSAF – Statut légal – Effet

Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales mentionnées à l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale tiennent de ce texte de nature législative, dès leur création par l'arrêté prévu par l'article D. 213-1 du même code, leur capacité juridique pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par la loi.

Il en résulte que l'URSSAF, créée par un arrêté des ministres chargés de l'économie et des finances et de la sécurité sociale du 7 août 2012, avait qualité pour agir devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. Q... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Montpellier, 18 juin 2019), rendu en dernier ressort, l'URSSAF Languedoc-Roussillon (l'URSSAF) a notifié à M. Q... une mise en demeure, le 28 septembre 2017, de payer la somme de 1 950 euros au titre de cotisations et majorations de retard.

3. A la suite de la décision de la commission de recours amiable du 28 novembre 2017, M. Q... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. Q... fait grief au jugement attaqué de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de l'URSSAF, déclarer en conséquence recevable l'action de l'URSSAF, rejeter la demande de production des statuts de l'URSSAF qu'il a formée et déclarer bien fondée la mise en demeure et la décision de la commission de recours amiable contestées, alors « que si une union de recouvrement tient des dispositions de l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale la capacité juridique à agir dans l'exécution des missions qui lui sont confiées par la loi, c'est à la condition d'avoir été régulièrement constituée, et par suite, lorsque sa qualité à agir est contestée, d'en justifier par la production de ses statuts régulièrement approuvés par l'autorité compétente ; qu'en affirmant que l'URSSAF n'avait aucune justification à fournir et que la production de ses statuts approuvés par l'autorité compétente n'était pas nécessaire, le tribunal a violé les articles L. 213-1, L. 216-1, L. 281-4 et L. 281-5 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, mentionnées à l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale, tiennent de ce texte de nature législative, dès leur création par l'arrêté prévu par l'article D. 213-1 du même code, leur capacité juridique pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par la loi.

6. Il en résulte que l'URSSAF, créée par arrêté des ministres chargés de l'économie et des finances et de la sécurité sociale du 7 août 2012, avait qualité pour agir devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale.

7. Le moyen est, dès lors, inopérant.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. Q... fait le même grief au jugement attaqué, alors « que toute personne morale doit, lorsqu'il est contesté, rapporter la preuve du pouvoir de la personne figurant au procès comme son représentant ; que M. Q... soutenait que l'URSSAF ne justifiait pas de sa représentation en justice par personne habilitée ; que le jugement se borne à exposer que l'union Languedoc-Roussillon était représentée par Mme D... Y..., salariée, munie d'un pouvoir spécial ; qu'en s'abstenant de vérifier si le signataire dudit pouvoir spécial se voyait conférer par les statuts de cet organisme le pouvoir d'agir en justice et la faculté de déléguer ses pouvoirs à un salarié, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 117 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article L. 142-9 du code de la sécurité sociale, la représentation des organismes est assurée par un administrateur ou un employé de ceux-ci, muni d'un pouvoir spécial.

10. M. Q... n'a pas contesté la qualité de l'agent de l'URSSAF, mais s'est borné, en suite de la réclamation de la production des statuts de cette dernière, à solliciter la justification de l'organe appelé à représenter l'organisme.

11. Le tribunal, qui a constaté que l'URSSAF était représentée par Mme D... Y..., salariée de l'organisme, munie d'un pouvoir spécial, et qui n'avait pas à procéder à des recherches inopérantes, a légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat(s) : SCP Cabinet Colin-Stoclet ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 213-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 mars 2008, pourvoi n° 07-13.321, Bull. 2008, II, n° 74 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-19.406, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Cotisations – Paiement indu – Action en répétition – Prescription – Prescription triennale – Domaine d'application – Indu reconnu par l'URSSAF

Il résulte de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle ces cotisations ont été acquittées ou, lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, à compter de la date à laquelle est née l'obligation de remboursement découlant de cette décision. Encourt dès lors la cassation, pour ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations, l'arrêt qui relève que l'URSSAF avait reconnu dans une lettre devoir un indu de cotisations à un assuré et que celui-ci a demandé, près de cinq ans plus tard, le versement de cette somme mais qui retient que cette demande ne s'analysait pas en une demande de remboursement de cotisations soumises à la prescription triennale mais en une demande en paiement de dette reconnue par le débiteur soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 16 mai 2019), la caisse du régime social des indépendants de Bourgogne (la caisse), aux droits de laquelle vient l'Agence pour la sécurité sociale des indépendants, représentée par l'URSSAF de Bourgogne, a informé M. F..., par lettre du 11 décembre 2008, de ce qu'elle lui était redevable d'un trop perçu correspondant à des cotisations qu'il avait versées pour l'année 2008. M. F... a demandé le versement de ces sommes en novembre 2013.

