Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 11 - Novembre 2020

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 25 novembre 2020, n° 19-18.681, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Fonctionnement – Réunion – Présidence – Délégation – Délégation à un salarié mis à disposition de l'entreprise – Possibilité – Détermination – Portée

En application de l'article L. 2325-1, alinéa 2, du code du travail, alors applicable, le comité d'entreprise est présidé par l'employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative.

L'employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l'employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l'information et à la consultation de l'institution représentative du personnel, de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l'employeur par une autre entreprise.

Comité d'entreprise – Fonctionnement – Réunion – Présidence – Délégation – Délégataire – Désignation – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 mars 2019), statuant en référé, le comité d'entreprise de l'association Aide maintien accompagnement des personnes âgées (le comité d'entreprise) a saisi le président du tribunal de grande instance pour faire constater le trouble manifestement illicite résultant de délégations par l'association Aide maintien accompagnement des personnes âgées (AMAPA) de la présidence du comité d'entreprise à des salariés mis à disposition de l'association.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le comité d'entreprise fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors « qu'en vertu de l'article L. 2325-1 du code du travail dans sa version alors applicable, le comité d'entreprise est présidé par l'employeur, soit la personne titulaire statutairement du pouvoir de direction ; que si celui-ci peut désigner un représentant chargé de présider le comité, ce représentant doit faire partie des effectifs de l'entreprise ; qu'en jugeant que M. V..., président du comité d'entreprise, avait valablement pu donner une délégation de pouvoir pour présider le comité à MM. G... et P..., respectivement salariés de DG Help et de Doc Gestio mis à disposition de l'association, la cour d'appel a violé l'article L. 2325-1 du code du travail dans sa version alors applicable. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article L. 2325-1, alinéa 2, du code du travail, alors applicable, le comité d'entreprise est présidé par l'employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative.

5. L'employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l'employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l'information et à la consultation de l'institution représentative du personnel, de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l'employeur par une autre entreprise.

6. Après avoir relevé que le président de l'AMAPA avait expressément délégué pour le représenter à la présidence du comité d'entreprise, successivement, M. G... et M. P... salariés mis à disposition de l'association AMAPA par des entreprises extérieures pour exercer respectivement les fonctions de chargé de mission du président pour la direction opérationnelle et stratégique et chargé de la gestion des ressources humaines, et constaté que ces deux salariés mis à disposition étaient investis au sein de l'association de toute l'autorité nécessaire pour l'exercice de leur mission et qu'ils disposaient de la compétence et des moyens pour leur permettre d'apporter des réponses utiles et nécessaires à l'instance et d'engager l'association dans ses déclarations ou ses engagements.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2325-1, alinéa 2, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessaire capacité d'informer et consulter le comité d'entreprise du délégataire, à rapprocher : Crim., 20 février 1996, pourvoi n° 94-85.863, Bull. crim. 1996, n° 81 (rejet).

Soc., 4 novembre 2020, n° 19-12.279, (P)

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Désignation d'un délégué du personnel – Effets – Protection complémentaire de six mois – Détermination – Portée

Il résulte du premier alinéa de l'article L. 2143-6 et de l'article L. 2411-5 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d'un an attachée à la qualité de délégué syndical s'il a exercé plus d'un an.

Règles communes – Statut protecteur – Période de protection – Période de protection légale – Etendue – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 décembre 2018), M. H... a été engagé le 8 septembre 2008 par la société [...] dont le dirigeant était M. T... et, après son licenciement pour motif économique le 30 septembre 2009, est entré à compter du 1er novembre 2010 au service de la société établissements [...], en qualité de cadre commercial.

Aux termes de son contrat de travail, le salarié était soumis à une clause de non concurrence.

La société Almetal France, filiale du groupe Galloo Recycling, a pris une participation dans la société établissements S... T..., représentant 50 % du capital de cette dernière et a, selon le même procédé, repris 50 % du capital de la société [...].

Le 26 novembre 2010, M. T... et le président de Galloo Recycling, ont créé, à parts égales, la société [...], détenue à 50 % par M. T..., à titre personnel et à 50 % par la société Almetal, dont M. T... est devenu directeur général, cumulant cette fonction avec celle de président de la société établissements S... T....

Le 30 avril 2011, M. T... a quitté le groupe en cédant l'intégralité de ses parts à la société Almetal.