La caisse lui a opposé un rejet implicite. M. F... a saisi la commission de recours amiable de la caisse, qui a rejeté sa contestation, par avis du 13 avril 2015.

2. La caisse, après contrôle des cotisations dues par M. F... pour les années 2009 à 2012, lui a adressé trois mises en demeure, les 19 octobre et 12 décembre 2012, puis une contrainte, le 14 mai 2013.

3. M. F... a saisi une juridiction de sécurité sociale de recours concernant le rejet de sa demande en paiement et l'opposition à la contrainte qui lui a été décernée.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir l'opposition à contrainte formée par M. F..., alors :

« 1°/ qu'en application des articles L. 133-6, L. 133-6-1, R. 133-26 I et D. 632-1 du code de la sécurité sociale, toute personne affiliée au régime social des indépendants (Rsi) en tant que travailleur indépendant est redevable personnellement des diverses cotisations et contributions sociales réclamées par ce régime pour cette période d'affiliation ; qu'en outre, il résulte de l'article L 244-2 alinéa 1er du même code que la mise en demeure doit seulement préciser la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ; qu'en reprochant au Rsi de n'avoir mentionné dans les mises en demeure adressées à M. F... que le numéro d'identifiant sans préciser en quelle qualité, à savoir en qualité de gérant de quelle société celui-ci était débiteur des cotisations, la cour d'appel a ajouté au dernier des textes susvisés une obligation qu'il ne comporte pas, et l'a ainsi violés par fausse application ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 244-2 alinéa 1er du même code que la mise en demeure doit seulement préciser la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ; qu'elle peut ainsi ne faire référence qu'au numéro de compte de travailleur indépendant de l'intéressé ; qu'en prononçant la nullité des mises en demeure litigieuses en ce qu'elles ne lui permettraient pas à M. F... de connaître la cause de son obligation, tout en constatant que ces mises en demeure comportaient le numéro de travailleur indépendant de ce dernier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences nécessaires de ses propres constatations au regard du texte susvisé, qu'elle a donc à nouveau violé par fausse application. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 244-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

6. Après avoir constaté que les trois mises en demeure visées par la contrainte litigieuse comportaient la mention du montant des cotisations réclamées et la période pour laquelle elles étaient dues, l'arrêt relève qu'elles n'indiquaient que le numéro de travailleur indépendant, tandis que celui-ci était gérant de plusieurs sociétés. Il en déduit que les mises en demeure ne permettaient pas à M. F... de connaître la cause de son obligation.

7. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu déduire que, les mises en demeure étant irrégulières, la contrainte devait être annulée.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à M. F... la somme qu'il demandait, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article L. 243-6 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ; que lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, ce délai de prescription de trois ans reste applicable, mais ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision ; qu'en retenant que, dès lors

que le RSI a reconnu par courrier devoir une somme d'argent, à savoir un excédent de cotisations encaissées, la demande de M. F... ne peut s'analyser en une demande de remboursement des cotisations indûment versées et soumise à la prescription triennale mais en une demande de paiement d'une dette reconnue par le débiteur et soumise à la prescription quinquennale de droit commun, en l'occurrence non acquise, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

2°/ qu'en application de l'article L. 243-6 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ; que lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative, ce délai de prescription court de la date de cette décision reconnaissant l'obligation de remboursement ; qu'en disant la demande de remboursement de M. F... non prescrite, tout en constatant que le Rsi a reconnu lui devoir les cotisations en cause par courrier du 11 décembre 2008 et que M. F... n'a sollicité leur remboursement qu'en novembre 2013, soit plus de trois ans après que ces cotisations aient été acquittées et l'indu de cotisations reconnu par la caisse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard du texte susvisé, qu'elle a donc violé à nouveau par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

10. Il résulte de ce texte que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ou, lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, à compter de la date à laquelle est née l'obligation de remboursement découlant de cette décision.