Les sociétés [...] et [...], désormais détenues entièrement par le groupe Galloo Recycling, sont respectivement devenues les sociétés Galloo Littoral et Almetal - Ile de France. M. H... qui a sollicité l'organisation d'élections pour la désignation de délégués du personnel au sein de la société Galloo Littoral (la société), celle-ci comportant moins de cinquante salariés, a été élu délégué du personnel titulaire le 24 juin 2011 et désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical pour le collège cadres-agents de maîtrise.

Le 25 octobre 2011, il a été désigné en qualité de délégué syndical au sein de l'unité économique et sociale constituée des différentes sociétés de l'ancien groupe [...]. Cette désignation a été contestée par les sociétés du groupe Galloo Littoral devant le tribunal d'instance, lequel, par jugement du 16 août 2012, a fait droit à leur demande.

Le 28 octobre 2013, le salarié a démissionné de ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical, à effet au 1er janvier 2014.

Le 15 juillet 2014, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 juillet 2014. Après autorisation administrative de licenciement accordée le 29 septembre 2014, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour motif économique le 6 octobre 2014.

Par décision du 3 avril 2015, le ministre du travail a annulé l'autorisation de licenciement, considérant que l'inspection du travail n'était pas compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, dans la mesure où le mandat de délégué syndical détenu par le salarié avait nécessairement pris fin au terme de son mandat de délégué du personnel et que la protection s'y rattachant avait expiré à l'issue du délai de six mois suivant la cessation des mandats, soit avant que ne soit engagée la procédure de licenciement. Cette décision n'a donné lieu à aucun recours.

2. Le 31 juillet 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui, pris en ses première et troisième branches, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pris en sa deuxième branche, est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail était dépourvue de cause licite et ne pouvait produire effet à l'égard de la société, de rejeter, en conséquence, sa demande en paiement de la contrepartie financière liée à la clause de non-concurrence et de dire que la somme consignée par la société entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Douai devra lui être restituée, alors :

« 1°/ qu'il faisait valoir, pour démontrer que les termes de la clause n'étaient ni exceptionnels ni liés au contexte de l'entrée au capital en 2010 du groupe Galloo, que plusieurs contrats contenant des clauses de non-concurrence identiques avaient été signés dès l'année 2003 au sein du groupe [...] ; qu'en retenant que la clause n'était pas conforme aux « usages » applicables au sein de l'entreprise, sans examiner ces pièces décisives, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la clause de non-concurrence litigieuse prévoyait une pénalité forfaitaire de 10 000 euros pour chaque infraction constatée à l'obligation de non-concurrence imposée au salarié ; qu'en retenant que cette pénalité était dérisoire au regard du montant de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence sans tenir compte, comme elle était invitée à le faire, du fait que la pénalité forfaitaire, dont le montant représentait trois mois de salaire, était susceptible de s'appliquer de façon multiple pour chaque infraction constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 [devenu 1103] du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ qu'en matière contractuelle, la bonne foi est présumée ; que la société employeur ne peut se prévaloir à l'égard du salarié de l'illicéité du but que son dirigeant poursuivait en signant le contrat ou en y insérant une clause particulière, s'il n'est pas établi que le salarié partageait ou connaissait ce but illicite ; qu'en déclarant nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, au motif qu'elle ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié et que M. T..., alors président de la société [...] ultérieurement devenue Galloo Littoral, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer, la cour d'appel qui n'a pas constaté que M. H... partageait ou avait connaissance de l'objectif prétendument poursuivi par M. T..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 1222-1 du code du travail ;

4°/ que serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas par elle-même une cause de nullité des engagements souscrits par le président d'une société par actions simplifiée à l'égard des tiers ; que la cour d'appel a affirmé, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, qu'elle ne pouvait avoir pour objet d'assurer une réelle protection de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial salarié et que M. T..., alors président de la société [...] ultérieurement devenue Galloo Littoral, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l'entreprise qui ne pouvait les assumer, de telle sorte que sa cause serait illicite ; qu'en statuant de la sorte, cependant que de tels faits à les supposer établis caractériseraient seulement un engagement contraire à l'intérêt social de la société, susceptible d'engager la responsabilité du dirigeant qui l'a souscrit mais non d'entraîner sa nullité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et par refus d'application, l'article L. 227-6 du code de commerce interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 209/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, ayant codifié la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968 ;