11. Pour déclarer l'action de M. F... non prescrite, l'arrêt constate que, dans sa lettre du 11 décembre 2008, la caisse a reconnu devoir un indu de cotisations et retient que la demande du cotisant, intervenue en novembre 2013, ne peut s'analyser en une demande de remboursement des cotisations indûment versées et soumise à la prescription triennale mais en une demande en paiement d'une dette reconnue par le débiteur soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation le cas échéant

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'URSSAF de Bourgogne, venant aux droits de l'Agence pour la sécurité sociale des indépendants, à rembourser à M. F... la somme de 24 529 euros, outre intérêts au taux légal à compter du mois de décembre 2008, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de M. F... visant à la condamnation du RSI à lui rembourser la somme de 24 529 euros, outre les intérêts au taux légale à compter du mois de décembre 2008.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles L. 224-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ; article L. 243-6 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 29 novembre 2012, pourvoi n° 11-25.371, Bull. 2012, II, n° 194 (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 26 mai 2016 pourvoi n° 15-17.272, Bull. 2016, II, n° 143 (rejet).

2e Civ., 12 novembre 2020, n° 19-15.239, (P)

Cassation

Cotisations – Recouvrement – Action en recouvrement – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 février 2019) et les productions, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la caisse) a adressé à M. N... (le cotisant) une mise en demeure datée du 10 septembre 2010 afférente aux cotisations sociales et majorations de retard dues au titre des années 2007 à 2009, puis lui a décerné, le 16 décembre 2010, une contrainte signifiée le 1er octobre 2015, à laquelle le cotisant a formé opposition.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte, alors « que dans sa version applicable en l'espèce, l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale enfermait l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard dans un délai de cinq ans « à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3 » ; qu'en l'espèce, M. N... avait, par mise en demeure du 10 septembre 2010, été invité à régulariser sa situation dans un délai de trente jours, c'est-à-dire avant le 10 octobre 2010 ; que le délai de cinq années dont disposait la caisse pour faire signifier sa contrainte avait donc commencé à courir le 11 octobre 2010 et n'avait pas fini de courir le 1er octobre 2015, date à laquelle l'huissier de justice a signifié à l'assuré la contrainte émise le 16 décembre 2010 ; qu'en retenant, pour annuler cette contrainte qu'elle avait été signifiée plus de cinq ans après l'envoi de la mise en demeure la cour d'appel a derechef violé l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale, rendu applicable au recouvrement des cotisations dues au titre de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales par l'article L. 623-1, dans sa rédaction applicable au litige :

3. La prescription quinquennale de l'action en recouvrement des cotisations prévue par ce texte ne commence à courir qu'à l'expiration du délai imparti par la mise en demeure au redevable des cotisations pour régulariser sa situation.

4. Pour annuler la contrainte en raison de la prescription de l'action en recouvrement de la caisse, l'arrêt retient que la contrainte a été signifiée le 1er octobre 2015, soit plus de cinq ans après la mise en demeure du 10 septembre 2010.

5. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la contrainte avait été signifiée le 1er octobre 2015 dans le délai de cinq ans suivant l'expiration du délai d'un mois imparti par la mise en demeure du 10 septembre 2010, de sorte que l'action de la caisse n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles L. 623-1 et L. 244-11 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 28 octobre 1999, pourvoi n° 98-10.060, Bull. 1999, V, n° 426 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-21.731, (P)

Cassation

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale – Objet – Détermination – Portée

La contrainte délivrée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale sur le fondement de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations et contributions sociales et des majorations de retard.

Viole ce texte la cour d'appel qui valide la contrainte décernée par l'URSSAF, alors qu'il ressortait de ses constatations que le cotisant avait acquitté les sommes dont il était redevable, de sorte que la contrainte avait pour objet, non le recouvrement des cotisations sociales définitives, mais le remboursement d'un indu correspondant aux sommes versées par erreur par l'organisme de sécurité sociale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 juillet 2019), à la suite du calcul des cotisations et contributions sociales définitives dues par M. U... (le cotisant) au titre de l'année 2015 et compte tenu des sommes versées à titre provisionnel, l'URSSAF de Haute-Normandie (l'URSSAF) a procédé à son profit au remboursement d'une certaine somme.