5°/ que la cour d'appel a retenu que les usages normaux applicables au sein de l'entreprise étaient de prévoir une indemnité de non-concurrence égale à 60 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé durant la même période ; que n'est pas dès lors pourvu d'une contrepartie dérisoire mais tout au plus lésionnaire, l'engagement de l'employeur à verser une indemnité égale à 100 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé durant la même période en échange d'un engagement de non-concurrence sur deux départements ; qu'en déclarant nulle, comme ''dépourvue de cause licite'', la clause de non-concurrence litigieuse, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ que le créancier de l'obligation de non-concurrence peut, en cas de manquement, refuser le paiement de la contrepartie financière ou en exiger le remboursement ; qu'il peut également obtenir en justice qu'il soit enjoint au salarié de respecter la clause ; qu'en s'appuyant exclusivement, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ''exorbitant'' au profit du salarié et était donc ''dépourvue de cause licite'', sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l'obligation de non-concurrence, sans tenir compte des autres remèdes à l'inexécution dont disposait l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

7°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que le caractère éventuellement dérisoire de la clause pénale en cas de violation d'une obligation ne peut caractériser une absence de contrepartie sérieuse, dès lors que le créancier victime de l'inexécution peut obtenir du juge, nonobstant toute clause contraire, une augmentation de la peine convenue si elle est manifestement dérisoire ; qu'en s'appuyant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ''exorbitant'' au profit du salarié et était donc nulle comme ''dépourvue de cause licite'', sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des

articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

8°/ que l'existence d'une contrepartie non dérisoire de l'obligation est indépendante de son caractère excessif au regard de la situation financière du débiteur et de sa capacité, en conséquence, à l'assumer ; qu'en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ''exorbitant'' au profit du salarié et était donc nulle comme ''dépourvue de cause licite'', sur le fait que la situation financière de la société employeur ne lui permettait pas de l'assumer, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi derechef sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

9°/ que la faculté offerte aux parties de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence est indifférente pour apprécier le caractère dérisoire de la contrepartie ; qu'en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ‘'exorbitant'‘ au profit du salarié, sur le fait qu'il n'était pas prévu une faculté de renonciation au profit de l'employeur, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

10°/ que la lésion ne constitue pas, sauf exceptions prévues par la loi, une cause de nullité des conventions ; qu'en se fondant, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de M. H..., sur le caractère prétendument déséquilibré, à l'avantage du salarié, de la clause

de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1118 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

11°/ qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que le caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise s'apprécie à l'égard de l'obligation de non concurrence elle-même et non de l'équilibre entre son étendue et la contrepartie financière qu'elle prévoit ; qu'en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu'elle n'aurait pas pour objet d'assurer une ''réelle protection'' de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial confirmé, sur le caractère prétendument déséquilibré de la clause à l'avantage du salarié débiteur de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants au regard des conditions de validité propres aux clauses de non concurrence, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 [devenu 1103] du code civil ;

12°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que seul le salarié peut se prévaloir de l'irrégularité de la clause de non-concurrence tirée de son caractère non indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ; qu'en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu'elle n'aurait pas pour objet d'assurer une ''réelle protection'' de l'entreprise contre la concurrence d'un cadre commercial confirmé, cependant que cette cause de nullité était invoquée par le seul employeur en vue de faire échec à la demande de paiement de la contrepartie financière convenue, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 [devenu 1103] du code civil ;

13°/ subsidiairement, que M. H... faisait valoir qu'il avait respecté la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de telle sorte que, même en supposant cette dernière nulle, le fait de l'avoir respectée lui avait causé un préjudice dont l'employeur lui devait réparation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

14°/ en toute hypothèse, qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le respect de la clause litigieuse, à la supposer illicite, n'avait pas causé à M. H... un préjudice dont il était dès lors fondé à demander réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 [devenu 1240] du code civil et L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé que la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail prévoyait une indemnisation particulièrement importante au profit du salarié qui n'était justifiée ni par l'étendue géographique de l'obligation de non concurrence, se limitant à deux départements, ni par la durée de celle-ci, ni par la nature des fonctions exercées, que le contrat du salarié avait été établi à une époque où la société rencontrait d'importantes difficultés financières, attestées par les éléments financiers et comptables joints au dossier, que cette situation avait conduit son représentant légal à se rapprocher du groupe Galloo Recycling afin de trouver des financements, que l'embauche du salarié précédait de quelques jours seulement la conclusion du pacte d'associés entre M. T... et les sociétés Almetal et Galloo NV, prévoyant une prise de participation de ces dernières dans le capital des sociétés détenues par l'actionnaire historique, ce qui venait démontrer de façon irréfutable que M. T... avait alors parfaitement conscience de la situation financière critique de son entreprise, qu'en outre, ce dernier avait établi le contrat de travail comportant la clause de non-concurrence litigieuse cinq mois avant de quitter le groupe et quatre mois avant de céder l'intégralité de ses parts à la société Almetal et que, durant cette courte période, il avait également modifié par avenants quatre autres contrats de travail de proches collaborateurs afin d'y insérer la même clause de non-concurrence et que, dans le contexte économique décrit, de telles clauses, octroyant à chacun des salariés une compensation d'un montant disproportionné au regard des sujétions imposées et faisant, dans le même temps obligation à l'employeur de procéder à son paiement en un seul versement, sans faculté pour celui-ci de lever ladite clause, constituaient des avantages exorbitants tandis que la pénalité de 10 000 euros prévue en cas de violation de l'obligation par le salarié était dérisoire au regard de la somme versée. Elle a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du licenciement et de le débouter de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité égale aux salaires afférents à la période de protection, congés payés y afférents et dommages-intérêts pour licenciement nul, alors :

« 1°/ que le licenciement d'un ancien délégué syndical qui a exercé ses fonctions pendant au moins un an ne peut, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; que cette règle s'applique quelles que soient les conditions de la désignation du délégué syndical, peu important notamment que celle-ci soit conditionnée, dans une entreprise de moins de cinquante salariés, à sa qualité de délégué du personnel ; que la cour d'appel a décidé que M. H... bénéficiait, à la suite de la cessation de ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical, de la protection d'une durée limitée à six mois applicable aux délégués du personnel, et ne pouvait se prévaloir d'une protection d'une durée de douze mois nonobstant le fait qu'il avait exercé les fonctions de délégué syndical pendant plus d'un an ; qu'en statuant de la sorte au motif inopérant que la désignation en qualité de délégué syndical était subordonnée à la qualité de délégué du personnel, dans la mesure où l'entreprise comptait moins de cinquante salariés, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions combinées des articles L. 2143-6 et L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) du code du travail et par refus d'application, l'article L. 2411-3 du même code ;

2°/ que la décision du ministre du travail en date du 3 avril 2015 se bornait, dans son dispositif, à refuser l'autorisation de licenciement ; qu'en déclarant être liée par les motifs de ladite décision, selon lesquels M. H... aurait seulement pu se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme de ses mandats en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d'un an, de telle sorte qu'il n'aurait pas eu la qualité de salarié protégé à la date où l'inspecteur du travail statuait, la cour d'appel a violé par fausse application la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de l'autorité de la chose décidée en matière administrative ;

3°/ subsidiairement que M. H... soutenait qu'était erroné en droit le raisonnement du ministre du travail, en ce qu'il avait estimé dans les motifs de sa décision que M. H... pouvait seulement se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme du mandat en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d'un an ; que cette question étant sérieuse, la cour d'appel, dès lors qu'elle estimait que le juge judiciaire était incompétent pour apprécier la légalité de ces motifs, devait surseoir à statuer et renvoyer les parties à poser cette question par voie préjudicielle à la juridiction administrative ; qu'en s'abstenant de le faire, au motif inopérant qu'elle n'était pas formellement saisie d'une demande de renvoi devant la juridiction administrative, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de l'autorité de la chose jugée en matière administrative ;

4°/ qu'en statuant de la sorte, au motif erroné que la question de droit soulevée n'était pas sérieuse, la cour d'appel a aussi violé les articles L. 2143-6, L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) et L. 2411-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical.

8. Aux termes de l'article L. 2411-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance précitée, le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution.

9. Il résulte de ces textes que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d'un an attachée à la qualité de délégué syndical s'il a exercé plus d'un an.

10. En conséquence, la cour d'appel, qui a rappelé que seule la protection légale de six mois trouvait à s'appliquer et a constaté que le salarié avait été désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical, quelques semaines après avoir été élu délégué du personnel titulaire et qu'il avait renoncé à ses deux mandats le 28 octobre 2013, ceux-ci prenant fin le 1er janvier 2014, en a exactement conclu que le salarié relevait du statut protecteur jusqu'au 30 juin 2014 et que, celui-ci ayant été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 15 juillet 2014, soit après l'expiration du délai de protection, sa demande en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur devait être écartée.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 2143-6, alinéa 1, L. 2411-5 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Soc., 18 novembre 2020, n° 19-10.286, (P)

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Saisine de l'inspecteur du travail – Saisine postérieure au retrait d'un premier licenciement – Décision de refus – Motifs – Fondement – Portée

Le refus de l'inspecteur du travail d'examiner la demande d'autorisation de licenciement aux motifs que dès l'instant où il a été notifié, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement sans l'accord du salarié, constitue une décision administrative qui s'impose au juge judiciaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 novembre 2018), statuant en référé, Mme F... a été engagée le 9 novembre 1999 par la société SP3 nettoyage en qualité de secrétaire commerciale.