2. Ayant constaté que la somme remboursée était supérieure à la somme due, l'URSSAF a notifié au cotisant une mise en demeure puis a délivré à son encontre, le 30 janvier 2017, une contrainte d'un montant de 3 388 euros, afférente à la régularisation des cotisations et contributions sociales de l'année 2015.

3.Le cotisant a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale :

5. La contrainte délivrée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale sur le fondement de ce texte a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations et contributions sociales et des majorations de retard.

6. Pour débouter le cotisant de son opposition, ayant constaté que la contrainte, qui se réfère expressément à la mise en demeure du 21 novembre 2016, indique au titre du motif du recouvrement, une insuffisance de versement et au titre de la période concernée, une régularisation 2015, l'arrêt précise que la contrainte mentionne le montant des cotisations dues et des majorations, aucun nouveau versement n'étant intervenu depuis la mise en demeure. Il retient que le cotisant ne peut soutenir que la somme réclamée a changé de nature et de montant, dès lors que l'URSSAF ne réclame pas le remboursement d'une somme qu'elle a versée par erreur mais explique le raisonnement qui a conduit au montant restant dû au titre de l'année 2015, mentionné dans la mise en demeure et la contrainte, qui correspond bien à un solde impayé de cotisations.

7. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le cotisant avait acquitté les sommes dont il était redevable, de sorte que la contrainte avait pour objet, non le recouvrement des cotisations sociales définitives de l'année 2015, mais le remboursement d'un indu correspondant aux sommes versées par erreur par l'URSSAF, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 244-9 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur la nature de la contrainte émise par l'organisme de sécurité sociale pour garantir sa créance, à rapprocher : 2e Civ., 31 mai 2006, pourvoi n° 04-30.612, Bull. 2006, II, n° 140 (cassation sans renvoi).

2e Civ., 12 novembre 2020, n° 19-19.167, (P)

Cassation

Cotisations – Recouvrement – Mise en demeure – Notification – Notification au débiteur des cotisations – Nécessité

Aux termes de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable. Celle-ci, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Cotisations – Recouvrement – Mise en demeure – Notification – Notification au débiteur des cotisations – Défaut – Nullité – Preuve d'un préjudice – Nécessité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 mai 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF Midi-Pyrénées (l'URSSAF) a adressé à la société Blanc transports véhicules (la société) une lettre d'observations portant plusieurs chefs de redressement. Après observations de la société et réponse de l'inspecteur du recouvrement, l'URSSAF a ensuite notifié à la société une mise en demeure, puis lui a décerné une contrainte le 3 février 2017.

2. La société a formé opposition à cette contrainte.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de la mise en demeure délivrée par l'URSSAF le 27 décembre 2016, alors « que toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée à peine de nullité de l'envoi d'une mise en demeure adressée au redevable ; que cette mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et qu'à cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée à l'employeur débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; que la mise en demeure doit être adressée à l'attention du représentant légal de la personne morale débitrice et envoyé à l'adresse du siège social de l'entreprise ou, le cas échéant, à celle de son établissement principal ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que « la notification de la mise en demeure qui n'a pas été faite régulièrement au siège social de la société contrôlée mais en réalité au siège social du groupe auquel elle appartient est effectivement irrégulière, puisque nécessairement adressée à un tiers qui n'avait pas qualité pour la recevoir » ; qu'en déboutant cependant la société de sa demande de nullité de cette mise en demeure, motif pris que l'irrégularité purement formelle ainsi caractérisée ne lui aurait causé aucun préjudice, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

4. Selon ce texte, toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable.

5. La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

6. Pour rejeter la demande de nullité de la mise en demeure litigieuse, l'arrêt retient que si la mise en demeure, qui n'a pas été faite régulièrement au siège social de la société contrôlée mais en réalité au siège social du groupe auquel elle appartient, est effectivement irrégulière, puisque nécessairement adressée à un tiers qui n'avait pas qualité pour la recevoir, pour autant il s'agit d'une irrégularité de forme, qui n'est susceptible d'affecter la validité de la mise en demeure qu'en cas de grief.