Le 3 décembre 2013, la salariée a été élue déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise.

En dernier lieu, elle exerçait les fonctions d'assistante sociale.

2. La salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 19 juin 2017.

3. Le 26 juin 2017, l'employeur a notifié à la salariée l'annulation de son licenciement et a adressé à l'inspection du travail une demande d'autorisation préalable de licenciement pour inaptitude.

4. Par lettre du 27 juillet 2017, l'inspection du travail a déclaré cette demande irrecevable. Cette décision a été confirmée par le ministre du travail le 8 juin 2018.

5. Le 1er décembre 2017, la salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale de demandes au titre de la nullité de son licenciement intervenu en violation de la procédure administrative d'autorisation préalable et en paiement de diverses indemnités.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée à titre provisionnel des sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité spécifique et de dommages-intérêts pour licenciement nul, et de lui ordonner de délivrer une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif, un solde de tout compte et un certificat de travail, alors :

« 1° / que le trouble manifestement illicite résulte d'une violation évidente de la règle de droit ; que ne constitue pas un tel trouble le licenciement d'un salarié protégé prononcé sans autorisation de l'inspection du travail dès lors que le salarié a accepté de manière claire et non équivoque la rétraction par son employeur du licenciement ; qu'en l'espèce, la société SP3 nettoyage a fait valoir qu'ayant procédé par erreur au licenciement de Mme F... pour inaptitude et impossibilité de reclassement sans autorisation de l'inspecteur du travail, elle avait avisé la salariée de l'annulation de ce licenciement par courrier du 26 juin 2017, ce que Mme F... avait accepté en continuant à lui adresser des arrêts de travail postérieurement à cette date, reconnaissant ainsi la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant cependant que le licenciement de Mme F... prononcé le 19 juin 2017 est effectif et qu'il a été prononcé en violation du statut protecteur de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si Mme F... n'avait pas accepté de manière claire et non équivoque la rétractation par son employeur du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 1455-6, R. 1455-7 ensemble les articles L. 2411-5, L. 2411-8 du code du travail ;

2°/ en outre qu'en l'absence de demande de réintégration au sein de l'entreprise, le licenciement du salarié protégé sans autorisation administrative de licenciement, rétracté par l'employeur qui continue de verser la rémunération, ne constitue pas un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la formation de référé de faire cesser ; qu'en jugeant le contraire alors qu'il est constant que Mme F... n'a pas sollicité sa réintégration au sein de la société SP3 nettoyage, et que la cour constate que l'employeur n'a pas cessé de lui servir sa rémunération, la cour d'appel qui a excédé ses compétences a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3°/ que la formation de référé ne peut allouer une provision au créancier que lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'occurrence, la société SP3 nettoyage a contesté non seulement la nullité du licenciement du fait de l'acceptation expresse par la salariée de la révocation du licenciement mais aussi la décision d'irrecevabilité de l'inspection du travail portant sur sa demande d'autorisation de licenciement en ayant formé un recours devant le tribunal administratif ; qu'en accordant néanmoins à Mme F... des provisions à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité spécifique et de dommages et intérêts pour licenciement nul quand ces créances étaient sérieusement contestables, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, qui a constaté que par décision du 27 juillet 2017, confirmée par décision du ministre du travail du 8 juin 2018, l'inspecteur du travail avait refusé d'examiner la demande d'autorisation de licenciement aux motifs que dès l'instant où il a été notifié, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement, sans l'accord du salarié, et qui a retenu à bon droit que ces décisions s'imposaient au juge judiciaire en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, peu important l'existence d'un recours devant le tribunal administratif dépourvu d'effet suspensif, de sorte que le licenciement de la salariée était effectif et avait été prononcé en violation du statut protecteur de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'obligation de l'employeur au paiement des provisions sollicitées n'était pas sérieusement contestable.

8. La cour d'appel ayant justifié sa décision par ces seuls motifs, le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs ; articles L. 2411-5, L. 2411-8, R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la portée, dans un autre cas, du refus de l'inspecteur du travail d'examiner la demande d'autorisation de licenciement du salarié protégé, à rapprocher : Soc., 19 mai 2016, pourvoi n° 14-26.662, Bull. 2016, V, n° 107 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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