7. En statuant ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La nullité de la mise en demeure privant de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il déboute la société de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la mise en demeure, entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il statue sur le bien-fondé des chefs de redressement litigieux.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 244-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 24 novembre 1994, pourvoi n° 92-20.508, Bull. 1994, V, n° 313 (cassation) ; Soc., 25 mars 2003, pourvoi n° 00-22.002, Bull. 2003, V, n° 110 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 12 novembre 2020, n° 19-17.749, (P)

Rejet

Prestations – Infraction – Pénalité – Fraude – Définition – Portée – Détermination

Selon l'article L. 114-17-1, I, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, le directeur d'un organisme local d'assurance maladie peut infliger une pénalité financière aux bénéficiaires des régimes obligatoires des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé mentionnée à l'article L. 863-1 ou de l'aide médicale de l'Etat mentionnée au premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.

Selon les V et VII du même texte, la pénalité doit, sauf cas de fraude établie dans les cas définis par voie réglementaire, être prononcée après l'avis de la commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie.

Selon l'article R. 147-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, peuvent faire l'objet de pénalités les personnes susmentionnées notamment lorsque, dans le but d'obtenir ou de majorer un droit aux prestations d'assurance maladie, d'invalidité, d'accident de travail, de maternité, de maladie professionnelle ou de décès ou un droit à la protection complémentaire en matière de santé, à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou à l'aide médicale de l'Etat, elles fournissent de fausses déclarations relatives à l'état civil, la résidence, la qualité d'assuré ou d'ayant droit, les ressources.

Selon l'article R. 147-11, 1°, du même code, dans sa rédaction applicable au litige, sont qualifiés de fraude les faits commis dans le but d'obtenir le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, ou au préjudice d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, lorsqu'a été constaté l'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique.

Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour être constitutive d'une fraude au sens de l'article L. 114-17-1, I, 1°, la fausse déclaration mentionnée à l'article R. 147-6 doit être précédée, accompagnée ou suivie de la production d'un document faux ou falsifié aux fins d'établir la preuve de faits corroborant la fausse déclaration.

Prestations – Infraction – Pénalité – Procédure – Régularité – Avis de la commission des pénalités – Dispense – Cas – Fraude – Définition

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Toulon, 4 avril 2019), rendu en dernier ressort, à la suite d'un contrôle, M. X... (l'assuré), bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), s'est vu notifier par la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme (la caisse) un indu correspondant à des prestations versées pour la période du 1er décembre 2015 au 22 juin 2016, ainsi qu'une pénalité financière d'un montant de 3 500 euros.

2. L'assuré a contesté la pénalité devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief au jugement d'annuler l'indu et de la débouter de sa demande en paiement, alors :

« 1°/ que la notion de faux est caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat de déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; d'où il suit qu'en affirmant que la seule omission de déclarer des ressources n'est pas constitutive d'une fraude, le tribunal de grande instance viole les articles L. 114-17-1 et R. 147-11 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la notion de faux est caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat de déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; que ne tire dès lors pas les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 114-17-1 et R. 147-11 du code de la sécurité sociale, le tribunal de grande instance qui écarte la fraude de M. X... après avoir pourtant constaté que celui-ci ne contestait pas avoir commis une fausse déclaration de ressources par l'omission de ressources sur ladite déclaration que le contrôle de ses comptes bancaires avait fait apparaître. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 114-17-1, I, 1°, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 applicable au litige, le directeur d'un organisme local d'assurance maladie peut infliger une pénalité financière aux bénéficiaires des régimes obligatoires des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé mentionnée à l'article L. 863-1 ou de l'aide médicale de l'Etat mentionnée au premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.

Selon les V et VII du même texte, la pénalité doit, sauf cas de fraude établie dans des cas définis par voie réglementaire, être prononcée après l'avis de la commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie (la commission des pénalités).

6. Selon l'article R. 147-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, peuvent faire l'objet de pénalités les personnes susmentionnées notamment lorsque, dans le but d'obtenir, de faire obtenir ou de majorer un droit aux prestations d'assurance maladie, d'invalidité, d'accident de travail, de maternité, de maladie professionnelle ou de décès ou un droit à la protection complémentaire en matière de santé, à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou à l'aide médicale de l'Etat, elles fournissent de fausses déclarations relatives à l'état civil, la résidence, la qualité d'assuré ou d'ayant droit, les ressources.

7. Selon l'article R. 147-11, 1°, du même code, dans sa rédaction applicable au litige, sont qualifiés de fraude les faits commis, dans le but d'obtenir le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, ou au préjudice d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, lorsqu'a été constaté l'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour être constitutive d'une fraude au sens du troisième, la fausse déclaration mentionnée au deuxième doit être précédée, accompagnée ou suivie de la production d'un document faux ou falsifié aux fins d'établir la preuve de faits corroborant la fausse déclaration.

9. Ayant constaté que l'assuré ne conteste pas que le contrôle de ses comptes bancaires fait apparaître une fausse déclaration de ses ressources à l'origine de l'ouverture d'un droit à la CMU-c à compter du 1er décembre 2015, le jugement retient que la seule omission de déclarer des ressources n'est pas constitutive d'une fraude. Il en déduit que la procédure, hors cas de fraude, prévoyant l'avis préalable de la commission des pénalités de l'organisme n'a pas été respecté, de sorte que s'agissant d'une formalité substantielle, dont l'objet est d'apprécier les fautes et pondérer le montant, la pénalité financière doit être annulée.

10. De ces constatations, faisant ressortir que la fausse déclaration n'avait été précédée, accompagnée ou suivie de l'établissement ou de l'usage d'aucun document faux ou falsifié, le tribunal en a exactement déduit que les faits commis par l'assuré n'étaient pas constitutifs d'une fraude au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'avis de la commission des pénalités aurait dû être préalablement recueilli.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles L. 114-17-1, I, 1°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, R. 147-6 et R. 147-11, 1°, du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 12 novembre 2020, n° 19-21.495, (P)

Cassation

Prestations – Infraction – Pénalité – Procédure – Irrégularité – Office du juge

Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le moyen, soulevé devant elle, tiré d'une irrégularité de la procédure suivie pour l'application des pénalités prévues par l'article L. 114-17, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse, 21 novembre 2018) rendu en dernier ressort, par courrier du 18 janvier 2016, la caisse d'allocations familiales du Pays Basque et du Seignanx, devenue la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantique (la caisse), a notifié à M. T... (l'allocataire) une pénalité de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

2. A la suite d'un recours gracieux auprès du directeur de la caisse, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'allocataire fait grief au jugement de le débouter de son recours, alors « que la décision infligeant une pénalité en raison de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations faites pour le service de prestations doit être précédée d'un courrier invitant l'intéressé à présenter ses observations sur la sanction envisagée et doit être motivée ; que M. T... faisait valoir qu'il n'avait jamais reçu la lettre du 23 septembre 2015 à laquelle se référait la décision du 18 janvier 2016, laquelle ne comportait aucun motif et demandait l'annulation de cette décision lui infligeant une pénalité de 1 500 euros pour fraude ; qu'en statuant comme il l'a fait pour passer outre aux irrégularités formelles de la décision du 18 janvier 2016, cependant qu'un débat contradictoire et la motivation de la décision constituaient des garanties essentielles dont la méconnaissance devait être sanctionnée par la nullité de la décision infligeant la pénalité, le tribunal a violé l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-17, I du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, applicable à la date de la notification de la pénalité financière en litige :

4. Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le moyen, soulevé devant elle, tiré d'une irrégularité de la procédure suivie pour l'application des pénalités prévues par ce texte.

5. Pour débouter l'allocataire de son recours, ayant relevé qu'il appartient à la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant les décisions de l'organisme, le jugement retient que l'argumentation de l'allocataire est inopérante dès lors qu'il a la possibilité de contester la pénalité dans son principe et son montant devant le tribunal.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'allocataire contestait la régularité de la procédure, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 114-17, I, du code de la sécurité sociale.

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